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Le cadre conceptuel et théorique de la recherche

Chapitre 4 Le religieux dans la culture de consommation

1. La culture de consommation : histoire et caractéristiques

1.2. Les caractéristiques de la culture de consommation

La culture de consommation est une culture moderne du point de vue historique, qu’elle se soit développée au cours de la modernité, que son existence se soit attachée à des institutions modernes, à l’État-nation et au marché, ou à des processus modernes de la médiatisation et de la globalisation5.

Au vu de son association à l’économie de marché, c’est également une culture capitaliste, c’est-à-dire une culture de la société de marché6 : « [L]a culture de consommation désigne un arrangement dans lequel la relation entre la culture et les ressources sociales,

1

Ibid., p. 100 ; Cf. D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit., p. 37 : « The reunification election in East Germany was the real meaning of the 1989 revolutions : civil society meant consumer society, civic freedom the freedom to shop freely. »

2

M.MYANT, « Economic Transformation in the Czech Republic. A Qualified Success », Europe-Asia Studies 59/3 (2007), p. 431-450.

3

S.SAXONBER – T.SIROVÁTKA, « Neo-liberalism by Decay ? The Evolution of the Czech Welfare State », Social Policy &

Administration 43/2 (2009), p. 187-198.

4

J.VEČERNÍK, op. cit., p. 100-109. 5

R.SASSATELLI, Consumer Culture…, op. cit., p. 5-6 ; D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit., p. 25.

6

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entre les façons de vivre significatives et les ressources symboliques et matérielles sur lesquelles elles reposent, sont véhiculés par les marchés1. » En tant que capitalistes, les producteurs de marchandises cherchent avant tout le profit, et les consommateurs les absorbent puisqu’elles ont été fabriquées pour être vendues sur le marché. Ils les accèdent en fonction des ressources culturelles et matérielles de leur classe d’appartenance, la distribution de ces ressources étant elle-même influencée par le marché et les rapports de production. C’est la raison pour laquelle Slater considère que « la culture de consommation n’est pas compatible avec une régulation politique de la consommation à travers la suppression du marché2 ou les codes et les lois somptuaires et traditionnelles3 ».

Cette culture est ensuite une culture de la consommation4. Les produits de consommation accessibles sur le marché répondent aux besoins des individus vivant dans la culture de consommation. Ces derniers sont considérés comme des consommateurs. Dans la culture de consommation, le consommateur devient la forme dominante de l’identité sociale5. La culture de consommation est ainsi une culture où la consommation marchande représente la pratique centrale et où le consommateur en devient l’acteur principal. Ces consommateurs adoptent une « attitude consumériste » comme le précise le fameux sociologue polonais-britannique Zygmut Bauman avec son collaborateur Tim May :

« L’attitude consumériste porte sur la relation apparemment inextricable entre la vie et le marché. Elle guide chaque désir et chaque effort dans la recherche d’un outil ou d’une expertise que l’on peut acheter. […] Ainsi, il revient à chaque personne d’améliorer le soi-même et sa vie, de surmonter ses défauts6. »

À ces consommateurs, dans leur recherche de solutions marchandes à leurs problèmes, leurs agissements et leurs liaisons à la marchandise, s’attachent des représentations particulières. La culture de consommation est « une culture tant pour les consommateurs que de consommateurs : un ensemble de marchandises destinées à être

consommées et un ensemble de représentations de personnes comme consommateurs7 ».

Ces représentations sont fort diverses. Slater s’interroge de façon perspicace sur le fait de

1

« [...] consumer culture denotes a social arrangement in which the relation between lived culture and social resources,

between meaningful ways of life and the symbolic and material resources on which they depend, is mediated through markets. » (Ibid., p. 8, traduction personnelle).

2

Il serait toutefois exagéré de postuler que le marché n’existait pas dans l’économie communiste tchécoslovaque. Il était monopoliste, sans concurrence et basé sur les privilèges de certains (L. MLCOCH, « Restrukturalizace vlastnických vztahů. Institucionální pohled », dans L.MLCOCH – P.MACHONIN – M.SOJKA, Ekonomické a společenské změny v české společnosti po

roce 1989. Alternativní pohled, Praha, Nakladatelství Karolinum, 2000, p. 32).

3

« [...] consumer culture is incompatible with the political regulation of consumption through either suppression of the market or

traditionalist sumptuary codes and laws » (D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit., p. 26, traduction personnelle).

4

Ibid., p. 8. 5

Cela n’exclut pas bien évidemment l’existence d’autres modes d’acquisition et de circulation des objets et d’autres formes d’identité.

