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Les néodavidsoniens et la sémantique formelle

Dans le document Être ensemble et temporalités politiques (Page 94-100)

Eventualités

Les néodavidsoniens, comme, notamment, Higginbotham2, Parsons3 ou Dowty4, ont poussé

l’argument davidsonien au plus loin. Plutôt que d’inscrire la référence événementielle au sein du seul élément verbal, ils l’inscrivent dans chaque composante de la phrase ; le verbe redevient dès lors monadique, avec comme seul argument l’événement. Formellement, on écrira : ∃e [A frappé(e) & Agent(Shem,e) & Patient(Shaum,e)] plutôt que : ∃e [A frappé(Shem, Shaum,e)], comme Davidson le suggère.

Un agent et un patient sont des participants. D’autres rôles dans la phrase ont été identifiés : le thème, le but, le bénéficiaire, l’instrument, et l’expérienceur. A la suite de Bach5, l’usage est

également de parler d’éventualité plutôt que d’événement afin de couvrir les différents concepts de process, d’événements (accomplissements et achèvements), et de certains états.

Tout serait-il événement – ou éventualité ? Pour Maienborn6, une telle question ne peut être traitée

qu’avec une approche cognitive de l’ontologie : l’ontologie ainsi comprise n’est pas concernée par le monde en tant que tel mais plutôt par le monde comme conçu et catégorisé par des êtres humains. En ce sens, elle est assez proche, nous le verrons, de notre approche en termes d’ontogénèse issue de Quine.

1 Soit l’assertion non conjuguée « Ewan nager » formulée dans la sémantique davidsonienne :

nager(Ewan,e). De manière traditionnelle, elle est lue comme « e est une nage par Ewan » et n’est pas comprise comme « e est un événement qui contient une nage par Ewan » ou comme « e est un événement où Ewan nage ». Si on formule « Ewan a nagé pendant 10 heures » par ∃e [nager(Ewan,e) & fhour(e) = 10], alors e peut très bien être un événement de 10 heures où Ewan n’a nagé que pendant 10 mn mais pendant lequel il s’est passé beaucoup de choses (« il est venu en vélo, sa sœur a fait la sieste, sa mère a cueilli des échalotes, son père a irrigué le champ… »). A l’inverse, la sémantique des situations permet de bien formuler, car une « nage » est une situation « minimale » au sens où elle exclut les activités non liées à la nage elle- même. Pour Kratzer, « une nage par Ewan » est une situation qui exemplifie la proposition « Ewan nage (est en train de nager) ». La relation d’exemplification permet alors de définir les événements davidsoniens « basiques » à l’aide de la sémantique des situations. Et la bonne formulation devient : λs [past(s) & ∃e [e ≤p s & nager(Ewan,e) & fhour(e) = 10] ]. (KRATZER [SNLS]).

2 James HIGGINBOTHAM (1985): “On semantics”, Linguistic inquiry, dorénavant [OS]; James HIGGINBOTHAM

(2008): “The English Perfect and the Metaphysics of Events”, in J. LECARME and J. GUÉRON (Eds.), Time and Modality, Springer Verlag, dorénavant [EPME].

3 Terrence PARSONS (1989): “The progressive in English: Events, states and processes”, Linguistics and

Philosophy, dorénavant [ESP]; Terrence PARSONS (1990): Events in the Semantics of English - A Study in Subatomic Semantics, MIT Press, dorénavant [ESE] ; Terrence PARSONS (2000): “Underlying States and Time Travel”, in J. HIGGINBOTHAM, F. PIANESI and A. C. VARZI (Eds.), Speaking of Events, Oxford University Press, dorénavant [USTT] ; Terrence PARSONS (2002): “Eventualities and narrative progression”, Linguistics and Philosophy,dorénavant [ENP].

4 David R. DOWTY (1986): “The effects of aspectual class on the temporal structure of discourse: semantics or

pragmatics?”, Linguistics and philosophy, dorénavant [EAC]; David R. DOWTY (1986): “Thematic Roles and Semantics”, Proceedings of the Twelfth Annual Meeting of the Berkeley Linguistics Society, dorénavant [TRS]; David R. DOWTY (1991): “Thematic Proto-Roles and Argument Selection”, Language, dorénavant [PRAS].

