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Paragraphe I. Une production des créances simplifiée

B. L’actualisation de la créance

411. Si le texte, antérieur à la réforme de 2014865 et relatif à la sauvegarde financière accélérée, réservait sans autre précision le cas de l’actualisation des déclarations de créances, le nouveau texte est sans équivoque sur la question. Ce nouveau texte précise que l’actualisation des créances, mentionnées sur la liste déposée par le chef d’entreprise, se fait dans le délai commun de déclaration des créances866, lequel est compatible avec la brève durée de la procédure. Telle paraissait être déjà la règle implicite se dégageant de l’ancien article L.628-5 du code de commerce, notamment dans l’hypothèse la plus probable d’une actualisation par augmentation du montant. Cette actualisation apparaîtra, le cas échéant, nécessaire au créancier au vu de l’extrait de la liste déposée concernant sa créance que le mandataire judiciaire lui aura transmis. En d’autres termes, en cas de différence entre le montant indiqué sur cet extrait et le montant définitif arrêté à l’ouverture de la procédure, le créancier doit prendre une décision selon que la variation a opéré une augmentation ou une diminution.

412. Dans le cas d’une augmentation du montant, situation qui peut émaner de la naissance de nouvelles créances lors de la conciliation - ce qui est possible dans la mesure où le passif n’est pas gelé -, ou d’une mauvaise évaluation, la dispense de déclaration étant d’interprétation stricte, le créancier sera obligé, pour que l’admission porte sur le montant réactualisé et sous peine de forclusion pour la différence alors inopposable à la procédure, de déclarer sa créance définitive dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC867. A

contrario, si le montant a diminué - situation qui peut résulter d’un paiement partiel au cours

de la conciliation ou d’une mauvaise évaluation -, le créancier devrait réduire son évaluation jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission. Ce serait alors, une transposition d’une jurisprudence bien connue868.

864 Com. 6 févr. 2001, n°98-11.112, Bull. civ. IV, n°31, p. 29.

865 V. supra, n°18.

866 Art. L. 628-7, c. com.

867 Art. L.622-24, c. com.

868

Com. 27 mai 2003, n° 00-17-716, Bull. civ. IV, n° 87 ; Com. 3 nov. 2010, n° 09-72.029, D. Actu. 2010, 2701, obs. A. LIENHARD.

413. Aux termes de l’article R.628-9 du code de commerce, dans les huit jours suivant la remise de la liste par le greffier, le mandataire judiciaire communique, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou, le cas échéant, par le portail électronique mis en place par le conseil national des administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires, à chaque créancier concerné les informations relatives aux créances dont il est titulaire telles qu’elles résultent de la liste déposée. Cette information vaut avertissement au sens des dispositions des articles L.622-24 et R. 622-21 du code de commerce. Les créanciers dont les créances n’ont pas été déclarées en temps utile sont normalement forclos869 ; mais ils peuvent être relevés de cette forclusion.

414. La demande de relevé de forclusion est l’action d’un créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai légal, et qui n’a pas de ce fait vocation à être admis au passif de la procédure870. Selon le code de commerce, afin d’éviter de continuer à être forclos, le créancier forclos peut intenter une action en relevé de forclusion871. Cette demande est adressée sous forme de requête au juge commissaire, et contient essentiellement les raisons pour lesquelles il n’a pas pu respecter le délai légal872.

415. Étant sans doute un contentieux, la demande en relevé de forclusion donne lieu à un débat contradictoire entre mandataires de justice, le chef d’entreprise et le créancier requérant873. A défaut, l’ordonnance rendue peut-être frappée de nullité pour non-respect du principe du contradictoire, même si l’effet dévolutif permet au juge de statuer sur le fond, dès lors que ce n’est pas la saisine qui est mise en cause, mais plutôt la décision rendue874.

