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Les difficultés liées à la consultation des créanciers en droit français

Paragraphe I. L’absence d’obstacle légal pour une procédure judiciaire rapide

A. Les difficultés liées à la consultation des créanciers en droit français

268. Lors de l’adoption du mécanisme de plan pré-négocié en droit français des entreprises en difficulté, les délais ordinaires de consultation des créanciers, ainsi que ceux du vote du plan

553 Art. 15, al. 2, AUPC.

554 V. supra, n°253.

555 Art. 72, al. 1, AUPC.

556 Le débiteur doit, dans sa requête en ouverture de la procédure, fournir l’état du passif avec précision des sûretés constituées : art. 6-1, AUPC.

avaient soulevé des interrogations. Cependant l’imprécision des textes pouvaient servir à dissiper ces dernières.

269. Au prime abord il a été remarqué que l’idéal serait que les comités de créanciers soient formés au vu d’un passif déterminé557. Ce qui peut poser une condition, celle d’attendre la fin des déclarations de créances. Or, cette opération peut prendre du temps558 : « une telle façon de

procéder condamnerait à l’échec toutes les procédures de sauvegarde qui, même en dehors du débat relatif au prepack, requièrent une célérité incompatible avec les délais de vérification du passif ».559 Remarquons à cet égard qu’aucun article du code de commerce ne pose l’obligation

d’attendre la clôture de la vérifica tion du passif, avant de composer les comités de créanciers, et de les faire voter. Au contraire, la célérité d’une telle opération est clairement exprimée dans le code du commerce selon lequel, les comités de créanciers ne sont pas formés sur la base des créances déclarées, mais sur celle de la liste des créanciers fournisseurs remise par le débiteur à l’administrateur560. Dans sa version originale561, l’article R.626-55 posait le même principe pour le comité des établissements de crédit, qui devait être constitué dans les trente jours de l’ouverture de la procédure, sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre la déclaration des créances. Selon un auteur, la constitution des comités doit se faire selon les informations révélées par les comptes de l’entreprise562. Ce qui fait dire que « la constitution des comités est ainsi

nécessairement empirique et approximative, d’où un risque de décalage entre la liste des prétendus créanciers qui auront voté dans les comités et la liste officielle des vrais créanciers connue {…} Tant pis : l’essentiel est qu’elle soit rapide pour que le projet de plan soit examiné

557 J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 288.

558 2 mois pouvant aller à 4 mois pour les créanciers hors France, en plus de la possibilité d’obtenir un relevé de forclusion qui permettrait de déclarer 6 mois voire 1 an après la publication du jugement d’ouverture (art. L.622-26, c. com.). Aussi, le délai de déclaration commence à courir non pas à partir du jugement d’ouverture, mais de l’exigibilité pour les créanciers dont les créances sont nées après le jugement d’ouverture sans satisfaire aux conditions de l’article L.622-17, I pour être privilégiées. Ainsi on peut en déduire que les créances peuvent être déclarées tout au long de la période d’observation et même au-delà.

559 J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 288.

560 Art. R.626-56, c. com.

561 Le décret n°2009-160 du 12 févr. 2009, pris pour l’application de l’ ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté et modifiant les procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d’un immeuble, JORF n°0037 du 13 févr. 2009, p. 2596, texte n°13, a supprimé cette précision, sans pour autant renseigner sur la raison ayant conduit à ne pas subordonner la constitution des comités à la fin de la déclaration des créances.

562 G. BREMOND, E. SCHOLASTIQUE, « Réflexion sur la composition des comités des créanciers dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire », JCP E 2006, p. 1405.

rapidement ».563 C’est pourquoi aussi, un député avait proposé, lors des travaux parlementaires

ayant abouti à la loi de sauvegarde des entreprises, un amendement relatif à la suppression de la vérification du passif dans le cadre de la procédure de sauvegarde564. Cette proposition avait été rejetée. Dans le même sens, l’assemblée nationale avait voté un amendement qui n’avait pas non plus été retenu par le sénat565. Cet amendement prévoyait la dispense de vérification des créances dont le montant, donné par le débiteur et certifié par son commissaire aux comptes, était identique aux créances déclarées.

270. Le législateur ayant pris le risque que la consultation des créanciers se fasse sur la base d’informations incomplètes, et au vu d’un passif non définitivement arrêté. Il peut en être conclu que la composition des comités de créanciers, ainsi que l’organisation de leur délibération ne sont pas forcément connectées à la vérification du passif, de sorte que le fonctionnement correct des comités constitués avant la fin de la déclaration des créances ne peut être affecté566.

