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124. Du chapitre qui précède, il peut être retenu que la prévention voire le traitement des difficultés des entreprises en droit français antérieurs à la loi de sauvegarde de 2005, présentent les mêmes caractéristiques que celles prévues par le droit positif OHADA en la matière, surtout en ce qui concerne les faiblesses de la procédure de conciliation. Ces faiblesses tiennent à l’effet immédiat de la cessation des paiements et à la rigidité de la règle de l’unanimité qui caractérise l’accord de conciliation. Ces défauts de la conciliation, laquelle est la principale procédure préventive dans les deux droits, ne sont pas de nature à favoriser le redressement du débiteur, puisque chaque créancier dispose d’un droit véto qu’il peut opposer à la conclusion d’un accord.

Chapitre 2. Le procédé de passerelle : une solution admise juridiquement dans

les droits français et OHADA

125. Le procédé de prepack est une procédure intermédiaire permettant de basculer d’un traitement amiable dans un traitement judiciaire. Face aux faiblesses de la procédure de conciliation302, il a été déjà vu qu’il constitue une des solutions exploitables pour déjouer le blocage de la conclusion d’un accord de conciliation303. Il est inspiré des prepackaged plans du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite.

126. Marqué par un effet cram-down ou écrasement des créanciers non diligents, le procédé de

prepack permet au chef d’entreprise de bénéficier de la liberté et de la confidentialité de

l’amiable pour négocier, avec ses créanciers, un projet de restructuration financière, et de profiter du vote présent dans le judiciaire pour faire adopter son plan. Tel qu’il se présente, la célérité des opérations ainsi que la négociation sont au cœur de ce procédé.

127. Les droits français et OHADA des entreprises en difficultés sont ouverts à la négociation ; des cadres de discussions ont été créés pour ce faire dont, notamment, la procédure de conciliation. Dans le cadre de ce chapitre, un bref rappel304 des principaux modes de restructuration des entreprises prévus par le chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite sera fait (Section 1), afin de mieux cerner la procédure de plan pré-arrangé dans son esprit. Ensuite, les fondements juridiques qui l’admettent, en dehors de tout cadre législatif spécifique, dans les droits français et OHADA seront examinés (Section 2).

Section 1. Le rappel du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite

128. Le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain de la faillite traite des procédures de réorganisation notamment des prepackaged plans ou plans pré-arrangés. Ces plans résultent d’une négociation amiable et contractuelle entre le débiteur et ses créanciers, avant l’ouverture d’une procédure judiciaire, en vue de leur approbation par le tribunal. Ils permettent une restructuration financière rapide et moins coûteuse. Rendus possibles grâce au fait majoritaire lui-même corollaire de l’effet cram-down ou écrasement des créanciers opposants, ces

302 V. supra, n°59 et s. ; n°108 et s.

303 V. supra, n°136.

304 Pour en savoir davantage v. S. STANKIEWICZ MURPHY, L’influence du droit américain de la faillite en droit français des entreprises en difficulté, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2011, p. 109 et s.

mécanismes de restructuration, combinant l’amiable et le judiciaire, ont fini par inspirer la plupart des droits modernes.

129. Dans le droit américain, il existe deux types de faillites codifiés aux chapitre 7 et chapitre 11 du code fédéral de la faillite. Le chapitre 7 est relatif à la liquidation. Le débiteur qui demande sa mise en liquidation a généralement cessé toute activité et se trouve alors placé sous le contrôle d’un trustee-in-bankruptcy ou un syndic de faillite. Le rôle de ce dernier est de liquider l’actif de l’entreprise et de partager le produit net entre ses créanciers. Ce serait l’équivalent des procédures de liquidation judiciaire dans les droits français305 et OHADA306. Le chapitre 11 est celui qui propose une restructuration. Le débiteur qui invoque ce chapitre souhaite réorganiser son entreprise en vue d’acquitter intégralement ou partiellement ses dettes et de redevenir rentable. Ce débiteur va continuer à gérer son entreprise à la différence de celui qui invoque le chapitre 7. Il est dit alors qu’il est un debitor in possession ou un débiteur en possession307 . Ce statut lui permet de posséder et de gérer son actif, de même que le conseil d’administration et les autres responsables continuent à exercer tous les pouvoirs nécessaires à la gestion normale de l’entreprise. Toutefois, cette gestion reste sous la surveillance et non le contrôle du tribunal308.

