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306. A l’issue de ce qu’on pourrait qualifier de période d’essai, le moment était venu de faire le bilan et de tirer les leçons des premières sauvegardes accélérées organisées par les praticiens. Sur le plan du formalisme, il s’est avéré que le droit français pouvait accueillir, non sans astuce, une procédure judiciaire à plan pré-arrangé (I). En termes de résultat, l’efficacité a séduit plusieurs acteurs (II).

I. La révélation d’une sauvegarde expresse possible

307. L’essai de l’application du procédé de passerelle en droit français a permis de faire des appréciations. Des difficultés d’application ont ainsi été constatées (A) ; des solutions ont pu être envisagées (B).

A. Les obstacles juridiques constatés

308. Dans système de plan pré-arrangé, il a été vu que le débiteur négocie les modalités de remboursement des dettes avec l’ensemble de ses principaux créanciers, avant de demander ensuite l’ouverture d’une procédure du chapitre 11629, afin de faire voter et adopter le plan de restructuration. Dans la pratique américaine, il a été également vu que la procédure ne dure qu’un mois ou deux au maximum, et que le plan adopté par le tribunal s’impose à tous les créanciers même ceux qui ne l’auront pas voté. L’enseignement principal qui peut être tiré du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite l’optimisation du temps, c’est-à-dire la souplesse des formalités. Or, en droit français, l’adoption d’un plan de restructuration en un ou deux mois était impossible à cause des différents délais procéduraux, les plans de sauvegarde et redressement judiciaire étant adoptés dans les meilleurs conditions en six mois630. Ce qui n’est pas le cas en droit OHADA où le concordat préventif est adopté en trois mois631. La célérité requise dans une procédure de prepack buttait nécessairement sur un formalisme lourd du droit français. Les deux affaires expérimentales ont proposé des solutions.

B. Les solutions juridiques tirées de l’expérimentation

309. L’un des exploits réussis au travers des affaires de Thomson et d’Autodistribution fut la compression des délais ordinaires. En effet, dans la sauvegarde française, la période

629V. supra, n°145 et s.

630 Art. L.612-3, c. com.

d’observation dure six mois au minimum632, et la préparation du plan n’est réellement contractualisée que lorsque des comités de créanciers ont été mis en place633. En ce cas, il est à remarquer que les délais d’examen du ou des projets de plan par ces comités634 et de convocation pour le vote des obligataires635 posaient un problème quant à la rapidité voulue pour une procédure prepack comme cela a déjà été dit plus haut636.

310. Afin de pouvoir inscrire la procédure expérimentale dans la logique de prepack, les praticiens ont innové : les procédures amiables de mandat ad hoc et de conciliation, qui sont des procédures entièrement contractuelles, ont été utilisées pour élaborer un plan de restructuration avec l’approbation d’une large majorité des principaux créanciers. En faisant ce travail en amont, ils ont ainsi réduit la durée de la période d’observation de la procédure judiciaire subséquente (sauvegarde), dont l’ouverture n’a servi qu’à formaliser, d’une part, l’adhésion de la majorité des créanciers par le vote et, d’autre part, l’adoption par le tribunal. En tout, la première expérience n’a duré que deux mois. A partir de là, il a été réalisé qu’il suffirait que le législateur réaménage les délais procéduraux pour donner corps à une nouvelle forme de restructuration financière en droit français, laquelle serait alors non seulement une sauvegarde accélérée, mais aussi efficace. La pratique OHADA sera-t-elle tentée d’envisager le recours au

prepack avant une éventuelle reconnaissance législative ? Quoiqu’il en soit, la possibilité

juridique d’une telle hypothèse, de même que son utilité pratique ne peuvent être contestées ; et cela pourrait mieux éclairer le législateur OHADA qui prend le temps de la réflexion.

II. L’efficacité des sauvegardes expresses expérimentées

311. L’issue des premières sauvegardes expérimentales était essentiellement attendue sur le plan de la souplesse (A) et sur le plan de la coercition (B).

632 Art. L. 621-3, c. com.

633 Art. L. 626-29 et L. 626-30, c com.

634 A partir de la transmission du ou des projets de plan aux comités, ceux-ci se prononcent sur ce ou ces projets de plan dans un délai de 20 à 30 jours (L.626-30-2, c. com.). Ce délai peut être augmenté ou réduit jusqu'à 15 jours par le juge commissaire sur demande du débiteur ou de l’administrateur.

635 Le délai devant s’écouler entre l’avis de convocation et le vote de l’assemblée des obligataires est de 15 jours (R.626-61, c. com.).

A. Des procédures souples

312. Dans les affaires ayant mis à contribution le système américain de prepack lors de la période d’essai, le résultat a été plutôt à la hauteur des espérances637. La lourdeur traditionnelle de la procédure judiciaire a été infléchie, et les écueils corolaires limités.

313. Les deux sauvegardes financières accélérées qui ont eu lieu avant que le législateur ne les insère dans le droit des entreprises en difficulté furent particulièrement rapides. Deux mois ont suffi pour l’adoption des plans. Comparativement au délai normal de six mois, ces procédures ont permis de faire l’économie de quatre mois. Une économie précieuse eu égard aux dépenses qu’elles auraient pu occasionner, sans compter la dégradation de l’actif et le ternissement de l’image de l’entreprise.

314. Face aux effets dévastateurs de la crise financières de 2008 sur les entreprises, la souplesse appliquée, dans les procédures expérimentales, a permis la restructuration des entreprises montées notamment dans le cadre des LBO, lesquelles n’avaient besoin que d’une restructuration financière. Toutefois, ces restructurations n’auraient pu être possibles sans le caractère coercitif de ces procédures expérimentales comme toute procédure judiciaire.

B. Des procédures contraignantes

315. Les procédures de sauvegarde financières utilisées avant la loi de régulation bancaire et bancaire et financière de 2010638, se sont montrées coercitives à l’égard des créanciers réfractaires. En effet, face à l’unanimité qui caractérise l’accord de conciliation, il était nécessaire de trouver un moyen de contrecarrer le blocage des négociations639.

316. Cet objectif a pu être atteint. Les plans, dans les procédures collectives françaises, sont adoptés par le vote des créanciers détenant les trois quarts des créances640 ; ils affectent tous les créanciers y compris ceux qui ne l’ont pas voté641. Les enseignements qui en sont issus ont précipité le déclic législatif en droit français.

637 V. R. COUTIER et N. LAURENT, « Analyse de l’opération Autodistribution : premier « prepack » à la française. – Rôle prépondérant des magistrats consulaires », cah. dr. entr., sept. 2009, n°5.

638 Cette loi a adopté la première sauvegarde passerelle.

639 Pour en savoir davantage, v. supra, n°108 et s.

640 Art. L.626-30-2, c. com.

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