5 Emmon BACH (1986): “The algebra of events”, Linguistics and Philosophy, dorénavant [TAE]. 6 MAIENBORN [LDA].

92 Si Maienborn convient que les événements sont des choses auxquelles s’appliquent quantification et référence, elle pense qu’on doit se demander de quelle sorte de chose il s’agit. Elle étudie spécifiquement la question des états, au travers notamment des propositions avec copules. Sur ce thème, Kratzer1 avait fait la distinction entre prédicat épisodique et prédicat individuel. En

simplifiant, les SLP (Stage-Level Predicates) expriment des propriétés accidentelles ou temporaires (« être fatiguée »), alors que les ILP (Individual-Level Predicates) expriment des propriétés permanentes ou intrinsèques (« être blonde »). Pour Kratzer, les SLP seraient les seuls à avoir pour argument supplémentaire une éventualité (en l’occurrence un état). Par exemple : « Carol was tired » se représente : ∃e [tired (e) & theme (e, carol)] mais « Carol was blond » se représente : blond (carol).

Certains préfèrent faire porter cette différence aux types d’événements, en lien avec leur contextualisation spatiotemporelle2. Maienborn rejette cette idée où les états restent davidsoniens

quel que soit leur type. Pour elle, il y a bien deux natures d’états. Les expressions avec copules ont des formes communes avec les verbes statiques comme savoir, haïr, ressembler, qui, de leur côté, diffèrent complètement des verbes statiques comme se tenir debout, se tenir assis, dormir. Ces derniers passent avec succès les tests d’éventualité et sont des « états davidsoniens », mais pas les premiers. En s’inspirant de Kim, Maienborn propose de traiter les expressions avec copule et les verbes statiques du premier type d’« états kimiens », considérant qu’ils introduisent un argument référentiel pour une exemplification de propriété. Ceux-ci ne sont pas une sous-catégorie d’événements davidsoniens, mais ils restent ontologiquement des choses. L’absence d’une dimension spatiale rend ces états plus abstraits comme entités que les éventualités. Ils partagent avec elles leur dimension temporelle et avec les faits la propriété d’être des objets abstraits, qui exemplifient une propriété P pour un « porteur » X à une date t.

On notera que Maienborn ne fait pas consensus sur ce point. Mittwoch3 en particulier maintient

l’idée néodavidsonienne qu’un état est un événement, quel qu’il soit. On trouvera également une discussion de ce thème chez Martin4 ou Marín5.

La dimension aspectuelle et l’événement.

Les travaux néodavidsoniens sont autant sémantiques qu’ontologiques. Ils ont permis notamment d’avancer sur la dimension temporelle des événements et des prédicats verbaux associés, qu’il s’agisse de leur conjugaison ou de leur dimension aspectuelle. En linguistique, l'aspect des verbes est leur qualité intrinsèque, qui rend compte de manière interne du temps (commencement, déroulement, achèvement…). Le perfectif, l’inchoatif, la télicité, etc. sont des concepts qui renvoient à cette dimension aspectuelle.

Parallèlement, en effet, la sémantique événementielle travaillait à mieux classer les différents verbes. Vendler avait proposé dès 1957 une première classification et des tests permettant de

1 Angelika KRATZER: “Stage-Level and Individual-Level Predicates”, in G. N. CARLSON (Ed.), The generic book,

University of Chicago Press, dorénavant [SILP].

2 Par exemple, des propriétés permanentes (être grand, être agriculteur…) ne le sont que relativement à un

contexte temporel donné.

3 Anita MITTWOCH (2005): “Do states have davidsonian arguments? Some empirical considerations”, in C.

MAIENBORN and A. WÖLLSTEIN (Eds.), Event Arguments Foundations and Applications, Walter de Gruiter, dorénavant [DSDA].

4 MARTIN Fabienne (2008) : Les prédicats statifs, De Boeck Supérieur, dorénavant [LPS]. 5 Rafael MARIN (2013) : La stativité dans tous ses états, Université Paris VIII, dorénavant [LSTE].