271. En outre, la consultation des créanciers hors comités posait le même problème, celui d’attendre la fin de la déclaration des créances. La consultation des créanciers hors comités s’impose comme une obligation voire une condition de validité du plan. En ce sens, le code de commerce dispose que : « le mandataire judiciaire recueille individuellement ou collectivement l’avis de

chaque créancier qui a déclaré sa créance conformément à l’article L.622-24 sur les remises et délais qui lui sont proposés ».567 Cette disposition, qui ne concerne que les créanciers hors comité, sous-entend qu’il faut attendre que tous les créanciers aient déclaré leurs créances avant de procéder à leur consultation. Or, cette opération pourrait s’étaler sur une longue durée eu égard aux différents délais possibles de déclaration des créances568. Il apparaît dès lors incompréhensible que l’article R.626-7 oblige que les propositions du débiteur ne s’adressent qu’aux seuls créanciers ayant déclaré leurs créances et que la consultation ne puisse se faire tant que les créances peuvent encore être déclarées. Les propositions du chef d’entreprise, relatives aux délais de paiement et aux remises de dettes ne sont portées à la connaissance de

563 F. PEROCHON, R. BONHOMME, Entreprise en difficulté, Instrument de crédit et de paiement, 7e éd., LGDJ, 2010, n°333-1, p. 300.

564 Pascal CLEMENT, lors des travaux parlementaires sur le projet de loi de sauvegarde de 2005.

565 Rappr, Commission des lois, Ass. Ntle, n°2095, amendement n°137, févr. 2005, p. 327.

566 J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 289.

567 Art. L.626-5, al. 2, c. com.

chaque créancier ayant déclaré sa créance que pour l’application du second alinéa569 de l’article L.626-5 du code de commerce.

272. Par ailleurs, il est possible de ne pas consulter les créanciers dont les créances ne subiraient pas de modifications. Selon la lettre de l’article L.626-5, un créancier ayant déclaré sa créance ne sera consulté que si l’on veut obtenir de lui un délai de paiement ou une remise de dette en faveur du débiteur. Dans le cas contraire, nul besoin de le consulter, ce créancier devant alors être considéré comme un des créanciers n’ayant pas été consultés - soit parce qu’il n’y avait aucune faveur à leur demander, soit parce qu’ils ont refusé les propositions qui leur ont été faites par le débiteur - et auxquels le quatrième alinéa de l’article L. 626-18 du code de commerce permet d’imposer des délais uniformes de paiement.

273. Au vu de ces textes, rien n’oblige à attendre la déclaration des créances et la vérification du passif pour consulter les créanciers. Les créanciers ayant accepté des propositions seront tenus par les stipulations du plan, tandis que ceux qui ont refusé, ou qui n’ont pas été consultés se verront imposer des délais uniformes. Par conséquent, le mandataire judiciaire peut faire le choix de consulter les créanciers hors comités sans connaître avec exactitude le passif déclaré, car l’omission de l’un d’entre eux n’est pas de nature à entacher la validité du plan 570. De même, le défaut de consultation de quelques créanciers, avant l’arrêté d’un plan de sauvegarde par le tribunal, ne rend pas non plus invalide ce plan. Seule une omission totale de l’obligation de consultation peut avoir un tel effet.

274. Ce raisonnement ne contredit nullement l’arrêt de la Cour de cassation571 selon lequel, : « le

plan de continuation doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées ». En effet, ce principe signifie que l’admission d’une créance au cours de

l’exécution du plan doit être subséquemment inscrite à ce plan et que son paiement doit aussi être fait selon les délais dudit plan. La cour d’appel de Paris572 a consacré ce principe en indiquant que : « lorsqu’une déclaration de créances est adressée au mandataire judiciaire

postérieurement au jugement statuant sur le plan et qu’il ne peut plus y avoir de consultation, la procédure d’adoption du plan n’en devient pas pour autant irrégulière ».

569 Selon cet alinéa, lorsque la proposition du débiteur, relative au règlement des dettes, porte sur des délais et remises, le mandataire judiciaire doit recueillir individuellement l’approbation de chaque créancier ayant produit sa créance au passif de la procédure.

570 J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 291.

571 Com. 6 janv. 1998, n°95-20. 588 ; Bull. civ. IV, n° 8, p. 5 ; JCP E 1998, p. 654.

275. En somme, il peut être affirmé que la consultation des créanciers, avant la fin de la déclaration des créances, ne présente pas d’obstacle au prepack en droit français. En droit OHADA, les tracas liés à la consultation des créanciers au sein et en dehors des comités, ainsi qu’au respect des délais de vote du plan par les comités et, le cas échéant, par l’assemblée des obligataires ne se posent pas, puisque dans la procédure de règlement préventif, il n’y a ni masse des créanciers, ni déclaration des créances. Ce qui peut favoriser l’homologation rapide du projet concordataire par le président de la juridiction compétente, dès lors que ce projet est sérieux. Cependant, il est à craindre que ce choix législatif OHADA ne conduise les juges à adopter des projets de concordat qui ne tiennent pas compte des intérêts des créanciers.

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