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Paragraphe I. Une production des créances simplifiée

A. La procédure de sauvegarde financière accélérée

391. L’adoption du prepack en droit français a été matérialisée au départ par la création d’une sauvegarde accélérée entièrement financière. L’ancienne rédaction du troisième alinéa de l’article L.628-1 du code de commerce disposait que la sauvegarde financière accélérée n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers mentionnés à l’article L.626-30 comme étant membres du comité des établissements de crédit et, s’il y a lieu, de ceux mentionnés à l’article L.626-32, c’est-à-dire l’assemblée unique des obligataires ; l’article L.628-9, tel que modifié par l’ordonnance du 12 mars 2014 citée plus haut, n’y a rien changé.

392. La sauvegarde financière accélérée concerne toutes les créances résultant d’une opération de crédit. Le terme crédit « viendrait du latin credere faire confiance. Il peut se traduire par une

remise d’argent, mais aussi par l’octroi de simples délais de paiement. En fait il existe une très grande variété de crédits {…}. Cette souplesse tient au fait que le crédit est bien sûr un contrat. Les juristes parlent de « contrat de prêt ». Les économistes de « contrat de dette ».834 Les opérations de crédit sont nombreuses ; il y en aurait deux-cent quarante types835. Dans le cadre de cette étude, l’opération de crédit est celle effectuée par un établissement de crédit. Précisons qu’une opération de crédit fait partie d’une opération de banque836 dont l’exercice habituel est réservé aux établissements de crédit837.

834 R. ROUTIER, Obligations et responsabilités du banquier 2018/2019, 4e éd., Dalloz action, 2017, p. 187.

835 J.-L. RIVES-LANGE, M. CONTAMINE-RAYNAUD, Droit bancaire, 6e éd., Dalloz, 1995, n°377.

836 Art. L.311-1, c. mon. fin., Th. BONNEAU, Droit bancaire, 12e éd., LGDJ, 2017, p. 54.

393. Cette procédure passerelle permet à un chef d’entreprise de négocier ses dettes financières, afin de se soustraire des « dommages collatéraux ».838 d’une procédure collective. A l’image des rayons lasers, « elle concentre ses rayons là où ils sont nécessaires, afin de traiter le seul passif

financier du débiteur »839, d’où le choix législatif de ne la réserver qu’aux seuls créanciers membres des établissements de crédit et, le cas échéant, aux créanciers membres de l’assemblée des obligataires.

394. L’exclusion des autres créanciers, notamment les fournisseurs, a provoqué une vive divergence d’opinions sur la nature de la sauvegarde financière accélérée au sein de la doctrine. Trois principaux courants peuvent être relevés : le courant qui pense que c’est une procédure semi collective, celui qui, au contraire, soutient son caractère entièrement collectif et, enfin, celui qui n’y voit ni une procédure de sauvegarde, ni une procédure collective.

395. Selon le courant doctrinal qui soutient la thèse d’une procédure semi-collective, dans la sauvegarde financière accélérée, le plan n’affecte qu’une catégorie de créanciers, celle des créanciers financiers.

396. En ce sens, un auteur soutient que « la discipline collective ne s’impose qu’à l’égard des

certains créanciers - ceux pour lesquels le plan de sauvegarde aura un impact -, qui sont seuls consultés pour l’adoption du plan et sont seuls soumis à l’obligation de déclarer leurs créances au passif. Les obligataires sont également soumis aux contraintes de la procédure collective. Les autres créanciers {…} notamment les fournisseurs, mais également les créanciers publics échappent à l’arrêt des poursuites individuelles et à l’interdiction des paiements ».840

Autrement dit, selon le même auteur, la procédure de sauvegarde financière accélérée serait « accélérée par la durée, et financière par la portée des contraintes imposées à une variété

particulière de créanciers ».841 Se basant sur les mêmes arguments qui tiennent aux effets, d’autres auteurs en concluent tantôt à une procédure « partiellement collective »842, tantôt à

838 B. BOURBOULOUX, COUTURIER, « La consécration de la sauvegarde financière accélérée de l’entreprise », BJE mars 2011, n°23, p. 48.