93 déceler l’appartenance d’un verbe à une classe1. Le formalisme de Davidson et des néo-davidsonien

fut alors naturellement utilisé dans les analyses linguistiques qui suivirent.

Vendler avait noté que les accomplissements et les achèvements n’étaient pas homogènes2 car ils

présentent un point terminal, et doivent donc être considérés comme téliques. Les états et les activités en revanche, homogènes, sont atéliques. La possibilité ou non de recourir à la forme progressive en anglais permet ensuite un autre découpage : d’un côté les états et les achèvements, de l’autre les activités et les accomplissements.

Parmi les travaux récents, Arsenijevic et alii3 ré-explorent cette classification aspectuelle, à l’aide

notamment des outils méréologiques et des travaux de Krifka4. La redéfinition de la télicité à partir

de la scalarité5 rouvre également la question. Il s’agit aujourd’hui surtout d’étudier non seulement

le rôle aspectuel du verbe mais aussi celui des autres arguments prédicatifs, car, pour savoir si un prédicat est télique ou non, le verbe ne suffit pas. Ce n’est plus le verbe, ni même la proposition verbale, mais l’ensemble de la phrase, voire le discours entier, qui permet de conclure à la télicité : « je mange deux pommes » est (le plus souvent) télique, « je mange des pommes » est (le plus souvent) atélique.

L’analyse de la phrase a entrainé une réflexion sur la sémantique de la causalité et les liens entre états et événements. Baumgartner6 suit Asher7 et Croft8 pour qui un événement détruit un pré-état

1 Zeno VENDLER (1957): “Verbs and Times”, The Philosophical Review, dorénavant [V&T]. Vendler distingue les

états, les activités, les accomplissements et les achèvements, sur la base de deux critères principaux : la compatibilité ou non avec certains adverbes temporels et la compatibilité ou non avec la forme progressive de la langue anglaise.

2 Vendler teste l’homogénéité avec l’adverbe « for one hour » vs « in one hour ». La définition précise de la

télicité en termes d’homogénéité est en fait postérieure à Vendler et est plutôt due à Dowty et à Krifka à l’aide des outils de la méréologie (Manfred KRIFKA (1998): "The origins of telicity", in S. ROTHSTEIN (Ed.), Events

and grammar, Springer, dorénavant [TOOT]). Un prédicat est dit homogène s’il est divisif (s’il est le cas pour une entité, alors il est le cas pour une partie de cette entité, et s’il est le cas pour une partie, il est le cas pour son complémentaire) et cumulatif (s’il est le cas pour deux entités, alors il est le cas pour leur somme méréologique). Krifka définit les expressions téliques comme celles qui sont quantifiées : P est quantifiée si pour x et y tels que P est le cas alors x n’est pas une partie de y.

3 Boban ARSENIJEVIC, Berit GEHRKE, Rafael MARÍN (2013): “The (De)composition of Event Predicates”, in B.

Arsenijevic, B. Gehrke, R. Marín (Eds.), Studies in the Composition and Decomposition of Event Predicates, Studies in Linguistic and Philosophy, dorénavant [DEP].

4 KRIFKA [TOOT]. Si la mesure du temps est distribuée de façon homogène sur les parties de l’événement,

l’événement présente une structure méréologique (parties-tout). L’idée originale de Krifka est de mapper l’événement et le temps. Par exemple une course n’est pas quantifiée parce qu’il y a beaucoup de parties qui sont elles-mêmes une course. Une « course jusqu’au parc » en revanche est quantifiée (pas de parties propres qui soient des courses jusqu’au parc).

5 Est scalaire ce qui admet un ordre en fonction d’une propriété permettant la gradation. L’échelle est un

ensemble de degrés ordonnés par rapport à une dimension qui peut être quantitative ou qualitative (l’échelle de la « grandeur » par exemple). Les adjectifs, les adverbes, mais aussi les noms, les phrases peuvent être rangés sur une échelle ; dans ce cas, l’échelle est pragmatique et la dimension qui permet le classement est la probabilité ou l’attente (Alessandra BERTOCCHI et Mirka MARALDI : « La scalarité: application à certains phénomènes de la langue latine », mimeo, dorénavant [SLL]).

