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Penser l’articulation technologie-organisation au travers de la théorie de l’activité

Figure 7 : The Structure of Human Activity (1987) 73

2.2. Penser le design des technologies à l’aune de la théorie de l’activité

La théorie de l’activité a séduit bon nombre de chercheurs s’intéressant au design des technologies. Suzanne Bødker (1990) a été une des premières chercheuses à introduire la théorie de l’activité dans ses travaux sur le design participatif puis dans sa thèse intitulée

Through the interface : A human activity approach to user interface design (Bødker, 1991).

Elle montre que la théorie de l’activité offre un point de vue intéressant pour repenser le design des systèmes technologiques :

« This theory is a very general philosophical framework for understanding the development of human culture and individual personality based on dialectical materialism. A historical understanding of human and societal development is important in analyses based on the framework. The theory can be seen as a framework for understanding the totality of human work and praxis, and the deliberate processes changing this, i.e. a totality encompassing organizational development, design and use of computer artifacts » (Bødker, 1990, p.2 du document74).

Dans cette même perspective, l’ouvrage de Bonnie Nardi intitulé Context and

Consciousness : Activity Theory and Human Computer Interaction (1996), puis celui de

Bonnie Nardi et Victor Kaptelinin intitulé Acting with technology : activity theory and

interaction design (2006) ont également largement influencé les études en interaction homme-

machine en réintégrant la technologie dans le contexte plus large de l’activité. En s’appuyant sur le cadre d’analyse de la théorie de l’activité, ces auteurs ont reconnu que la technologie en tant que support de la coopération et des interactions ne devait pas être appréhendée en terme de fonctionnalités techniques mais en terme « d’activité orientée vers une visée ».

« Activity theory offers a set of perspectives on human activity and a set of concepts for describing that activity. This, it seems to me, is exactly what HCI

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research needs as we struggle to understand and describe « context, « situation », « practice ». We have recognized that technology use is not a mechanical input- output relation between a person and a machine; a much richer depiction of the user’s situation is needed for design and evaluation » (Nardi, 1996a, p.8).

En effet, la spécificité de la théorie de l’activité a été de focaliser son attention sur la visée de l’activité plutôt que de considérer l’artefact en tant que visée en soi, comme cela peut être le cas d’une grande partie des travaux portant sur le travail et l’apprentissage assisté par ordinateur. Comme nous l’avons évoqué ci-avant, selon Engeström, la relation qui s’établit entre le sujet et la visée de l’activité est médiée par un certain nombre d’outils matériels et symboliques qui ont été culturellement et historiquement constitués par les individus qui les manipulent. La notion d’outil est entendue au sens large afin d’y inclure à la fois les outils techniques, à savoir les entités matérielles, et les outils psychologiques c’est-à-dire les signes et codes qui sont traditionnellement associés au langage (Groleau et Mayère, 2008). Ces outils offrent aux individus les moyens pour agir sur leur environnement et transformer l’objet de l’activité en résultat. Tandis qu’une large part des chercheurs en interaction homme-machine se focalisent encore sur l’utilisateur final individuel, la théorie de l’activité se focalise sur la visée de l’activité en considérant que la technique est emmêlée dans un contexte culturel, historique plus large.

« The computer is just another tool that mediates the interaction of human beings with their environment. The only way to come to an adequate understanding of human-computer interaction is to reconstruct the overall activity of computer use » (Kaptelinin, 1996a, p.111).

Cette perspective a été adoptée par de nombreux chercheurs afin d’identifier les difficultés d’insertion d’une technologie en dépassant le cadre de l’interaction homme-machine et en s’orientant sur des approches contextuelles orientées sur l’activité et les interactions sociales.

« Activity theory’s emphasis on social factors and on the interaction between people and their environments explains why the principle of tool mediation plays a central role within the approach » (Kaptelinin et Nardi, 2006, p.70).