130. Son statut de debitor in possession lui permet également de bénéficier du sursis de plein droit309

en ce qui concerne les poursuites. C’est un principe qui s’applique dès la demande de mise en faillite au titre du chapitre 11. Toutes actions pouvant être engagées contre le débiteur, y compris l’application des sûretés, des droits de rétention, des saisies des biens et des actions judiciaires sont interdites. Un créancier titulaire d’une sûreté non opposable ne peut pas faire opposition au sursis immédiat subséquent à une demande du chapitre 11310. Certaines actions ou procédures échappent toutefois à ce principe. Tel est le cas notamment pour les actions ou les procédures entamées par un organisme gouvernemental exerçant son pouvoir d’intervention, l’application d’un jugement autre que celui pécuniaire obtenu par un organisme gouvernemental311 et les actions du bailleur à l’encontre du débiteur à l’appui d’un bail dont la

305 Art. L. 640-1, c. com.

306 Art. 25, AUPC.

307 Code de la faillite, § 1107.

308 Code de la faillite, § 1104 (a).

309 Code de la faillite § 362 (a).

310 Code de la faillite, 362 (a) (5).

durée a expiré avant la déclaration de faillite312. Il importe de préciser que la violation du principe de sursis de plein droit peut donner lieu à des sanctions par le tribunal de la faillite313. 131. Nonobstant tous ces avantages, des aspects négatifs existent dans le recours au chapitre 11. Il en est ainsi du coût et des nombreuses formalités caractérisant les procédures judiciaires, le risque pour le débiteur de perdre le contrôle de la gestion de son entreprise, un trustee ou administrateur pouvant être nommé. Pour ces raisons, les mécanismes de restructuration financière de l’entreprise, préalablement à toute ouverture du chapitre 11 et en dehors de toute intervention judiciaire, sont devenus prisés. Il s’agit de négociations antérieures à une procédure judiciaire314 qui aboutissent à des exchange offers ou échanges d’offres, ou à un accord de

prepackaged plan ou plan pré-arrangé. Cette dernière solution intéresse notre étude, car c’est

elle qui définit les modalités du futur plan de réorganisation.

132. La solution de prepackaged plan n’est pas nouvelle en droit américain de la faillite. Elle était permise au débiteur sous le régime du bankruptcy act de 1898315. En 1935, le législateur est allé plus loin en acceptant les plans votés dans le cadre de simples discussions privées entre le débiteur et ses créanciers316. La même possibilité avait été introduite dans le code de 1978 bien qu’elle ne fut pas beaucoup utilisée. Ce n’est qu’en 1990 qu’elle suscita un réel intérêt auprès des débiteurs par suite de l’augmentation de la dette publique des sociétés par action. Au début, seules les entreprises de grande taille s’en servaient pour faire face à leur surendettement sans pour autant que cela n’influe sur le cours normal de leurs affaires et les relations avec les créanciers importants. De nos jours, beaucoup d’entreprises recourent à ces procédures à cause de trois grands avantages : la suspension des poursuites individuelles, une restructuration opérationnelle et une restructuration financière317. La doctrine française, ainsi que les praticiens français furent les artisans de la promotion du procédé de plan pré-arrangé en droit français. Seront particulièrement vus dans le cadre de cette section, les plans pré-arrangés en droit

312 Code de la faillite § 362 (b) (10).

313 Code de la faillite § 362 (h).

314 Il importe de préciser que les plans pré-arrangés ne constituent pas en eux-même des procédures judiciaires, c’est le chapitre 11 qui l’est. Autrement dit, l’ouverture du chapitre 11 signifierait dans les droits français et OHADA l’ouverture de la procédure judiciaire. Un plan de réorganisation pré-arrangé est adopté dans le cadre de la procédure judiciaire, c’est-dire du chapitre 11.

315 Entendre code de la faillite de 1898.

316 Campbell.V. alleghany corp., 75 F. 2d. 947, 4th Cir.1935.

317 R. LEVIN, « La restructuration d’entreprise dans le cadre du chapitre 11 du code américain des faillites », cah. du dr. de l’entr., sept.-cct. 2009, n°5, p. 21.

américain de la faillite (Paragraphe I), ainsi que l’analyse des circonstances de l’expérimentation française sur inspiration américaine (Paragraphe II).

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