6 Annik Nora BAUMGARTNER (2008) : Lexique et causalité : une analyse sémantique des noms et verbes

d'événements causaux en français, Thèse de doctorat, Université de Genève, dorénavant [L&C].

7 Nicholas ASHER (1997): “The Logical Foundations of Discourse Interpretation”, Logic Colloquium '96,

Springer-Verlag, dorénavant [LFDI].

8 William CROFT (1998): “The structure of events and the structure of language”, in M. TOMASELLO (Ed.), The

94 et crée un post-état. La relation entre l’événement et le post-état est causale. De la même façon, un pré-événement crée (causalement) un état et un post-événement le détruit. Chez Croft, les structures causale et aspectuelle des énoncés sont modélisées conjointement. Toute structure d’événements est une chaîne causale entre sous-événements, certains, statiques, sont indirectement causaux, d’autres, dynamiques, le sont directement. Chaque sous-événement a un unique participant, et la modélisation de la relation entre événements, conjointement à une relation de force dynamique entre les participants, permet d’établir la structure aspectuelle1.

Sémantique formelle du discours

Les travaux d’Asher s’appuient sur la SDRT (Segmented Discourse Representation Theory). Depuis Reichenbach2, le temps de l’événement et le temps de référence doivent être complétés par le

temps du discours3. En particulier, les phrases doivent être interprétées en fonction des phrases qui

les précèdent (dans le discours). La SDRT est une modélisation de ce processus d’interprétation. Elle est issue des travaux de Kamp et Reyle4 qui ont introduit la DRT puis de ceux d’Asher et

Lascarides5, créateurs de la SDRT en tant que telle. La DRT s’appuie sur le concept de DRS – des

structures d’information partielles qu’on doit enchâsser dans un modèle du monde pour déterminer leurs valeurs de vérité6. L’apport de la SDRT est de segmenter les discours via des

relations rhétoriques entre segments. Ces relations rhétoriques s’appuient sur les informations lexicales contenues dans les énoncés et donnent sa structure temporelle au discours.

Le point important est que SDRS et DRS sont élaborées de façon incrémentale. Il faut une fonction de « mise à jour » et « une logique non monotone » qui infère de manière incrémentale, quitte à défaire les diagnostics précédents. Comme le souligne Bras7, la cohérence du discours apparaît pour

partie au travers des relations temporelles « que le récepteur d’un discours est capable de mettre en place quand il interprète le discours entre des entités, décrites par le discours, et ayant une certaine « substance temporelle » : des événements, des états, des temps (dates, périodes, etc.). » Le récepteur d’un discours va décoder les relations temporelles et les entités progressivement, au

ou William Croft (2009): “Aspectual and causal structure in event representations”, in C. MUELLER-GATHERCOLE (Ed.), Routes to language development: In honor of Melissa Bowerman, Psychology Press, dorénavant [ACS].

1 William CROFT (2014): “Force dynamics and directed change in event lexicalization and argument

realization”, in R. G. DE ALMEIDA and C. MANOUILIDOU (Eds.), Cognitive science perspectives on verb representation and processing, Springer, dorénavant [FDDC].

2 Hans REICHENBACH (1947): “The Tenses of Verbs”, in Elements of Symbolic Logic, Macmillan, dorénavant

[TOV].

3 Voir Moeschler par exemple (Jacques MOESCHLER (1998) : « Introduction – Temps, référence et

pragmatique », in J. MOESCHLER (Ed.), Le temps des événements, Pragmatique de la référence temporelle, Kime, dorénavant [TRP]). Selon lui, par ailleurs, au-delà des temps verbaux et de l’aspect des verbes, l’ordre temporel peut également provenir du type de texte : « typiquement, le temps avance dans le récit, et n’avance pas dans la description » ; c’est alors une logique « non-monotone » ou « logique des défauts » qui est en œuvre, postulant par exemple, le parallélisme temporel des événements et du discours.