De plus, une des perspectives fondamentales de la théorie de l’activité réside dans son approche socio-historique. En effet, elle propose de dépasser le cadre de l’accomplissement situé de l’activité : « le sujet de l’activité s’approprie dans le cours de ses actions l’expérience de l’ensemble des autres personnes qui se sont confrontées à des problèmes similaires et ont inventé ou modifié les instruments qu’ils utilisent pour les rendre plus efficaces. L’usage des instruments est donc l’occasion d’une transmission de connaissances sociales, historiquement

Chapitre 3 – Penser l’articulation technologie-organisation au travers de la théorie de l’activité

accumulées et culturellement produites » (Licoppe, 2008, p.292). Les outils favorisent ainsi la transmission de façons de faire (Groleau interviewée par Bonneau, 2010).

« Tools are created and transformed during the development of the activity itself and carry with them a particular culture – historical evidence of their development. So the use of tools is an accumulation and transmission of social knowledge » (Kaptelinin et Nardi, 2006, p.70).

L’introduction ou la transformation des outils au sein de l’organisation peut entraîner une réactualisation des règles et une reconfiguration de la division du travail.

Par ailleurs, une des caractéristiques de la troisième génération de la théorie de l’activité est la prise en compte du fait que les systèmes d’activité sont des systèmes ouverts qui s’influencent les uns les autres en formant des réseaux qui peuvent interagir entre eux autour d’une visée commune (Figure 8). Chacun des systèmes d’activité en présence est orienté vers sa visée afin d’accomplir un résultat qui, pour être réalisé, s’articule autour d’un objectif commun aux deux systèmes d’activité. Nous considérons, dans notre chapitre 5, que l’activité de la navigation aérienne repose sur l’interaction entre deux systèmes d’activités : celle du pilotage et celle du contrôle. Engeström parle « d’inter-organisation orientée objet » pour décrire ces activités en réseaux qui partagent une même visée d’ordre général.

Figure 8 : Deux systèmes d’activité en interaction partageant leur visée (Engeström, 2009b, p.305)  

Dans cette configuration, un système d’activité peut ainsi être influencé par les règles et outils d’un autre système d’activité ; ce que nous analysons plus spécifiquement dans le chapitre 5. Cette modélisation triangulaire nous permet de décrire les systèmes d’activité et 4

“In Brazil, the phenomenon is best seen in the million and a half farmers of the Landless People’s Movement (MST) who have formed hundreds of cooperatives to reclaim unused land. In Argentina, it is clearest in the movement of ‘recovered companies,’ two hundred bankrupt businesses that have been resuscitated by their workers, who have turned them into democratically run cooperatives. For the

cooperatives, there is no fear of facing an economic shock of investors leaving, because the investors have already left.” (Klein, 2007, p. 455)

Contrary to mega-projects (Altshuler & Luberoff, 2003; Flyvbjerg,

Bruzelius, & Rothengatter, 2003), most runaway objects do not start out as big and risky. More commonly, they begin as small problems or

marginal innovations, which makes their runaway potential difficult to predict and utilize. They often remain dormant, invisible, or unseen for lengthy periods of time, until they burst out into the open in the form of acute crises or breakthroughs.

Leont’ev’s (1978) well-known dictum was that there is no activity

without an object. With runaway objects, we may ask: Are there objects without an activity? Whose object is the global warming, for example? Of course runaway objects do not emerge and exist without human activities. To begin with, they must be identified and named by

humans. The very concept of global warming would not exist if experts, researchers, politicians and journalists had not articulated the

phenomenon. But which activities take responsibility for such a huge object as global warming?

I have often used the representation depicted in Figure 2 to capture the challenge of constructing a shared object between two or more activity systems.

rendre compte des interactions qui ont lieu à l’intérieur et entre ces systèmes d’activité. De manière plus dynamique, elle permet de rendre compte de l’évolution socio-historique de l’activité au travers de l’identification des tensions et des contradictions qui participent du développement de l’activité collective ; il s’agit du concept de contradiction.

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