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Construire les objets de la recherche

2. Spécificités du terrain de recherche

2.1. Caractéristiques de la FIR de Tahiti et gestion du trafic

Chaque Etat est souverain de l’espace aérien se situant au-dessus de son territoire. S’agissant de la gestion des espaces aériens internationaux, l’OACI a découpé ces espaces en FIR puis les a répartis, après accords, entre les différents Etats. La France s’est ainsi vue confier la gestion de la FIR de Tahiti où les services de la circulation aérienne (services de

« contrôle », « d’information » et « d’alerte ») sont assurés par l’administration française. La FIR de Tahiti s’étend sur environ 3 500 kms du nord au sud et d’est en ouest, couvrant ainsi une surface de 12,5 millions de km2. Elle a des limites communes avec les FIR d’Auckland (Nouvelle-Zélande) à l’ouest et au sud, d’Oakland (USA) au nord et de Santiago (Chili) à l’est. Il existe des zones pour lesquelles aucun Etat n’a accepté d’assurer les services de la circulation aérienne. Ces zones sont appelées « no FIR ». Dans ces zones « no FIR », le service de suivi des vols n’est assuré par aucun organisme de contrôle. Cependant, les compagnies aériennes peuvent utiliser les services de transmission satellitaire pour se mettre en contact avec leurs pilotes.

2.1.1. La radiotéléphonie HF : une pratique communicationnelle à part La FIR de Tahiti est immense. Un gros porteur en provenance des Etats-Unis et à destination de Tahiti, par exemple, pénétrera dans la FIR de Tahiti environ 3 heures et demie avant son atterrissage ; pour les liaisons entre les Etats-Unis et l’Australie, la durée de survol de la FIR de Tahiti peut varier de 1 heure à 5 heures suivant la route empruntée. L’enjeu, pour les contrôleurs du centre de contrôle de Tahiti-Faa’a, consiste à pouvoir échanger des messages avec des pilotes pouvant se situer jusqu’à 3 500 km de Tahiti. Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre 1, le problème est le suivant : les ondes très hautes fréquences (VHF), qui sont de bonne qualité, se propagent en ligne droite ; leur portée est donc limitée du fait de la rotondité de la terre. Elles doivent donc être relayées par des stations d’émission-réception VHF. Or, à la différence des zones terrestres dans lesquelles une couverture en radiotéléphonie VHF est rendue possible grâce à l’implantation de relais hertziens au sol, les zones océaniques, du fait des vastes étendues maritimes et en raison du coût élevé des antennes hertziennes, ne peuvent bénéficier d’une telle infrastructure. Ce sont donc d’autres ondes, les ondes HF, qui vont être utilisées puisque celles-ci ne sont dépendantes d’aucun relai au sol ou satellitaire. Le principe est le suivant : les ondes HF ont une portée optique beaucoup plus importante mais vont se réfléchir sur les couches ionosphériques autour de la terre avec une propagation aléatoire puisqu’elle est fonction à la fois de l’heure dans la journée, de la latitude et la longitude et de l’activité solaire. Suivant que l’on se trouve en période diurne ou nocturne ou au passage de l’une à l’autre, l’activité solaire a des incidences sur les couches ionosphériques. De ce fait, la HF est une transmission aléatoire, constamment parasitée et pouvant parfois rompre toutes possibilités de transmission : « le vol de Lan Airlines (Lan Chile) qui joint Tahiti à l’île de Pâques et les contrôleurs qui le prennent en

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charge connaissent bien ce problème : perdu en contact la nuit, on le retrouve dès que le soleil se lève sur la zone entre l’avion et Tahiti » (Magazine Manureva, 2006, en ligne)84.

Les contrôleurs et les pilotes concernés doivent donc composer avec ces contraintes. La difficulté se situe d’une part, dans les phénomènes de bruits qui peuvent altérer la transmission des messages et d’autre part, dans le fait qu’en fonction de l’heure et de la zone concernée pour un vol, les fréquences HF ne sont plus les mêmes. Aussi, sur la base des informations fournies par le centre national d’étude des télécommunications, des cartes mensuelles de propagation HF dans la FIR de Tahiti ont-elles été mises à disposition des pilotes et des contrôleurs. Par mesure de précaution, les contrôleurs vont veiller 2 voire 3 fréquences en même temps. Comme nous venons de le voir, le phénomène de réflexion des ondes sur les couches ionosphériques confère à la HF une très grande portée. Cependant, ce phénomène de réflexion peut ne pas couvrir certaines parties de l’espace (proches ou lointaines), créant ainsi des « trous » de détection. Afin de pallier ces dysfonctionnements, les fréquences allouées à un secteur de contrôle, d’une part, sont établies sur un large spectre (5000 à 1800 kHz) et d’autre part, sont aussi en partie allouées au(x) secteur(s) adjacent(s). Ainsi, des messages qui pourraient ne pas être détectés, le sont par le(s) secteur(s) voisin(s) qui retransmettent alors le(s) message(s) au(x) destinataire(s) concerné(s). Cela peut créer sur un secteur donné et une fréquence donnée un enchevêtrement de messages destinés à différents centres de contrôle.

Précisons que du côté des pilotes, un dispositif d’appel sélectif a été installé, il s’agit du SELCAL. Ce système permet aux contrôleurs d’appeler les pilotes (alarme en cockpit) afin que ces derniers se mettent en contact avec le centre de contrôle. Cela permet aux pilotes de baisser le niveau sonore de la fréquence.