4 KAMP and REYLE [FDTL] ou Hans KAMP and Uwe REYLE (1996): “A calculus for first order discourse

representation structures”, Journal of Logic, Language and Information, dorénavant [FODR], ou encore : Hans KAMP, Josef VAN GENABITH, and Uwe REYLE (2011): “Discourse representation theory”, in D. GABBAY and F. GUENTHNER (Eds.), Handbook of Philosophical Logic, Volume 15, Springer Netherlands, dorénavant [DRT].

5 Nicholas ASHER and Alex LASCARIDES (2003): Logics of Conversation, Cambridge University Press, dorénavant

[LOC].

6 Une DRS est vraie s’il existe une fonction d’enchâssement qui associe les référents du discours aux individus

du modèle de telle façon que les conditions de la DRS soient vérifiées dans le modèle.

7 Myriam BRAS (2008) : Entre Relations Temporelles et Relations de Discours, Mémoire d’habilitation,

95 travers d’un certain nombre d’indices, linguistiques ou non, que sont « des adverbiaux de localisation temporelle (le lendemain, dix minutes plus tard, depuis un mois), des adverbes « connecteurs » (puis, alors), des adverbes marquant à la fois une étape dans un déroulement et l’organisation du discours (d’abord). » Il s’agit donc d’un véritable processus d’interprétation. Le cadre ne peut plus être simplement vériconditionnel puisque le sens lui-même fait évoluer le contexte. Cette approche de sémantique dynamique allie « une vision référentielle et une vision instructionnelle du sens ».1

On trouvera notamment chez Scherrer une présentation des derniers développements de la SDRT2.

Il rappelle les relations rhétoriques principales3, puis montre que la SDRT s’étend aux structures

dialogiques et indique d’autres relations proposées ou utilisées dans des travaux récents. Il souligne le risque de mettre sur le même plan des relations d’importances hétérogènes et préconise une métaréflexion sur l’élaboration de critères visant à normaliser les relations rhétoriques et leur nombre.

Ontologie de l’événement en informatique

L’ontologie comme la sémantique sont devenues aujourd’hui des disciplines en informatique et en intelligence artificielle comme le montre Vieu ou les travaux de Wassermann et Ribeiro4. Les

1 Une telle démarche est ambitieuse, indépendamment des questions temporelles, comme on peut le

comprendre en étudiant la séquence suivante (proposée dans Matthias IRMER (2009): "Bridging Reference to Eventualities", SinSpeC Working Papers, dorénavant [BRTE]) : a. « John was murdered yesterday. » b. « The knife lay nearby. » Seule une connaissance additionnelle permet de faire le lien entre a et b et « implique de se construire incrémentalement une représentation mentale structurée du discours ». Il est en particulier nécessaire de disposer d’une « base de connaissances encyclopédiques » (pour les liens de causalité) et, d’une manière générale, d’informations non-syntaxiques.

2 Yves SCHERRER (2006) : « Nouveaux développements de la SDRT », TRANEL (Travaux neuchâtelois de

linguistique), dorénavant [NDSD]. Mais d’autres travaux récents affinent encore l’approche, par exemple : Laurent PREVOT, Laure VIEU and Nicholas ASHER (2009) : « Une formalisation plus précise pour une annotation moins confuse: la relation d’élaboration d’entité », Journal of French Language Studies, dorénavant [REE] ou encore Marianne VERGEZ-COURET, Myriam BRAS, Laurent PREVOT, Laure VIEU, and Caroline ATTALAH (2011): "Discourse contribution of Enumerative structures involving pour deux raisons", Proceedings of the 4th Constraints in Discourse Workshop (CID 2011), dorénavant [DCES].

