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L’accord dans la procédure de conciliation du droit OHADA

Paragraphe II. La raison qui tient aux cadres de négociation

B. L’accord dans la procédure de conciliation du droit OHADA

231. L’article 5-10, alinéa premier, de l’AUPC indique que l’accord de conciliation peut être déposé au rang des minutes d’un notaire ou homologué ou exéquaturé par la juridiction compétente statuant à huis clos. L’homologation de l’accord de conciliation est deux de types : une homologation visa ou de droit - elle suppose l’absence d’un privilège de la conciliation dans l’accord -, et une homologation spéciale en présence d’un tel privilège.

232. Lorsque les parties se sont mises d’accord sur les termes de l’accord, celle la plus diligente peut demander son homologation. La mesure vise à anticiper un éventuel changement d’opinion de la part d’un débiteur de mauvaise foi qui, pour une telle ou telle raison, voudrait faire échouer la procédure. En pratique, un tel scénario est rare dans la mesure où l’auteur principal de la mise en place de l’accord est le débiteur lui-même. Dès le dépôt de l’accord par le conciliateur, le tribunal n’attend pas les parties pour procéder à son homologation, cette dernière étant de droit476. Comparativement au droit français, l’homologation est précédée de la consultation du conciliateur, du débiteur, du comité d’entreprise et du ministère public477. Si la raison principale de la mesure en France pourrait s’expliquer par l’importance des effets attachés à une homologation, le législateur OHADA, lui, semble avoir opté pour la célérité des opérations. 233. Le pouvoir d’appréciation du juge OHADA est limité dans l’homologation d’un accord de

conciliation qui ne comporte pas de privilège d’argent frais. Son rôle se limite à vérifier qu’il existe formellement un accord entre les parties. Il ne peut ni se prononcer sur la qualité de l’accord signé, ni sur les éventuelles conséquences de ce dernier à l’égard des tiers, notamment, les créanciers non signataires. Cette homologation de droit est officiellement appelée « homologation visa ». Elle n’est pas soumise à publicité478, sauf si l’accord comporte un privilège de new money. L’homologation ne reprend pas le contenu de l’accord. Cette mesure a le mérite d’attirer plus de créanciers vers la conciliation dans la mesure où il n’y a point de publicité jusqu’au stade de l’homologation. De ce fait, la confidentialité se justifie. Elle se justifierait également pour la protection de la procédure en cours : « la conciliation est une

procédure non contraignante, les partenaires du débiteur qui ne sont pas appelés à la conciliation doivent être tenus à distance de la connaissance des difficultés de l’entreprise pour

476 Art. 5-10, al.1, AUPC.

477 Art. L.611-9, c. com.

éviter, que dans un mouvement rapide et massif de préservation par chacun de ses intérêts propres, soit définitivement scellé le sort de l’entrepreneur et, avec lui, de son activité ».479

234. Le régime juridique de l’homologation visa se rapproche de la constatation de l’accord de conciliation en droit français. Le législateur OHADA a-t-il voulu tirer les avantages de l’accord constaté du droit français qui, au demeurant, est le plus sollicité480, à cause de sa confidentialité ?

235. Si cette homologation présente l’avantage de la contractualisation et de la confidentialité de la procédure de conciliation, elle n’en demeure pas moins critiquable quant à la sécurité de l’accord. Les magistrats ne sont-ils pas mieux placés pour sécuriser la nouvelle procédure de conciliation ? Que devient l’accord en cas de dol de la part du débiteur ? Aucune condition particulière n’est posée par le législateur pour l’homologation visa de l’accord de conciliation. 236. Toutefois, la juridiction compétente peut mettre fin à la procédure à tout moment dès lors que

la cessation des paiements est constatée. Hormis cette éventualité, il faut dire, comme le relève un auteur481, que le caractère contractuel de l’accord devrait relancer la question de l’admission du recours-nullité au moment de l’homologation. A cet égard, il conviendrait de dissocier l’accord passé de la décision judiciaire. Comme cela a été évoqué précédemment, au cours de l’homologation, la juridiction compétente ne contrôle ni les éventuelles causes de nullité des actes passés, ni les raisons susceptibles de fonder une action paulienne dans l’intérêt des créanciers qui seraient abusés. Aucun recours n’est non plus ouvert à ces derniers482. Contrairement au droit français, le jugement refusant l’homologation de l’accord est susceptible d’appel, tandis que celui qui homologue la convention intervenue entre les parties est susceptible d’une tierce-opposition483. Le manque de sécurité de l’accord homologué de droit dans le droit OHADA conduit à s’interroger sur la modification de cet accord.

237. Le législateur a gardé un silence sur cette question. Sa volonté de ne pas altérer le caractère contractuel de toute la procédure de conciliation pourrait conduire à affirmer, comme le propose

479 F. REILLE, « L’instauration d’une conciliation à la française en droit des entreprises en difficulté Ohada », LPA, 9 mars 2016, n° 49, p. 13.