416. La demande en relevé de forclusion doit obéir à un délai préfix, c’est-à-dire insusceptible d’interruption, au-delà duquel le juge commissaire n’a pas pouvoir à relever un créancier de sa forclusion, sauf à s’exposer à un excès de pouvoir875 ; il doit d’office soulever la fin de non-recevoir sur le fondement de l’expiration du délais prévu876. Le délai de principe d’exercice de cette action est de six mois877 : il commence à courir à partir de la publication du jugement

869 Art. L.622-26, c. com.

870 Art. L.622-26, c. com.

871 Art. L.622-26, al. 3, c. com.

872 Com. 28 janv. 2014, n°12-27.728, Bull. civ. IV, 2014, n°25.

873 Com. 13 déc. 2005, n°04-18.391, Bull. civ. IV, n°250.

874 id.

875 Com. 16 nov. 1993, n°91-151.43, Bull. civ. IV, n°185, p. 297.

876 Com. 26 oct. 1999, n°97-13.238, Bull. civ. IV, n°187, p. 159.

d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l’article L.3253-14 du code de travail878, de l’expiration du délai pendant lequel les créances résultant des contrats de travail sont garanties par ces institutions ; pour les créanciers ayant une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat de travail, il court à compter de la réception de l’avis qui leur est adressé. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur, avant l’expiration du délai de six mois, le délai commence à courir alors à partir de la date à laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence de sa créance.

417. Avant la réforme de 2014879, l’action en relevé de forclusion était possible jusqu’à un an880, mais non au-delà 881. Cependant, la Cour de cassation sème le doute en décidant que les dispositions légales « ne portent pas une atteinte substantielle à un recours juridictionnel

effectif en ce qu’elles ne font pas obstacle à la recevabilité d’une action en relevé de forclusion après l’expiration d’un délai maximal d’un an prévu par l’article L.622-26 du code de commerce par un créancier placé dans l’impossibilité d’agir pendant ce délai ».882 S’agit-il d’un arrêt de principe ? Il est difficile d’y apporter une réponse sûre.

418. Après l’ordonnance du 12 mars 2014, le délai maximal d’un an a été supprimé883. Le créancier qui ignorait l’existence de sa créance au jour du jugement d’ouverture dispose, à partir de la date de la connaissance de l’existence de la créance, d’un délai de six mois pour introduire une demande de relevé de forclusion ; cette date de connaissance de l’existence de sa créance peut partir d’une assignation, mais non de la décision à venir selon la Cour de cassation884.

419. Si le juge commissaire fait suite à la demande du créancier, ce dernier sera admis à la procédure au même titre que les autres créanciers. Dans l’hypothèse d’un rejet, le créancier peut contester cette décision.

878 Telles que les organismes d’assurance chômage, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale.

879 V. infra.

880 Art. L.622-26, rédaction antérieure à l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014.

881 Art. L.626-6, rédaction antérieure au premier juillet 2014.

882 Com. 5 sept. 2013, n° 13- 40.034, Bull. civ. IV, n°27.

883 Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.

420. Comme toutes les ordonnances en matière de vérification de créance, la voie de recours en matière de l’action en relevé de forclusion était l’appel885 sous l’empire des textes antérieurs à la loi du 26 juillet 2005886. C’était une particularité consacrée par l’ancien article L.621-46 du code de commerce. Avec la loi de sauvegarde de 2005 précédemment citée, cette dérogation, maintenue pour les autres décisions statuant sur la vérification de créance, a été supprimée pour l’action en relevé de forclusion. Désormais, c’est le droit commun qui s’applique : l’ordonnance statuant sur un relevé de forclusion fait l’objet d’un recours devant le tribunal, et le jugement rendu peut faire l’objet d’un appel quel que soit le montant de la créance - ce qui rend irrecevable le pourvoi contre le jugement selon la Cour de cassation887 -.