3 Narration(e1,e2), relation par défaut (en présence de deux énoncés e1 et e2, la SDRT infère qu’ils

constituent une séquence narrative). Explication(e1,e2) signifie que e1 explique e2; elle s’obtient lorsque le texte contient de l’évidence permettant d’inférer un lien de cause à effet entre les deux énoncés. Cette évidence peut venir de la présence d’un connecteur comme parce que, ou par des informations lexicales et encyclopédiques liés aux énoncés. Résultat(e1,e2) est équivalent à Explication(e1,e2). Elaboration(e1,e2) est inférée lorsque ce qui est décrit par l’énoncé e2 fait partie de ce qui est décrit par e1. La relation « faire partie de » dépend des définitions des mots contenus dans les énoncés ; elle présuppose donc une organisation arborescente du lexique. Arrière-Plan(e1,e2) est obtenue quand l’énoncé e1 décrit les circonstances de ce qui est décrit par e2. Par cette définition, e1 décrit un état, tandis que e2 décrit un événement. Parallèle(e1,e2) indique que les deux énoncés ont une structure et un contenu parallèle, et/ou qu’ils sont reliés par un connecteur de type aussi. Contraste(e1,e2) indique que les deux énoncés ont une structure parallèle mais des contenus contrastants, et/ou qu’ils sont reliés par un connecteur de type mais, etc.

4 Voir par exemple Laure VIEU (2009): Representing Content: Semantics, Ontology, and their Interplay,

Mémoire d’habilitation, Spécialité Informatique, Toulouse III, dorénavant [RC]) et Laure VIEU (2011) : "On the semantics of discourse relations", Proceedings of the 4th Constraints in Discourse Workshop (CID 2011), dorénavant [SDR]) ou les travaux de Wassermann et Ribeiro (Renata WASSERMANN et Márcio Moretto RIBEIRO (2009): "Base revision for ontology debugging", Journal of Logic and Computation, dorénavant [BROD] ou Renata WASSERMANN et Márcio Moretto RIBEIRO (2006): "First Steps Towards Revising Ontologies", WONTO, dorénavant [STRO])

96 questions de lien causal entre événements et la dimension rhétorique du discours sont au cœur de ces avancées et l’articulation entre modélisation, logique et linguistique conduit les chercheurs à s’interroger sur l’ontologie sous-jacente à leurs travaux.

Certains travaux en intelligence artificielle ont recours à des systèmes multi-agents (voir Introduction) « qui permettent de simuler des mécanismes collectifs décentralisables. Il s’agit de modéliser la dynamique des représentations et des « réponses » des agents à de nouvelles informations. Ce « calcul d’événement »1 spécifie pour chaque agent à chaque événement

l’ensemble des capacités, permissions, obligations et sanctions. Il utilise les logiques temporelles, comme la logique modale et ses développements2 en « logique hybride »3.

Le calcul des événements vise à reproduire des raisonnements du sens commun (croyances, émotions, planification…), mais est également utilisé dans des travaux comme la modélisation des circuits électroniques. Il a pour ontologie des actions / événements, et des propriétés variant dans le temps (fluents). Le calcul d’événements est narratif4 : Une narration est un ensemble

d’événements actualisés. Dans sa version originelle, le calcul est formalisé par une fonction Holds avec pour seuls arguments un événement et un fluent, donc non indexée par le temps5.

Que retenir de la linguistique structurale ?

De ce rapide voyage dans le monde de la linguistique structurale, ou pour le moins dans la région qui s’interroge sur la modélisation de l’événement, nous ramenons plusieurs points.

1 Robert KOWALSKI and Marek SERGOT (1986): “A logic-based calculus of events”, New Generation computing,

dorénavant [LBCE] ou Erik T. MUELLER (2005): “Event Calculus”, in F. VAN HARMELEN, V. LIFSCHITZ and B. PORTER (Eds.), Handbook of Knowledge Representation, Elsevier, dorénavant [EC].

2 La logique modale permet de raisonner sur le futur ou le passé mais relativement à un point de vue. Arthur

PRIOR (1960) a développé une logique hybride qui permet à la logique modale de se décentrer et de parler du présent et du futur de différents « objets » ou « agents ». Elle est donc particulièrement pertinente pour la modélisation de systèmes informatiques dynamiques, comme en intelligence artificielle.

3 Certains travaux s’intéressent à des modélisations en sciences sociales comme, par exemple le Droit (par

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