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Un contenu essentiellement basé sur la restructuration des dettes

Paragraphe II. Des périodes d’observation écourtées

A. Un contenu essentiellement basé sur la restructuration des dettes

430. Le plan est une notion complexe dont le droit cerne péniblement les contours. Ce n’est pas un contrat judiciaire au vrai sens du terme. Il est putôt une décision de justice dont la particularité tient à son caractère négocié. Son élaboration demande une large consultation des créanciers, mais la décision finale appartient au tribunal. Dans une procédure judiciaire ordinaire, la phase préparatoire conduit à l’élaboration d’un bilan économique et social qui est un préalable918. A la lumière de ce premier examen de la situation de l’entreprise, les mesures de restructuration nécessaires sont ensuite prises. Dans les passerelles de sauvegarde accélérée, le contenu du projet de plan est essentiellement basé sur la restructuration des dettes de l’entreprise. Le projet de plan étant préparé dans un cadre amiable, le chef d’entreprise peut se faire aider par toute personne. L’exigence de l’établissement d’un bilan économique et social est en conséquence facultatif. Avant d’évoquer la restructuration des dettes dans les sauvegardes accélérées, il importe de rappeler le contenu d’un plan classique.

431. Le bilan économique et social est un élément essentiel de l’information du tribunal dans la perspective de l’examen des solutions de redressement de l’entreprise919. Plus exactement, « c’est une sorte de photographie de l’entreprise, un constat de la gestion passée ».920 Avant l’ordonnance du 18 décembre 2008 citée précédemment, il existait un régime général - procédure avec administrateur - et un régime simplifié - procédure sans administrateur -. Dans le régime général, le bilan économique et social est dressé par l’administrateur, avec le concours du débiteur et l’apport éventuel d’un expert921. Alors que dans celui simplifié, il n’est pas dressé

916 Art. L.626-30-2, al. 1er, c. com.

917 J.-J. FRAIMOUTE, « Des plans plus attractifs pour les créanciers ? », Rev. proc. coll. 2014/2 ; doss. 19.

918 Art. L.623-1, c. com.

919 D. VIDAL et G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, éd., Gualino, Lextenso éditions, 2015, n°805.

920 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 603.

de bilan économique, social et environnemental922, l’examen de la situation de l’entreprise étant fait par le juge commissaire923.

432. Cependant, selon un auteur, « le bilan économique et social est souvent présenté de manière

stéréotypée et très souvent superficielle, particulièrement pour les petites entreprises ».924 En effet, pendant longtemps, en droit français, le bilan économique et social n’était pas distinct du projet de plan dont l’élaboration incombe au chef d’entreprise. Le débiteur présentait un rapport global au tribunal contenant l’analyse de sa situation et les mesures de redressement envisagées. Une cour d’appel a toutefois considéré que cette absence de distinction était certes regrettable, mais qu’elle ne constituait pas « une atteinte à un principe fondamental de nature à légitimer

un appel-nullité ».925 Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008 précitée, le bilan économique et social est à distinguer du projet de plan926. Selon la vision législative, puisque le régime général concerne des affaires importantes, il faut charger un professionnel, au besoin assisté par un expert, d’établir un rapport sur la situation du débiteur, et de faire éventuellement des propositions927 ; le chef d’entreprise apporte toutefois son concours928.

433. Compte tenu de la portée du bilan économique, social et environnemental, la jurisprudence indique que son établissement doit être rémunéré, en présence d’un seuil de trois millions d’euros de chiffre d’affaires ou de vingt salariés au jour du jugement d’ouverture929.

434. Le bilan économique, social et environnemental a pour objet d’identifier l’origine, l’ampleur et la nature des difficultés de l’entreprise930. On lui adjoint un bilan environnemental931 lorsque

922 Art. L.627-3, c. com.

923 Art. L.621-9, c. com.

924 C. SAINT-ALARY-HOUIN, droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 606.

925 Paris, 3e ch. A, 7 juill. 1992, D. 1994, somm. comm. p. 2, obs. F. DERRIDA.

926 C. LEBEL, « Les plans de sauvegarde et de redressement dans l’ordonnance du 18 décembre 2008 », Gaz. proc. coll. 6/7 mars 2009, p. 46.

927 Soulignant l’importance de la mission, un auteur insiste également sur le fait que « le recours à un spécialiste est indispensable » : A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 205.

