• Aucun résultat trouvé

Construire les objets de la recherche

3. Recueils et analyses de matériau

3.1. Constitution d’un corpus pluriel

Nous avons utilisé diverses techniques de recueil de matériaux afin de mettre en lumière différents éléments de notre objet d’étude. Nous avons essentiellement pratiqué trois types de

90

Il est à noter que selon que la détection des aéronefs s’effectue par radar ou par ADS, les normes de séparations réglementaires ne sont pas les mêmes.

Chapitre 4 – Construire les objets de la recherche

recueils de données : des entretiens compréhensifs91 (afin de recueillir les expériences des acteurs concernés), des observations (afin d’appréhender le contexte de travail des acteurs en situation et de disposer d’une description des lieux et des pratiques de ces derniers) et des analyses de supports (PowerPoint présentés lors des formations continues, captures d’écran, textes réglementaires, strips, etc.) que nous avons récoltés lors de nos entretiens ou de nos observations et qui nous ont permis de mieux appréhender le fonctionnement des outils et leurs architextes. Précisons qu’afin de mieux cerner les tenants et aboutissants du contexte de déploiement des systèmes techniques étudiés, nous avons eu recours, à plusieurs reprises, à des recherches approfondies sur un certain nombre de sites internet proposés par les différentes institutions et acteurs engagés dans la mise en œuvre de ce projet (cela concerne à la fois les sites officiels des organismes de la circulation aérienne, mais également les forums de discussions92 dédiés aux acteurs du milieu aéronautique). Ces recherches nous ont permis de nous familiariser avec un certain nombre de notions spécifiques au secteur de l’aéronautique et ainsi, de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement de certains outils.93

Sans prétendre avoir eu recours à des méthodes d’investigation originales, il nous semble que la diversité des éléments récoltés au travers de ces types de recueil de matériaux nous a permis de disposer d’un corpus qui, loin d’être complet (autant que cela soit possible), fut du moins pluriel et complémentaire, nous permettant ainsi d’éclairer différentes facettes de notre objet d’étude. En procédant de la sorte, nous tentions de « construire l’objet » de notre recherche, à savoir, comme le souligne Jean-Claude Kaufmann, que « le terrain n'est plus une instance de vérification d'une problématique préétablie mais le point de départ de cette problématisation » (2006, p.20). Nous souscrivons, en effet, à l’idée selon laquelle le terrain ne doit pas être un espace de confirmation d’hypothèses pré-établies sur la base d’un cadre théorique déjà consolidé mais au contraire, qu’il doit être un lieu de curiosité, de questionnements et d’étonnements dans et par lequel se dessine progressivement la problématique. En cela, nous considérons que notre travail de terrain s’est effectué en deux

91

Nous nous référons ici à la méthode d’enquête proposée par Jean-Claude Kaufmann dans son ouvrage sur l’entretien compréhensif (2006).

92

Nous avons, par exemple, consulté le site « aéronet » qui est un forum de discussion dédié aux professionnels de l’aéronautique : http://forum.aeronet-fr.org/.

93

Nous faisons notamment référence aux notions techniques décrites (notamment dans le chapitre 1 et 4) et qui pour être retranscrites de la sorte, nous ont demandé un travail de fond quant à la

temps : une première phase exploratoire nous a permis de nous « former » à notre terrain, d’en découvrir les acteurs/actants, les dynamiques et les enjeux et de préciser sur cette base notre première réflexion théorique et méthodologique. Une réflexion théorique, dans la mesure où, même si nous n’arrivions pas vierge de tout cadre théorique, celui-ci prenait davantage la forme d’une esquisse qui nous permettait de dresser les pourtours de ce que nous allions observer sans que cela ne fige notre appréhension du terrain. Et une réflexion méthodologique, dans la mesure où notre investigation de terrain devait procéder d’un ajustement avec ce qui était pertinent et possible de mettre en œuvre. Après cette première confrontation au terrain et suivant les données recueillis, une deuxième phase de « consolidation » nous a permis d’explorer notre terrain sous un angle affiné. Au final, c’est par ce mouvement circulaire entre méthode-terrain-théorie que s’est progressivement construit notre objet : « l'objet se construit peu à peu, par l'élaboration théorique qui progresse jour après jour, à partir d'hypothèses forgées sur le terrain. Il en résulte une théorie d'un type particulier, frottée au concret, qui n'émerge que lentement des données » (ibid., p22).

Dans un premier temps, une première base théorique reposant sur les apports de la cognition distribuée d’Hutchins et de l’action située de Suchman, nous a permis de considérer le caractère émergent et contingent des activités de pilotage et de contrôle, et de tenter de saisir la façon dont les individus interagissent avec les artefacts et les autres individus du système fonctionnel. Dans ce cadre là, nous portions notre attention sur les processus de coordination entre les individus ainsi que sur leurs usages des artefacts matériels. Cela nécessitait, lors de nos observations et de nos entretiens, de nous focaliser sur le fonctionnement même de l’outil afin d’en comprendre son utilisation par les acteurs. A ce premier « filtre théorique » sont venus s’articuler, dans un deuxième temps, les apports conceptuels de la théorie de l’activité d’Engeström afin de ne pas uniquement considérer le niveau local de l’action mais de prendre en compte le contexte social, culturel et historique de l’activité au fil du temps afin de positionner les enjeux contemporains tels qu’ils se nouent autour des activités de coordination et d’intercompréhension entre pilotes et contrôleurs en liant ce qui se passe en situation avec les logiques socio-historique préexistantes. Pour cela, le recours aux entretiens compréhensifs nous a permis de disposer d’espaces d’échanges privilégiés pour récolter des informations quant aux vécus des acteurs et à leurs analyses de la situation actuelle. Puis, pour questionner plus avant la façon dont les cadres normatifs prenaient forme dans les artefacts techniques et soulevaient de nouvelles tensions au niveau des pratiques, nous avons mobilisé la notion d’architexte élaborée par Yves Jeanneret (1999).

Chapitre 4 – Construire les objets de la recherche

Pour cela, la formation sur simulateur que nous avons effectué ainsi que les divers documents récoltés se sont avérés fort utiles dans notre compréhension de ces architextes.

Outline

Documents relatifs