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243. D’une part, il peut être retenu qu’il existe une convergence des faiblesses caractérisant la prévention voire le traitement des difficultés des entreprises entre le droit français antérieur à la loi de sauvegarde des entreprises de 2005 et le droit positif OHADA. Ces faiblesses sont liées à la rigidité du régime de la cessation des paiements et à l’unanimité de l’accord de conciliation ; elles ne favorisent pas le redressement du débiteur, chaque créancier ayant la possibilité de faire échouer le projet de restructuration. D’autre part, il peut être retenu que le procédé de passerelle, qui est une des solutions au blocage de l’accord dans la procédure de conciliation, est juridiquement admis dans les droits français et OHADA sans un cadre législatif déterminé. Les missions confiées au conciliateur ainsi que le cadre dédié aux négociations dans les deux droits en constituent les raisons.

TITRE 2

L’APPLICATION DU PROCEDE DE PASSERELLE DANS LES DROITS FRANÇAIS ET OHADA

244. La technique de la passerelle entre la conciliation et la sauvegarde/règlement préventif est une possibilité juridique que les législateurs français et OHADA ont prévue, peut-être inconsciemment493, dans le dispositif de traitement des difficultés des entreprises. Il peut en être jugé ainsi parce que l’Acte uniforme des procédures collectives ne prévoit pas un régime juridique propre au mécanisme de plan pré-négocié. Il fut de même en droit français avant la loi de régulation bancaire et financière de 2010494 qui a adopté la sauvegarde financière accélérée dont le plan est pré-arrangé. L’admission théorique d’un mécanisme juridique, par une législation, diffère de l’application pratique de ce mécanisme au regard du droit positif. Il importerait ainsi d’analyser, dans un premier temps, les éléments de validité du procédé de passerelle en droit OHADA (Chapitre 1) et, dans un second temps, le régime juridique des procédures passerelles adoptées en droit français (Chapitre 2).

493 V. supra, n°86.

Chapitre 1. Les éléments de validité du procédé de passerelle en droit OHADA

245. Le législateur OHADA a adopté une dynamique de contractualisation de la restructuration des entreprises en difficulté qui transparaît dans la dernière réforme495 de l’Acte uniforme des procédures collectives. La reconnaissance du procédé de plan pré-négocié pourrait accentuer cette dynamique496. Dans cette éventualité, nous nous proposons d’analyser, dans le cadre de ce chapitre, la validité du procédé de passerelle à l’appui du droit positif OHADA (Section 1) et à l’appui de l’expérience française (Section 2).

Section 1. L’analyse à l’appui du droit positif

246. Dans la perspective de l’adoption d’une sauvegarde expresse en droit français, un auteur disait : « à ceux qui s’inquiètent que le législateur n’ait pas autorisé le prepack497, on se bornera de répondre qu’il importe surtout qu’il ne l’a pas interdit et que tant que l’on n’a pas identifié un principe général ou une règle spéciale qui condamnerait le recours à ce procédé, il faut le tenir pour valable et praticable ».498 Il a été vu que le droit OHADA admettait théoriquement l’idée d’une procédure judiciaire à plan pré-arrangé ; en pratique, c’est-à-dire au regard du droit positif, il peut être affirmé qu’il y est également favorable. En effet, l’Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif indique que la requête en ouverture d’un règlement préventif doit s’accompagner d’un concordat préventif499. Ce concordat doit préciser les mesures envisagées pour le redressement de l’entreprise dont entre autres les modalités de continuation de l’entreprise - telles que la demande de délai et de remise, la cession partielle ou totale d’actif, la location-gérance d’une branche d’activité formant fonds de commerce -, le niveau et les perspectives d’emploi, les modalités du maintien et du financement de l’entreprise et les modalités du règlement du passif500. Lorsque le concordat préventif lui paraît sérieux, la juridiction compétente ouvre la procédure et désigne un expert au règlement préventif, pour lui

495 V. supra, n°20 et s.

496 V. infra, n°614 et s.

497 Procédure à plan pré-arrangé ; v. supra n°.33, note 75.

498 F. X. LUCAS, « Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. dr. entr., 1er sept. 2009, n°5, doss. 28.

499 Art. 6-1, al. 1, 13°, AUPC. A noter que concordat préventif correspond au plan de sauvegarde en droit français : v. supra, n°4, n°228.

faire rapport sur la situation financière et économique de l’entreprise501. Il en résulte que l’établissement du bilan économique et social, s’il y a lieu, ne précède pas le concordat préventif, contrairement au droit français où le code de commerce dispose qu’« au vu du bilan

économique, social et, le cas échéant, environnemental, le débiteur avec le concours de l’administrateur, propose un plan {…} » ; en droit fédéral américain de la faillite, source

d’inspiration du plan pré-arrangé, tel n’est pas le cas502. Deux observations peuvent être faites. D’abord une convergence existe entre le droit OHADA et le droit américain s’agissant de l’élaboration du plan avant le bilan économique et social, même si l’hypothèse inverse peut paraître logique en ce que le projet de plan y est élaboré à la lumière d’un diagnostic complet de la situation globale de l’entreprise. Ensuite, s’il a fallu que le législateur français, pour l’adoption de la procédure de sauvegarde financière accélérée, impose le passage du chef d’entreprise par une procédure de conciliation afin de préparer le projet plan, en droit OHADA, une telle obligation ne serait pas nécessaire.

247. La vraie question, pour la reconnaissance du procédé de passerelle dans le droit positif OHADA, semble tenir à l’harmonisation entre la rapidité requise dans une telle procédure et la lourdeur souvent reprochée aux procédures collectives503. Cette difficulté avait suscité des interrogations en droit français au moment de l’adoption du prepack : « on peut se demander si

le recours au prepack n’est pas condamné par les nombreuses formalités enserrées dans les délais de rigueur, qui, en imposant un délai minimum à la procédure, pourrait du même coup avoir pour résultat de condamner sa version accélérée504» ; mais le règlement préventif OHADA n’est pas aussi formaliste que la sauvegarde classique française505. Il en est ainsi, parce que, compte tenu de l’absence de la masse des créanciers, le projet de concordat n’est pas voté, la consultation des créanciers ainsi que le vote au sein de la masse n’étant requis que dans le cadre du redressement judiciaire et de la liquidation des biens506, contrairement au droit français

501 Art. 8, al. 1, AUPC.

502 V. supra, n°145 et s.

503 F. X. LUCAS, « le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah.dr. entr., 1er sept. 2009, n°5, dossier 28.

504F. X. LUCAS, « le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. de dr. de l’entr., 1er

sept. 2009, n°5, dossier 28.

505 V. supra, n°4.

où l’ouverture d’une procédure passerelle507 requiert la constitution des comités de créanciers508.

248. L’adoption d’une procédure à plan pré-arrangé en droit OHADA ne devrait pas poser un problème dès lors que le respect de l’égalité des créanciers et de l’équité du plan ne sont pas violés. L’étude des éléments de validité du procédé de passerelle à l’égard du droit positif OHADA conduit, d’une part, à s’intéresser à la possibilité d’une procédure judiciaire rapide au regard des délais procéduraux qu’impose l’Acte uniforme des procédures collectives (Paragraphe I) et, d’autre part, aux conditions d’adoption du concordat préventif (Paragraphe II).

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