421. Sur la forme, une difficulté se posait dans le recours ouvert contre les décisions du juge commissaire qui se déclare incompétent en matière de vérification des créances. Le décret du 6 mai 2017888 semble résoudre ce problème en supprimant le contredit de compétence. Dans une procédure de vérification des créances, le juge commissaire peut se déclarer incompétent lorsqu’il constate l’existence d’une contestation sérieuse - par exemple le débiteur invoque la nullité d’un contrat dont résulte la créance déclarée, ou lorsque matériellement il ne peut pas statuer889. Dans une telle hypothèse, les parties sont renvoyées ; mais l’incompétence ici évoquée doit être comprise dans le sens d’un dépassement de compétence, c’est-à-dire qu’il est nécessaire que le contentieux attaché à la créance par exemple soit tranché par la juridiction compétente, avant que le juge commissaire ne puisse statuer sur la créance litigieuse. Le recours formé dans ces conditions n’est pas un contredit, mais un appel - le recours contre l’ordonnance du juge commissaire est un appel, sauf en matière de l’action en relevé de forclusion890 -. De sorte qu’un contredit formé à la place d’un appel devrait être irrecevable.

885 Art. R.624-7, c. com.

886 L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26 janv. 1985, p. 1097.

887Com. 1er janvier 2016, n°14-18.936, C. CORPET, « Appel contre les jugements statuant sur le recours formé contre les décisions du juge-commissaire sur une requête en relevé de forclusion », LegalNews, 15 janv. 2016, article consulté le 12 juin 2018.

888 Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, JORF n°0109 du 10 mai 2017, texte n°113.

889 Art. L.624-2, 4°, c. com.

422. La cour d’appel saisie de façon erronée au moyen d’un contredit, alors que c’est l’appel qui est la voie normale, était réputée régulièrement891 saisie avant le 11 mai 2017892. Afin de simplifier le recours contre les ordonnances rendues par le juge commissaire en matière de déclaration des créances, le législateur a, au travers du décret du 6 mais 2017 précédemment cité, supprimé le contredit de compétence.

423. Le créancier qui a été relevé de sa forclusion doit déclarer sa créance contrairement à une idée très répandue selon laquelle l’ordonnance l’en dispense893. Il importe de préciser qu’avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 citée plus haut, la Cour de cassation considérait que le créancier devait déclarer sa créance dans le délai imparti pour demander un relevé de forclusion894. Autrement dit, le créancier devait faire sa demande de relevé de forclusion tout en déclarant en même temps sa créance, laquelle serait acceptée en cas d’avis favorable du juge commissaire. Depuis l’entrée en vigueur de cette ordonnance du 12 mars 2014, le créancier dispose d’un mois à compter de la notification de la décision lui accordant un relevé de forclusion, pour déclarer sa créance895, soit la moitié du délai ordinaire896. La Cour de cassation a, par ailleurs, indiqué que le créancier qui avait déclaré sa créance avant d’intenter une action en relevé de forclusion n’était pas obligé de refaire la déclaration897. Cet arrêt rendu sous l’empire des textes antérieurs à la réforme de 2014 paraît applicables après cette réforme. En effet, la déclaration faite avant le relevé de forclusion peut préserver le droit des créanciers une fois que le créancier concerné a été relevé de sa forclusion, de sorte qu’il apparaîtrait inutile que le créancier revienne sur la même déclaration.

424. Les frais du relevé de forclusion étaient à la charge du créancier défaillant avant l’ordonnance du 12 mars 2014 précitée. Depuis cette ordonnance, ils peuvent être mis à la charge du débiteur

891 Art.91, c. proc. civ.

892 Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, JORF n°0109 du 10 mai 2017, texte n°113.

893 Art. L.622-24, c. com.

894Com avr. 2013, n°11-25. 963, Bull. civ. IV, n°73 ; com. 30 juin 2015, n°14-13766 NP.

895 Art. L.622-24, al.1, c. com.

896 Com. 27 sept. 2017, n°16-17.156, M. OBEGA, « Appel contre les jugements statuant sur le recours formé contre les décisions du juge-commissaire sur une requête en relevé de forclusion », LegalNews, 21 nov. 2017, article consulté le 10 mai 2018.

si celui-ci n’a pas signalé la créance à l’ouverture de la procédure898. Cette ordonnance a écourté la durée de la période d’observation dans les procédures passerelles.

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