928 F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 377.

929 Com. 17 sept. 2013, n°11-25.660 NP.

930 X. F. LUCAS et H. LECUYER, « La loi de sauvegarde article par article (1ère partie) », LPA, févr. 2006, n°28, p.64 ; C. LEBEL, L’élaboration du plan de continuation de l’entreprise en redressement judiciaire, éd., PUAM, 2000 ; Ph. DEBELECQUE, « Bilan économique et social », J.-CI. com. fasc. 2300 ; Ph. PEYRAMAURE, « Le bilan économique et social dans la loi du 25 janv. 1985 », JCP E 1986, 15167 ;

931 Il s’agit d’« évaluer les risques que fait courir l’exploitation de l’environnement et de chiffrer les coûts éventuels d’une remise en état ou de mesures d’urgence qui peuvent peser sur les chances de sauvetage de l’entreprise » : C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p.607 ; v. aussi C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Entreprise en difficulté et environnement durable », journ. Sociétés, juill. 2012, p. 22.

l’entreprise exploite des installations classées932. Selon le constat général révélé par le bilan, un projet de plan est alors établi933. Si la procédure est une sauvegarde, le projet de plan est élaboré par le débiteur avec le concours de l’administrateur934. Ce sera l’inverse lorsqu’il s’agira d’une procédure de redressement judiciaire935. La raison réside dans le fait qu’en sauvegarde classique, le débiteur ne soit pas en cessation des paiements936 ; que la procédure soit ouverte à son initiative937.

435. Le code de commerce938 détermine précisément le contenu du projet de plan devant être soumis au tribunal. Quatre volets essentiels peuvent être relevés : la détermination des perspectives de redressement de l’entreprise en fonction des possibilités et modalités de ou des activité (s), de l’état du marché et des moyens de financement disponibles ; la définition des modalités de règlement du passif et les garanties éventuelles que le débiteur doit souscrire pour en assurer l’exécution ; l’exposition et la justification des perspectives d’emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite de l’activité et, le cas échéant, les éventuels licenciements et le recensement et l’analyse des offres d’acquisition présentées par des tiers et l’indication des activités dont l’arrêt ou l’adjonction sont proposés pour permettre le redressement.

436. Des solutions particulières sont prévues lorsque l’entreprise est une société dont le projet de plan prévoit une modification du capital. Dans une telle hypothèse, l’approbation de l’assemblée générale est requise939. La modification prend effet lorsque le plan proposé est arrêté par le tribunal940. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe

siècle941 n’a pas changé ces dispositions.

437. En revanche, le champ d’application de l’article L.626-3 relatif à cette modification du capital a été étendu aux modifications statutaires. De même, le tribunal peut dorénavant décider que l’assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur première convocation, à

932 Art. L. 623-1, al. 3, c. com.

933 A. JACQUEMONT et ALii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, p. 413.

934 Art. L.626-2, c. com. 935 Art. L.631-1, c. com. 936 Art. L.620-1, c. com. 937 Art. R.621-1, c. com. 938 Art. L.626-2 et L.631-19, c. com. 939 Art. L.626-3, c. com.

940 Art. L.626-3, al. 3, c. com.

941 L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte n°1.

la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés, dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote942. Sur deuxième convocation, il est également fait application des dispositions de droit commun relatives au quorum et à la majorité943.

438. Dans le cas particulier des procédures passerelles, l’essentiel du projet de restructuration du débiteur et, éventuellement d’un créancier944, est relatif à l’apurement du passif. C’est une finalité traditionnelle des procédures collectives ; mais spécialement, « le plan de sauvegarde {…} est une sorte de moratoire de paiement, qui prend acte des remises ou délais consentis

par les créanciers ».945 Il précise les conditions de paiement des créances détenues par les créanciers membres des comités et celles du règlement des créances appartenant aux créanciers hors comités946, ces derniers devant être consultés selon la procédure de droit commun947. 439. A l’image des creditors committee en droit fédéral américain de la faillite, les comités de

créanciers en droit français sont plutôt d’obédience libérale : « les comités doivent être

souverains dans leurs décisions de remise de dettes et de délais de paiement, dès lors qu’elles ne concernent que leurs membres ».948 Les dispositions des articles L.626-12 et L. 626-18 sont écartées par l’article L.626-30-2949dans la sauvegarde classique, solution qui peut être étendue aux sauvegardes accélérées par le renvoi général qu’effectue l’article L.628-1 du code de commerce ; ce qui marque, selon un auteur, « la croissance de discriminations dans le

traitement des créances et même des créanciers, la contractualisation permettant de tenir en échec l’égalité, sous le contrôle final du tribunal ».950

440. Est ainsi écartée, la limitation de la durée du plan et, par ricochet, celle des délais de paiement à dix ans (quinze pour les agriculteurs). De même, l’obligation d’effectuer un premier versement dans l’année, suivi, à partir de la troisième année, d’un versement minimal de cinq

942 Art. L.626-3, al. 1, c. com.

943 id.

