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Chapitre 2 Méthodologie de la recherche

2. Les méthodes ethnographiques utilisées

2.2. Les entretiens semi-directifs

Nous avons déjà souligné l’usage d’entretiens comme seconde méthode de recueil de nos données. Nous avons opté plus particulièrement pour la méthode des entretiens semi-directifs afin d’obtenir des réponses à nos questionnements sur les organisations et pour accéder au vécu bouddhiste des pratiquants. En effet, tout en participant aux activités bouddhistes, notre expérience ne peut pas être considérée comme celle d’un pratiquant bouddhiste, du fait d’un malaise ressenti en pratiquant, sur lequel nous reviendrons, et de notre engagement temporaire motivé par une recherche sociologique. De plus, en dehors des espaces bouddhistes, le vécu des pratiquants ne nous a été principalement accessible qu’à travers des discours.

Nous n’opposons cependant pas l’observation participante aux entretiens. Si plusieurs entretiens, notamment ceux que nous avons entrepris avec des responsables, ont été réalisés sans que nous ayons appris à les connaître, d’autres s’étaient déroulés dans la durée. Les entretiens ont ainsi pu être approfondis par l’observation participante. Ils n’ont d’ailleurs été réalisés qu’au bout d’une année d’observation participante.

Nos entretiens ont été menés auprès de responsables et de pratiquants de différentes organisations bouddhistes dont la liste complète se trouve dans les annexes 3 et 4 de cette thèse. Lors de chaque mention dans le texte, nous indiquons le terrain national où l’entretien a été effectué, la fonction des responsables dans l’organisation concernée et des données sociodémographiques se rapportant aux pratiquants : pays, âge, niveau d’étude, catégorie socioprofessionnelle selon l’INSEE, et degré d’engagement dans le bouddhisme.

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De façon globale, nous nous sommes entretenue avec vingt-neuf pratiquants et huit responsables en France, et avec vingt-et-un pratiquants et neuf responsables en République tchèque.

Pour les entretiens organisationnels, nous nous sommes d’abord intéressée à leur histoire et fonctionnement à travers les récits de leurs acteurs. Les responsables ont été contactés personnellement ou par l’intermédiaire des pratiquants. Il s’agissait de responsables d’unités locales, régionales, nationales ou même transnationales, qui étaient souvent des présidents d’associations bouddhistes, des secrétaires ou des responsables financiers, voire des porte-parole. Nous avons préparé à cette occasion un guide d’entretien (cf. Annexe 1) sur l’histoire de chaque organisation, son fonctionnement, sa gestion administrative, sa relation avec d’autres organisations et avec la société ambiante. Ce guide a été adapté pour des personnes occupant des fonctions plus spécialisées, financières ou administratives.

Pour les entretiens avec les pratiquants, c’est l’expérience vécue du bouddhisme des acteurs sociaux que nous avons cherché à saisir afin de comprendre leurs motivations, leurs raisons, leurs représentations et leurs pratiques. Nous avons conçu un guide d’entretien partant de nos questionnements initiaux et des thèmes qui ont émergé lors des observations participantes (cf. Annexe 2). Ce guide a été élaboré autour de sept thèmes principaux : rencontre avec le bouddhisme ; collectif bouddhiste ; pratiques religieuses ; rapport au Japon ou au Tibet et à la société ; croyances et éthique quotidienne. Nous avons systématiquement commencé l’entretien par la question : « Racontez-moi comment vous avez rencontré le bouddhisme. » L’adoption de cette méthode d’entretien permet aux acteurs de s’exprimer très librement tout en nous renseignant sur les sujets concernés et en nous facilitant la comparaison des expériences.

Nous avons d’abord cherché à nous entretenir avec des personnes que nous avions rencontrées pendant le temps de nos observations participantes. Avec certaines d’entre-elles, la confiance n’a pas pu s’établir dans la durée, notamment celles que nous avions croisées lors des weekends bouddhistes. Une seule personne nous a été recommandée par une connaissance interposée.

Parallèlement, nous avons cherché à rencontrer des personnes ayant différents niveaux d’engagement dans le bouddhisme. À la base des entretiens, nous les distinguons schématiquement en fonction du nombre d’années passées dans leur pratique religieuse : les pratiquants débutants, ayant jusqu’à deux ans de pratique bouddhiste occasionnelle ou régulière, ce qui correspond d’une certaine manière à la période de leur fréquentation d’un centre bouddhiste ; les pratiquants expérimentés ayant à leur acquis entre deux et quatre

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ans de pratique régulière – de l’ordre d’une fois par semaine au moins – ; enfin, les pratiquants avancés qui pratiquent régulièrement depuis plus de quatre ans. Cette distinction est basée sur le constat que ces différentes durées répondent aux différentes expériences du bouddhisme.

Nous avons également cherché à respecter la répartition entre chaque sexe, tout en essayant d’établir un point équilibre entre des expériences féminines dans des organisations plus masculines et des expériences masculines dans des organisations où les femmes sont plus présentes.

Concernant la variable âge, nous avons surtout tenu à discuter avec un jeune et une personne plus âgée, consciente que cette démarche a peut-être biaisé l’âge moyen de notre échantillon. D’autres diversifications par âge ou encore profession étaient plus difficiles à mettre en œuvre car nous ignorions souvent ces indicateurs et n’accédions pas systématiquement à d’autres pratiquants pour assurer leur représentativité.

Si nos interviewés sont principalement de nationalité française et tchèque en raison des terrains choisis, nous avons également réalisé quelques entretiens avec des personnes de nationalités britannique, slovaque et taïwanaise présentes sur les terrains nationaux étudiés en tant que pratiquants. La diversification ethnique de l’échantillon a, quant à elle, été très limitée à cause d’une grande homogénéité des pratiquants.

En définitive, nous n’avons donc pas cherché à constituer un échantillon représentatif, mais plutôt à réunir différents points de vue de pratiquants en distinguant plusieurs variables.

La majorité des entretiens était enregistrée sur dictaphone si la personne en était consentante. Quelques entretiens étaient effectués avec prises des notes. Le lieu d’entretien était choisi par le pratiquant : il pouvait s’agir du domicile, d’un café ou du centre bouddhiste. Il faut noter qu’en République tchèque, nous n’avons été invitée qu’une seule fois au domicile d’un pratiquant, alors qu’en France la plupart des entretiens s’y sont tenus. Leur durée s’étalait entre trente-cinq minutes et trois heures trente, avec une moyenne d’entretien d’une heure et demie. Les entretiens ont été retranscrits avec leurs répétitions, erreurs, hésitations (« … » pour des ruptures ou des hésitations courtes et « [silence] » pour des hésitations plus longues), des rires et des gestes venant accompagner les propos. Nous avons décidé de ne pas réécrire les entretiens pour ne pas risquer d’induire des changements de sens. Par ce fait, leur lecture peut parfois paraître, au premier abord, un peu obscure et nécessiter un effort de compréhension supplémentaire. Nous avons cependant choisi d’omettre certains groupes de mots, en le signalant par des crochets […], ou de compléter de la même manière les propos de nos interviewés.

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La mise en place, l’usage de ces méthodes, et les résultats ainsi obtenus ne sont toutefois pas dissociables de notre posture de chercheur et de sujet participant aux interactions sociales, ainsi que de la place qui nous est attribuée par nos enquêtés. Aussi, devient-il nécessaire d’éclairer le contexte de notre présence sur le terrain et des problèmes auxquels nous avons été confrontée lors de la réalisation de notre travail de recherche.