839 F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 461.

840 P.-M. LE CORRE, L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal. 16 oct. 2010, n°289, p. 3.

841 P.-M. LE CORRE, L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal. 16 oct. 2010, n°289, p. 3.

celle « quasi collective »843, voire même à une procédure « hémiplégique » ».844 Même si les termes qu’utilisent ces auteurs sont différents, l’idée mise en lumière reste la même : tous les créanciers ne sont pas affectés, par conséquent la procédure financière accélérée n’est pas entièrement collective.

397. Dans l’entendement du courant qui soutient que la sauvegarde financière accélérée est une procédure collective, il peut être retenu qu’il ne faudrait pas relier le « caractère collectif » au nombre et à la qualité des créanciers affectés, mais plutôt au caractère commun des règles qui s’appliquent aux créanciers concernés, peu important que ces derniers soient financiers ou fournisseurs.

398. Ainsi, selon un auteur, « en règle générale, la poignée de créanciers financiers correspondra

à l’essentiel du passif {…} la SFA ne se justifie même que dans cette hypothèse {…} la mise à l’écart délibérée des autres créanciers est elle-même conçue comme au service de l’objectif de sauvetage. Au-delà, si l’on se concentre sur ce domaine plus étroit des créanciers financiers, leur soumission à la discipline collective est évidente : dans son domaine, à l’égard des seuls créanciers qu’elle affecte - en pratique, donc, le gros du passif -, la SFA présente toutes les caractéristiques d’une véritable procédure collective » ; « en revanche, si l’on considère l’ensemble des créanciers, elle n’est que semi-collective, et ce trait, loin d’être une faiblesse, lui confère en réalité autant de précision que d’efficacité ». 845 Face à la définition d’une procédure collective, c’est-à-dire une procédure qui « implique tous les créanciers d’un

débiteur défaillant et les soumet à une même loi » 846, et qui semble donner raison au courant soutenant le caractère « semi-collectif » de la sauvegarde financière accélérée, un autre auteur, partisan de la thèse du « caractère entièrement collectif », répond que jusqu’en 1967, la faillite laissait indemnes les titulaires de sûretés spéciales847 ; autrement dit, tous les créanciers n’étaient forcément pas affectés par la procédure collective.

399. Enfin, selon un dernier courant, la procédure de sauvegarde financière accélérée ne serait ni une sauvegarde au vrai sens du terme, ni même une procédure collective en ce que, d’un côté,

843 F.-X. LUCAS, LEDEN 2010-2011, p. 1.

844 M. MENJUCQ, « Adoption de la « sauvegarde accélérée » : considération du « prepackaged plan » en droit français », Rev. proc. coll. nov. 2016, n°06, repère 6.

845 F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 462.

846 J.-L. VALLENS, « La procédure de sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective ? » RTD com. 2011, p. 644.

847 F.-X. LUCAS, « Caractère collectif de la procédure et sauvegarde financière accélérée », RPC 2012-2013, dossier 18, p. 93.

les conditions d’ouverture ainsi que les effets de cette procédure la rendraient incompatible avec une procédure de sauvegarde et, de l’autre, ses effets limités aux seuls créanciers financiers entraînent une absence du caractère collectif. Selon une opinion, dans ce sens, « la loi de 2010

est allée plus loin, en introduisant non pas une exception supplémentaire au caractère collectif, mais en posant précisément le principe contraire : les effets de la procédure sont limités à certains créanciers énumérés limitativement » ; cette dernière - parlant de la SFA -, « est un point de passage obligé pour passer de l’unanimité impossible à la majorité qualifiée propre au plan de sauvegarde », de sorte qu’elle « n’est pas une procédure collective, mais un processus judiciaire d’homologation d’un projet d’accord de conciliation, qui se trouve ainsi rendu opposable aux créanciers opposants ».848

400. Au regard des arguments avancés au sein des différents courants précédemment exposés, il apparaît difficile de trancher. Cependant, un constat peut être fait, celui que la majorité des auteurs pensent plutôt que la procédure de sauvegarde financière accélérée n’est pas une procédure entièrement collective. Cependant la thèse d’un caractère entièrement collectif de la sauvegarde financière accélérée semble logique. Il en est ainsi parce que l’expression « procédure collective » renvoie plus explicitement à la soumission des créanciers concernés par l’ouverture d’une procédure judiciaire donnée - peu importe que cette dernière soit uniquement financière ou non - à un traitement commun, qu’à l’identité de ces créanciers. Contrairement à la sauvegarde financière accélérée, la procédure de sauvegarde affecte tous les créanciers.

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