6

« The consumer attitude concerns the apparently inextricable relationship between life and the marketplace. It orients every

desire and each effort in the search for a tool or an expertise one can buy. […] Thus, it becomes each person’s duty to improve themselves and their lives, to overcome their shortcomings » (Z.BAUMAN –T.MAY,Thinking Sociologically, Oxford – Malden,

Blackwell Publishers, 20012, p. 154, traduction personnelle). 7

« […] a culture both for consumers and of consumers : both a set of commodities for people to consume and a set of

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savoir si le consommateur est un « héros ou un fou1 » (en anglais : « hero or fool ») parce que ses images englobent des dichotomies telles que « [r]ationnel ou irrationnel, souverain ou manipulé, autonome ou déterminé par autrui, actif ou passif, créatif ou conformiste, individualiste ou apparentant à la masse, sujet ou objet2 ». Aussi, les représentations du consommateur vont du souverain3 en passant par l’imitateur4, l’esclave ou l’être passif5, jusqu’au rebelle6. Selon ces identités attribuées aux consommateurs, la consommation remplirait elle-même suivant les chercheurs différentes fonctions : la libération7, la manipulation8, la différentiation9 ou la subversion10. D’un côté, la consommation est présentée comme narcissique, matérialiste, ostentatoire ou hédoniste ; de l’autre, le choix et la liberté du consommateur sont célébrés.

Sans approfondir davantage ces différentes manières d’aborder le consommateur et la culture de consommation par les sociologues – ce qui irait au-delà des ambitions de notre thèse –, nous pouvons en extraire deux éléments d’importance pour notre propre recherche. Nous voyons d’une part, que différentes logiques apparaissent dans le processus de la consommation que Sassatelli surnomme « démarchandisation » (en anglais: «

de-commodifitization ») des objets et des services11. Par cette démarche, le sens et l’utilisation de produits ou de services marchands sont transformés dans la vie de tous les jours12. Sassatelli résume la multiplicité des logiques de consommation en plusieurs catégories : la

1

D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit., p. 33. Le caractère héroïque de la consommation est surtout associé à

des images de l’homme, implicitement rationnel, contrairement à la consommation irrationnelle et manipulée, déterminée, de masse, qui est dénigrée et le plus souvent associée aux femmes (Ibid., p. 56-57).

2

« Rational or irrational, sovereign or manipulated, autonomous or other-determined, active or passive, creative or conformist,

individual or mass, subject or object » (Ibid., p. 33-34, traduction personnelle).

3

Ce regard est avant tout propre aux représentations économiques du consommateur qui le voient en tant que souverain, libre, rationnel et autonome dans ces choix, se comportant de façon utilitaire (R.SASSATELLI, Consumer Culture…, op. cit., p. 57-64). 4

T.VEBLEN, op. cit. 5

La manipulation passive et la superficialité de la consommation sont soulignées chez les auteurs de l’École de Francfort ou chez Baudrillard. Pour l’École de Francfort, prenons l’exemple de Theodore W. Adorno. Selon lui, les producteurs culturels transforment la culture en marchandise, en un objet dévalorisé et non authentique qui est, en plus, de pauvre qualité pour être mieux vendu. La faible qualité cachée derrière la revendication de l’œuvre d’art par l’industrie abaisse le niveau intellectuel des spectateurs et encourage le conformisme. Adorno adopte ainsi une position de dénonciation du caractère manipulateur de l’industrie culturelle, tenant l’individu en l’esclavage parce que c’est la « dépendance et servitude des hommes, visée derrière de l’industrie culturelle » (T.W.ADORNO, op. cit., p. 18). Dans l’interprétation de Baudrillard, les produits de consommation se sont débarrassés de leur objectivité matérielle et se sont détachés du social en se vidant du sens. Ils ne circulent qu’en tant que signes (J.BAUDRILLARD, op. cit.). Voir aussi pour la critique de la société de consommation comme entité où tout peut devenir un spectacle chez G.DEBORD, La société du spectacle, Paris, Buchet-Chastel, 1967. L’aliénation entre donc dans l’espace de la vie quotidienne. Ces auteurs sont dans la continuité de la pensée de Marx exprimée dans le Capital au XIXe siècle (K.MARX,

Le capital. Critique de l’économie politique. Livre trosième : le procès d’ensemble de la production capitaliste, I [trad. par

Cohen-Solal – G. Badia], Paris, Éditions Sociales, 1969). Pour Marx, le capitalisme manipule continuellement les besoins humains pour encourager la production de la marchandise. Dans ce cadre, la marchandise devient un objet fétiche qui s’éloigne de l’homme en cachant son origine dans le travail individuel derrière le prix : « C’est seulement un rapport social déterminé des hommes entre eux qui revêt ici pour eux la forme fantastique d’un rapport des choses entre elles. » (K.MARX, op. cit., p. 84).

