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Paragraphe I. Les conditions substantielles 664

A. La condition essentielle de la conciliation

331. Être engagé dans une procédure de conciliation est la condition essentielle pour accéder à l’une des procédures de sauvegarde accélérée668. Cette condition donne la mesure de passerelle voulue par le législateur entre les procédures de traitement amiable et judiciaire des difficultés

663 M. RAKOTOVAHINY, Fiches de procédures collectives, éd., Ellipses, 2016, p. 63.

664 Par conditions substantielles, il faut entendre conditions de fond.

665 Art. L.620-1, c. com.

666 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 631.

667 A. LIENHARD, Code des procédures collectives : Annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018, comm., art. L.628-1, c. com, p. 462.

des entreprises669. Il n’y a pas d’accès direct à la sauvegarde financière accélérée et à la sauvegarde accélérée670. L’obligation de passer par la conciliation traduit la nécessité qu’un plan soit complètement négocié en amont, en vue de permettre la célérité de la procédure judiciaire subséquente. Il s’agit de donner plus de chance de réussite à des procédures exceptionnelles au formalisme très minimaliste.

332. Il est à rappeler qu’avant l’ordonnance du 12 mars 2014671, la règle avait déjà été posée par la réforme de 2010 672, à l’occasion de l’adoption de la sauvegarde financière accélérée. Il était alors exigé que la conciliation soit « en cours ». Le texte de 2014, même s’il n’a pas utilisé l’expression « en cours » pour la sauvegarde accélérée de droit commun, l’a cependant suffisamment fait savoir en disposant que le chef d’entreprise doit « être engagé dans une

procédure de conciliation ». Ce qui signifie que cette dernière ne doit être terminée au moment

de la saisine du tribunal. L’interprétation de la condition d’« être engagé dans une procédure

de conciliation » fait l’objet de divergence ; mais un arrêt de la Cour de cassation673 a apporté une précision partielle, celle relative au cas d’un groupe de sociétés.

333. En l’espèce, le 15 juillet 2013, une procédure de conciliation a été ouverte en faveur de la société Braco et de sa filiale, la société Cobrason. Monsieur X a été désigné conciliateur pour une durée de quatre mois, prorogé d’un mois. Le 2 septembre 2013, la société mère (Braco) a été mise en sauvegarde. Le 9 décembre 2013, un accord de conciliation, avec une demande d’homologation, a été signé par l’ensemble des établissements de crédit créanciers de la filiale (Cobrason), à l’exception d’une banque (le crédit agricole). Le 12 décembre 2013, Cobrason a demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée, et a présenté l’accord de conciliation comme projet de plan. La banque a alors formé une tierce opposition contre cette demande à laquelle le jugement du 16 décembre 2013 avait fait droit. La cour d’appel de Paris a rejeté la tierce opposition formée par la banque par un arrêt du 25 septembre 2014. La banque s’est alors pourvue en cassation, sur le moyen que pour bénéficier de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée, il faut qu’il y ait une procédure de conciliation en cours ; or qu’en l’espèce, la société filiale ne remplissait plus cette condition au moment

669 A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 336.

670 id.

671 Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.

672 L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984, texte n°1.

qu’elle a sollicité le bénéficie de cette procédure, puisque la procédure de conciliation, ouverte en faveur d’elle et de la société mère, avait pris fin par l’ouverture de la sauvegarde en faveur de la société mère.

334. La Cour de cassation a, dans cet arrêt du 12 juillet 2016, approuvé les juges du fond, en retenant qu’à la suite de l’ouverture de la sauvegarde de la société Braco, la procédure de conciliation s’était poursuivie pour aboutir, sous l’égide du conciliateur, à un accord signé le 9 décembre 2013, et qu’en conséquence, la société Cobrason était légalement - c’est -à-dire que la procédure de conciliation était en cours - engagée dans une procédure de sauvegarde financière accélérée. 335. Le chef d’entreprise voire les praticiens doivent prêter attention à l’effet couperet du délai d’expiration de cette conciliation674. Elle ne dure que quatre mois prorogeables sans que la durée totale ne puisse dépasser cinq mois675. Au-delà, le tribunal met un terme de plein droit à la procédure sous réserve, toutefois, d’une demande d’homologation déposée avant terme, et ce sans que le chef d’entreprise ne puisse prétendre à une nouvelle conciliation avant l’expiration d’un délai de trois mois676. Ce qui pourrait porter un coup d’arrêt aux négociations entreprises. En dépit de ce risque, « la condition d’être engagé dans une procédure de

conciliation interdit tout accès direct à la sauvegarde accélérée, quels que soient la situation du débiteur et l’état et la qualité de ses relations avec ses créanciers »677 ; « Un simple mandat

ad hoc ne suffit pas, ni a fortiori une simple démarche contractuelle en dehors d’un cadre judiciaire ».678

336. Cependant, pourquoi le mandat ad hoc n’aurait pas pu convenir ? D’autant qu’il n’a pas été recouru à la conciliation dans les deux affaires (Autodistribution et Thomson679) ayant mis à contribution la technique de prepack avant sa reconnaissance législative. Au contraire, c’est au travers de simples négociations directes avec les créanciers, et du mandat hoc, que l’on est parvenu à la procédure judiciaire où les plans ont été adoptés. Pourtant le mandat ad hoc présente plus de souplesse que la conciliation. De plus l’article L.628-2 du code de commerce, en disposant que le tribunal peut obtenir communication des pièces et actes relatifs à la

674 A. LIENHARD, Code des procédures collectives : Annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018, comm., art. L.628-1, c. com, p. 462.

675 Art. L.611-6, c. com.

676ibid.

677 A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 336.

678 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p. 631.

conciliation et, le cas échéant, au mandat ad hoc, nonobstant les dispositions de l’article L.611-15 imposant à toute personne qui y a participé le respect des règles de confidentialité, renforce cette thèse. Le législateur l’a jugé insuffisant, ce qui a été regretté par certains auteurs680. Toutefois, rien n’empêche le débiteur de commencer ses négociations dans le cadre d’un mandat ad hoc, pour terminer dans celui d’une conciliation, au moment où il saisit le tribunal, la cessation des paiements ne constituant plus une barrière automatique681.

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