480 Le taux de recours à la constatation de l’accord de conciliation serait de 80% : P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2015-2016, 8e éd., 2014, n°144-03.

481 J.-P. SORTAIS, Entreprise en difficulté. Les mécanismes d’alerte et de conciliation, éd., LGDJ, 2015, p. 87.

482 Art. 5-10, al. 2, AUPC.

un auteur, que l’évolution d’un accord homologué doit dépendre de la volonté des parties, à moins d’une nouvelle conciliation, ou de l’ouverture d’une procédure collective484. Toutefois, une souplesse pourrait être adoptée en la matière, en permettant par exemple qu’une modification substantielle soit possible entre les parties - qui donnerait alors lieu à une nouvelle homologation -, ou une modification de moindre ampleur pour laquelle une décision concertée du débiteur et du créancier suffirait.

238. Dans l’homologation d’un accord comportant un privilège de conciliation, toutes les mesures contraires existant dans l’homologation visa subsistent. D’abord la confidentialité485 ne peut plus être maintenue : « le secret n’est plus de mise lorsque le juge en donnant son sceau à

l’accord, permet notamment à certains créanciers de bénéficier d’une situation préférentielle ».486 La décision d’homologation est publiée au RCCM ou dans un registre chronologique selon l’identité du débiteur. Un auteur français regrette que le privilège de la conciliation ne soit pas soumis aux règles de publicité de droit commun des privilèges en France. Il invite les créanciers à être vigilants en recherchant notamment par eux-mêmes les informations relatives au patrimoine du débiteur487. Cependant, d’autre auteurs regrettent la publicité qui entoure l’homologation. Ces auteurs opposent à la sécurité de l’accord par l’effet d’homologation, l’exposition des difficultés de l’entreprise, ce qui, selon eux, porte préjudice à son crédit vis-à-vis de ses partenaires488.

239. Ensuite, la décision ayant homologué l’accord est susceptible d’opposition par tout intéressé dans les quinze jours de sa publication devant la juridiction compétente489. Un appel peut être interjeté contre la décision de la juridiction saisie pour opposition dans les quinze jours de son prononcé. Le recours contre une décision d’homologation sera notamment utilisé lorsqu’un ordre public n’a pas été respecté. Le choix du type de recours effectué par le législateur africain a été critiqué par une doctrine490, qui estime qu’une tierce-opposition aurait été plus adaptée,

484 M. JEANTIN, P. Le CANU, Droit commercial, Entreprise en difficulté, 7è éd., Dalloz, 2006, p. 100.

485 Art. 5-11, al. 5, AUPC

486 A. JACQUEMONT, R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9è éd., LxisNexis, 2015, p. 78.

487 P.-M. Le Corre, « Du privilège occulte de conciliation », Gaz. pal. 13 oct. 2012, n°287, p. 3.

488 A. TOH, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA, Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2015, p. 231 ; B. DUMAS, « Le banquier face à l’entreprise en difficulté », Rev. Banque, 2008, p. 145 ; L. HANOCHOWICZ, « L’homologation de l’accord amiable : un leurre pour les créanciers ? », Rev. Banque, juin 2006, n° 681, p. 52.

489 Art. 5-11, al. 6, AUPC.

490 « Au regard des parties en présence, on peut s’interroger sur la pertinence de la voie de recours choisie par le législateur. En effet, l’opposition peut être définie comme étant une voie de rétractation ouverte à la partie contre

dans la mesure où cette dernière vise à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d’un tiers qui s’y oppose, dans le but de protéger ses intérêts. Quoiqu’il en soit, l’appel reste ouvert dans l’hypothèse d’un rejet de l’opposition.

240. La décision refusant d’homologuer l’accord de conciliation n’est pas susceptible de recours491

contrairement au droit français492. Même si le législateur montre sa volonté de sécuriser l’accord intervenu entre les parties, au travers de l’homologation visa ou de droit, l’absence de recours contre un éventuel refus d’homologuer l’accord peut être regretté. Il paraît difficile d’expliquer qu’il veuille, d’une part, favoriser le redressement de l’entreprise et, d’autre part, rapidement sécuriser l’accord conclu, mais qu’il ferme dans le même temps la porte à toute possibilité de contestation si le juge saisi refusait l’homologation. En d’autres termes, si la juridiction compétente commet une erreur d’appréciation de droit ou de fait dans l’examen de la demande d’homologation d’un accord, ce dernier, conclu pour le redressement de l’entreprise, et qui comporte des privilèges, ne pourra être sécurisé comme les parties l’auront souhaité ; et en dépit d’une erreur judiciaire, aucune contestation ne sera possible. Une incohérence législative semble exister, et cela constitue une insécurité juridique.

241. Tel que le cadre de négociation se présente dans les droits français et OHADA, toutes les conditions favorables à l’usage du procédé de passerelle semblent réunies d’un point de vue théorique. Qu’en est-il de son application au regard des droits positifs français et OHADA ?

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