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Un objet universel d’éducation

CHAPITRE 5 L’ACTE D’ÉDUQUER (parfaire la raison, guérir l’entendement)

5.2 L’idée de Dieu est-elle une notion commune?

5.2.2 Un objet universel d’éducation

Notre deuxième argument pour affirmer que l’idée de Dieu est une notion commune vient du fait qu’elle a été un objet d’éducation universel lors de la formation des peuples. Intuitivement et universellement l’idée de Dieu s’est imposée comme objet d’enseignement nécessaire pour faire progresser les hommes afin qu’ils s’accordent ensemble, augmentent leur espérance de vie et ne régressent pas au rang de brutes.

Nous pensons que si l’idée de Dieu n’était pas, comme l’idée de l’éternité, une notion commune à tous les hommes, elle n’aurait pas pu être l’objet d’éducation universel qu’elle fut pour contenir les foules et faire respecter le pacte social, c’est-à-dire pour conduire l’homme à vivre selon la raison. Ce qui était absolument nécessaire pour la conservation de l’espèce humaine ou de certaines races particulières. L’histoire des peuples témoigne que l’idée de Dieu a servi d’objet d’éducation pour constituer les tribus en nation et faire obéir les hommes aux lois civiles. L’idée de Dieu est à l’origine des peuples, de leur morale, du modèle de l’homme parfait, autant qu’elle est à l’origine de notre essence particulière.

Nous pensons qu’il est absolument nécessaire d’éduquer l’homme à une idée de Dieu qui soit une notion commune, c’est-à-dire, à l’idée de l’éternité qui est l’essence de la raison et de la science du bon raisonnement. En effet, nous pensons qu’un enseignement de Dieu où l’idée de Dieu n’est pas comprise comme la cause initiale de la totalité ni comme une notion commune a des effets contraires à la raison. Une idée de Dieu qui ne comprend pas la totalité est une idée de l’imagination qui conduit les hommes à la passion au lieu de les conduire à la raison, d’où la crainte pour la paix de l’État et la santé mentale des citoyens. Or, c’est justement pour contrer ces maux que Spinoza est attentif dans le TTP, à associer l’idée de Dieu, la lumière naturelle, la raison, les notions communes.

Dans le TTP, Spinoza fait clairement suivre la connaissance de Dieu des notions communes. « L’amour de Dieu naît de sa connaissance et la connaissance de Dieu doit se puiser dans les notions communes, certaines et connues par elles-mêmes254. » Il conçoit

l’idée de Dieu comme une leçon inscrite dans l’esprit pour aider l’homme à conserver sa vie et réaliser sa perfection. « La leçon contenue dans l’idée de Dieu, c’est en effet que Dieu est notre souverain bien, autrement dit que la connaissance et l’amour de Dieu est la fin dernière à laquelle doivent tendre toutes nos actions255. » Cette leçon contient les

notions communes utiles à savoir pour conserver sa vie, notions valables pour tous les individus de la même espèce. « Si la Raison lui conseille cette conduite, elle le conseille donc à tous les hommes256. » Comment Spinoza pourrait-il désirer partager sa joie de

connaître la perfection de l’esprit humain avec les autres hommes si l’idée de Dieu n’était pas une notion commune? « Et le souverain bien consiste pour lui (le sage en général) à jouir d’une telle nature avec d’autres individus si possible. Ce qu’est cette nature, nous la montrerons en son lieu : c’est la connaissance de l’unité de l’esprit avec la nature totale257 ». Or, dans cette unité de l’esprit avec la nature totale, nous pensons que la

singularité n’est pas une propriété qui vient diviser les hommes mais plutôt les faire converger dans la connaissance de l’idée de l’éternité que nous avons en commun.

En conclusion, nous avons argumenté que l’idée de Dieu est une notion commune parce que l’esprit qui perçoit les modes infinis ne séparent pas l’idée de Dieu de l’idée de l’éternité qui, elle, explique l’idée de la Substance et est déjà considérée comme une notion commune. Ensuite, nous avons rappelé que c’est par nature et par nécessité que l’esprit humain peut percevoir l’idée de l’éternité qui est à la fois le principe de la raison et du souverain bien. Enfin, nous avons argumenté que l’idée de Dieu n’aurait pas pu être un objet d’éducation universel si puissant pour conduire les hommes à vivre selon la raison si elle n’avait pas été une idée commune à tous les hommes, comme, par exemple, la respiration. Nous avons donc bien démontré que parfaire la raison, selon Spinoza, c’est traiter d’une idée de l’éternité qui conduit l’esprit humain à se référer à son idée intrinsèque et adéquate de Dieu, son idée de l’éternité qui compose et explique le mode de

254 TTP, p. 89. 255 TTP, 88. 256 E 4P72S. 257 TRE, par. 13.

connaissance des choses infinis et qu’il perçoit comme étant sa cause, le principe de la raison et le principe du souverain bien. Nous pensons que pour Spinoza, éduquer dans le sens de perfectionner la raison signifie de référer l’esprit le plus souvent possible à l’idée de l’éternité du deuxième genre de connaissance, et cela pour augmenter la puissance de son esprit à la percevoir selon le troisième genre de connaissance. Spinoza veut éduquer l’homme a une idée de Dieu qui soit l’idée d’une affection du corps en acte Ce qui justement nécessite un esprit très puissant pour la percevoir clairement et pour ne pas se laisser distraire par les aléas des modes finis.