944 Art. L.626-30-2 applicable sur renvoi de l’art. L.628-1, c. com.

945 : C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 610.

946 F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 405.

947 V. supra, n°288.

948 A. LIENHARD, in RPC n°82, p. 33.

949 Tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte n°1 : art. 99.

pourcents par an est aussi écartée. C’est dire que les comités et les créanciers obligataires pourraient accepter un plan sur seize ans, avec versement unique au terme des seize ans951. 441. Les remises sont consenties par les créanciers soit individuellement, soit dans le cadre des

comités lors de l’élaboration du projet de plan. Le tribunal ne peut que donner acte des délais et remises dans son jugement qui arrête le plan. Les mesures acquièrent alors un caractère obligatoire et s’imposent à tous les créanciers dans les comités y compris les créanciers minoritaires. Il importe de préciser que le tribunal ne peut, contrairement dans la procédure de sauvegarde classique952, imposer ni de délai, ni de remise aux créanciers, ce qui serait une disposition qui réduit l’efficacité du plan selon un auteur953.

442. Toutefois, ce ne sont pas toutes les créances qui peuvent faire l’objet de remise et/ou d’accord de délais de paiement. Elles sont nominativement indiquées dans le code de commerce954. Il s’agit : des créances salariales garanties par le super privilège des salariés - pour l’application de cette exception, il n’est pas fait de distinction selon que les sommes sont dues aux salariés ou l’AGS955, subrogés dans leurs droits après leur avoir fait avance de ces sommes - ; des créances résultant des contrats de travail garanties par le privilège général des salaires prévu par les articles 2101, 4° et 2104, 2°du code civil, mais à condition d’avoir été avancées par L’AGS ou d’avoir fait l’objet d’une subrogation au profit d’un tiers - ces créances ne sont, par conséquent, pas exclues du plan lorsque le salarié en est toujours titulaire - ; des petites créances, c’est-à-dire les créances les plus faibles - ces dernières sont remboursées sans délai ni remise, mais le remboursement est effectué dans l’ordre croissant de leur montant, sans que chacune puisse dépasser trois cents euros, et dans la limite de cinq pourcents du passif estimé. Il s’agit de conditions cumulatives - ; des créances privilégiées lorsque le bien sur lequel porte la garantie sort du patrimoine du débiteur lors de l’exécution du plan. En cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque, les créanciers titulaires de ces sûretés ou d’un privilège général sont ainsi payés sur le prix, après paiement des créances salariales super privilégiées et suivant leur rang. En outre, des règles spéciales sont prévues pour le contrat de crédit de bail, lorsque le crédit preneur (le débiteur) lève l’option avant l’expiration des délais arrêtés par le plan de sauvegarde. En ce cas, la levée d’option par

951F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 406.

952 Art. L.628-18, c. com.

953 F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 473.

954 Art. L.626-20, c. com.

le débiteur impose le paiement intégral des sommes dues même celles antérieures au jugement d’ouverture, sous déduction toutefois des remises acceptées.

443. Dans les procédures passerelles, la remise des dettes est importante, et pourrait « être imposée aux membres des comités qui n’y étaient pas disposés » selon un auteur 956, s’appuyant sur un argument selon lequel « la loi majoritaire de pairs au sein du comité pourra faire ce qui est

interdit au tribunal ».957

444.

Par ailleurs, le projet de plan peut prévoir la conversion des créances « en titres donnant ou

pouvant donner accès au capital ».958 En d’autres termes, il s’agit de la conversion de créances en actions, ou bons de souscription d’actions ou autres titres convertibles en actions959. Toutefois, il n’en serait ainsi que dans les sociétés par actions à responsabilité limitée : cette précision n’est pas explicite dans l’article L.626-5 du code de commerce, ce qui pourrait s’expliquer par l’absence d’un tel risque dès lors qu’un accord individuel et écrit est exigé960, ou parce qu’elle serait inutile. Le projet de plan peut prévoir aussi un traitement différencié et des accords de subordination961. La décision ayant statué sur le plan est susceptible de recours.

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