6

L’exemple en serait des jeunes londoniens pour le sociologue britannique Dick Hebdige. Ces jeunes créent des styles de vie en subvertissant des ressources symboliques de la culture ouvrière des parents et des objets de consommation dans une révolte stylistique (D.HEBDIGE,Subculture. The Meaning of Style, London – New York, Routledge, 1979).

7

G.S.BECKER, op. cit. 8

T.W.ADORNO, op. cit. 9

P.BOURDIEU, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979. 10

En plus de Hebdige, l’exemple de cette approche rejoint également la pensée de Michel de Certeau. D’après cet auteur, à travers les pratiques comprises comme « tactiques » ou « manières de faire », l’individu s’approprie des produits de consommation à sa façon en bricolant et en subvertissant le système de la production socioculturelle (M. DE CERTEAU,

L’invention du quotidien, I : Arts de faire, Paris, Union générale d’édition, 1994, p. 9-14).

11

R.SASSATELLI, Consumer Culture…, op. cit., p. 115. 12

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logique de la différentiation, influencée par des pratiques manipulatrices des commerçants ; la logique normative basée sur les valeurs ; la logique cérémoniale pour obtenir du respect ; la logique hédoniste de la recherche de bonheur ; la logique créatrice de la volonté créative et libératrice ou la logique relationnelle partant des relations sociales. Le consommateur n’est donc pas dégagé dans la consommation de ses relations de force par rapport à d’autres acteurs sociaux, son entourage, des fabricants de produits, des régulateurs de marché, sans oublier des normes sociales, des variables de sexe, d’âge, d’ethnicité et de classe.

Nous voyons d’autre part, que les analyses historiques et sociologiques révèlent un certain éthos de la culture de consommation, le consumérisme. Il s’agit d’une autre manière d’aborder notre conception de la culture en tant que culture-style. La notion d’éthos met en effet l’accent sur un mode de vie composé de représentations, de croyances et de pratiques qui contiennent des valeurs1. Pour la culture de consommation, nous pouvons parler de l’éthos consumériste :

« La notion de “culture de consommation” implique que, dans le monde moderne, les pratiques sociales centrales et les valeurs culturelles, les idées, les aspirations et les identités sont définies et orientées davantage par rapport à la consommation qu’aux autres dimensions sociales comme le travail ou la citoyenneté, la cosmologie religieuse ou le rôle militaire2. »

L’éthos consumériste désigne donc une vie dominée par la consommation : c’est une manière d’être propre au capitalisme consumériste dans laquelle la consommation de marchandises est le principe organisateur de la société, de ses rapports sociaux et de ses significations sociales. Il ne se limite aucunement à la consommation proprement dite, mais il se répand dans la société : « [L]es valeurs du domaine de la consommation débordent sur d’autres domaines de l’action sociale3. » Cette extension est rendue possible grâce à la place que la consommation prend dans la vie sociale comme modèle souhaité de l’action et grâce au « prestige » attribué à ces valeurs4.

De plus, les valeurs de la culture de consommation touchent l’ensemble de la population. S’il convient de noter une fois de plus que la consommation peut être limitée pour certaines catégories d’acteurs sociaux tels que les enfants ou les classes populaires, et

1

Cf. la définition de l’éthos consumériste chez F.GAUTHIER,« Religion, Media and the Dynamics of Consumerism in Globalising Societies », dans K.GRANHOLM – M. MOBERG –S. SJÖ (DIR.), Religion, Media, and Social Change, New York – London, Routledge, 2015, p. 74.

2

« The notion of “consumer culture” implies that, in the modern world, core social practices and cultural values, ideas,

aspirations and identities are defined and oriented in relation to consumption rather than other social dimensions such as work or citizenship, religious cosmology or military role. » (D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit., p. 24, traduction

personnelle). 3

« […] values from the realm of consumption spill over into other domains of social action » (Ibid., p. 25, traduction personnelle).

4

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qu’elle est influencée par les ressources culturelles et financières disponibles, tous les individus peuvent, constate Lury, faire partie de la culture de consommation en tant qu’éthos culturel : « [T]andis que la pauvreté restreint la possibilité de participer à la consommation des marchandises, elle n’empêche pas nécessairement la participation à la culture de consommation, elle peut même l’encourager1. » Même les populations pauvres peuvent donc participer à l’éthos consumériste.

Dans cet éthos consumériste, nous sommes particulièrement intéressés par la dimension normative de ses valeurs. Ces dernières trouvent leur origine dans la consommation elle-même. Comme nous le rappelle Slater, parler de la culture de consommation signifie de voir « les valeurs dominantes de la société comme non seulement ordonnées à travers les pratiques de consommation, mais aussi comme dérivées en quelque sorte d’elles2 ». Par conséquent, cet éthos consumériste contient des valeurs propres à la culture de consommation3 telles que le matérialisme, la marchandisation, la consommation à outrance, la massification, le narcissisme, l’individualisme, la liberté, l’autonomie, le choix, la souveraineté, l’hédonisme, le bonheur ou la réalisation de soi4.