2.1.2. Vers de nouveaux modes de transmission

En 1990, afin de coordonner et d’harmoniser les services de contrôle dans le Pacifique Sud, les autorités des aviations civiles américaines, australiennes et néo-zélandaises créèrent, sous l’égide de l’OACI, le groupe ISPACG (Informal South Pacific ATS Coordinating

Group) ; la France, représentée par le SEAC.PF (Service d’Etat de l’Aviation Civile de

Polynésie Française), rejoindra ce groupe en 1993. Leur objectif consistait (et consiste encore) à améliorer et à optimiser le dessin des routes aériennes en introduisant de nouvelles

techniques notamment basées sur l’utilisation du satellite dans la gestion de la circulation aérienne (magazine Manureva, ibid.). Les travaux menés par l’ISPACG ont mis en évidence d’une part, que les systèmes de routes fixes ne permettaient pas de prendre en compte les paramètres météorologiques (vents, phénomènes cycloniques, etc.), ce qui avait pour contrainte l’emport d’une quantité de carburant importante au détriment, pour les compagnies aériennes, de l’emport d’une part supplémentaire de charge marchande. Aussi, pour optimiser la charge marchande sur des vols long-courriers (entre 12h et 15h de vol), était-il nécessaire d’optimiser la route en fonction des conditions météorologiques prévues (ceci permettant ainsi de réduire le temps de vol et donc de diminuer la consommation de carburant, laissant ainsi plus de capacité pour le transport de charges marchandes). D’autre part, l’ISPACG, a relevé le fait que l’outil radiotéléphonique en HF, utilisé pour la transmission des messages de la circulation aérienne, rendait difficile la surveillance du suivi des vols pour les centres de contrôle, du fait de la mauvaise qualité du signal : « le groupe a constaté que le contrôleur travaillait en quelque sorte en « aveugle », avec des strips et une carte visualisant les routes fixes » (magazine manureva, ibid.). Enfin, l’ISPACG a fait le constat qu’aucun moyen de surveillance n’était en fonctionnement dans la FIR de Tahiti. Le radar, n’ayant pas été installé pour des raisons à la fois physiques (espace océanique) et financières (ampleur de la zone à couvrir sachant que le radar a une portée d’environ 400 km), le service de contrôle s’effectue « aux procédures » avec des normes de séparation entre les avions de l’ordre de 100NM85 latéralement et de 15 minutes longitudinalement. Les pilotes contactent en HF le centre de contrôle de Tahiti (environ toutes les 40 minutes) afin de transmettre aux contrôleurs leur position selon des points de reports prédéterminés.

Les missions de l’ISPACG se sont donc articulées autour de trois points principaux qui seront successivement opérationnalisés au travers du système VIVO (VIsualisation des Vols Océaniques) :

- La construction d’un réseau de routes flexibles intégrant les paramètres météorologiques. Cela s’est traduit par la mise en œuvre de « routes préférentielles personnalisées » (UPR : User Preferred Route) : les compagnies aériennes calculent l’UPR pour le vol concerné en fonction des caractéristiques de l’appareil (motorisation, charge, etc.). Avec l’avènement des liaisons de données par satellite, les compagnies aériennes peuvent, de plus, proposer à leurs pilotes, en cours de vol, une nouvelle route

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réactualisée en fonction des conditions météorologiques (ce mécanisme se dénomme DARP : Dynamic Airbone Route Planning). Les pilotes auront alors le choix d’accepter ou de refuser cette nouvelle route (selon leurs estimations pour la tenue du vol et selon qu’ils obtiennent ou non l’autorisation des contrôleurs).

- La mise en œuvre d’un système de transmission des messages par liaisons de données numériques. Il s’agit, comme nous l’avons vu, d’utiliser les satellites pour transmettre les messages de la circulation aérienne, non plus en mode vocal, par radiotéléphonie, mais en mode visuel, sous la forme de messages écrits préformatés.

- La réduction des normes de séparation afin que chaque vol puisse bénéficier de trajectoires de route optimales. Nous l’avons évoqué dans le chapitre 1, les normes de séparation sont définies en fonction de la marge d’erreur entre la position réelle de l’aéronef et sa position estimée par les outils de détection des aéronefs. L’enjeu consiste ici à utiliser les transmissions satellitaires afin de mettre en œuvre un système de surveillance, l’ADS. Le principe est le suivant : les ordinateurs de bord des aéronefs transmettent automatiquement aux centres correspondants un ensemble de données comportant notamment la position et les manœuvres futures de l’aéronef. L’objectif est de pouvoir réduire les normes de séparation latérales de 100NM à 50NM puis 30NM (dans la FIR de Tahiti).

L’ensemble de ces évolutions s’inscrit dans le cadre du programme « CNS/ATM » (Communication, Navigation, Surveillance/Air Traffic Management) tel que présenté dans le chapitre 1. Compte tenue de la configuration spécifique de la FIR de Tahiti ainsi que des moyens de contrôle à disposition du centre de contrôle de Tahiti-Faa’a, ce dernier est l’un des premiers centre français à avoir expérimenté les systèmes de contrôle du trafic aérien utilisant les liaisons de données par satellite, tel que défini dans le programme CNS/ATM de l’OACI. Précisons que la mise en œuvre de ces systèmes a été rendue possible notamment parce que l’équipement avionique des gros porteurs, d’une part, était déjà en fonctionnement pour les besoins des compagnies aériennes, et d’autre part, était compatible avec les systèmes sol86.

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Les données de la circulation aérienne circulent sur le réseau de télécommunication ACARS exploité par les sociétés SITA et ARINC. Côté bord, l’avionique FANS1/A (FANS 1/A : Futur Air

Navigation System, 1 pour Boeing et A pour Airbus) propose les fonctionnalités de l’application

2.2. Les évolutions en matière de transmission satellitaire : le système

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