Ces valeurs sont notamment explicitées dans des travaux sur le marketing et le

branding. Sassatelli écrit que la publicité transmet « la réalisation de soi, la présentation de

soi et la gestion de la bonne impression, soulignant le potentiel créatif du soi et de ses choix5 » (en anglais : « self-realization, self-presentation and impression management,

stressing the self-creating potentialities of the choosing self »). Ces accents mis sur le

développement de soi, l’esthétisation de soi, le choix, s’accompagnent d’autres valeurs : « [L]’industrie de la publicité […] glorifie les marchandises et la consommation comme les occasions pour la réalisation de soi et le bonheur pour tous6. » Dans un autre passage, elle signale que « [l]a publicité commerciale associe une série d’aspirations positives avec la consommation : bonheur, sociabilité, jeunesse, plaisir, amitié, érotisme, […] images de la réalisation de soi7 ».

Il convient toutefois rappeler que ce ne sont pas forcément des valeurs qui émergent dans la culture de consommation. Il faut plutôt les percevoir dans leur continuité historique8

1

« […] while poverty restricts the possibility of participating in the consumption of commodities, it does not necessarily prevent –

indeed, it may incite – participation in consumer culture. » (C.LURY, Consumer Culture, op. cit., p. 12, traduction personnelle). 2

« […] the dominant values of a society not only to be organized through consumption practices but also in some sense to

derive from them. » (D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit., p. 24, traduction personnelle).

3

Ibid., p. 24-32. 4

Cf. l’énumération chez Gauthier et al. qui inclut « well-being, hedonism, happiness, personal satisfaction, choice, sovereignty,

individuality, reflexivity or autonomy, [and] self-presentation » (F.GAUTHIER –L.WOODHEAD – T.MARTIKAINEN, « Introduction. Consumerism as the Ethos of Consumer Society », op. cit., p. 3).

5

R.SASSATELLI, Consumer Culture…, op. cit., p. 45 (traduction personnelle). 6

« […] the advertising industry […] celebrates commodities and consumption as opportunities for self-realization and happiness

for all. » (Ibid., p. 117, traduction personnelle).

7

« Commercial advertising associates a series of positive individual aspirations with consumption : happiness, sociability,

youthfulness, enjoyment, friendship, eroticism, […] images of self-realization (Ibid., p. 121, traduction personnelle).

8

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car elles sont plus accentuées et répandues dans la culture de consommation. Aussi souhaitons-nous en aborder certaines de manière plus approfondie.

Ainsi, le choix qui est associé à la valeur moderne de l’individualisme1 et de la liberté devient un choix libre de consommation : « Être consommateur signifie de faire des choix : décider ce qu’on veut, réfléchir comment dépenser de l’argent pour l’obtenir. […] “La souveraineté de consommateur” représente une image de liberté extrêmement captivante2. » Par conséquent, une autre valeur moderne comme celle de liberté, peut de facto se trouver limitée dans la culture de consommation à la liberté concernant des choix de consommation.

En ce qui concerne la valeur moderne de l’individualisme, la culture de consommation accentue la place de l’individu et la nécessité d’exprimer son identité par la consommation et par les styles de vie3. La consommation devient ainsi une expression de l’individu. Slater tout comme Taylor associent l’individualisme de la culture de consommation à la valeur d’authenticité, à savoir à la véracité de soi. D’après Slater, l’authenticité se lie à la consommation dans un processus historique, ce qui fait que la consommation est perçue comme un moyen puissant dans l’expression de l’authenticité individuelle4. Pour Taylor, les phénomènes extérieurs du consumérisme tels que la consommation des produits et des services, le vêtement ou la musique, masquent l’idéal d’authenticité et d’expressivité moderne5 qui se radicalise depuis le XIXe siècle6. Nous reviendrons sur ces notions ultérieurement, mais notons dès à présent que Taylor perçoit l’individu moderne, bourgeois au départ, comme sujet qui se découvre, se connaît, s’exprime et actualise son propre-soi. Son intérieur, y compris ses émotions, constituent le fondement de son action, comme il l’exprime d’ailleurs lui-même :

« [S]i nous nous éloignons de ces phénomènes extérieurs concernant le consumérisme d’après-guerre pour aller vers la connaissance de soi qui les accompagnait, nous pouvons voir une constante progression de ce que j’ai nommé la culture de l‘“authenticitéˮ. J’entends par là une conception de la vie qui a émergé avec l’expressivisme romantique de la fin du XVIIIe siècle, et qui pose que chacun d’entre nous a sa façon personnelle de réaliser sa propre humanité, et qu’il est important de découvrir et de vivre la sienne propre au lieu de se conformer au modèle imposé de l’extérieur par la société, ou par la génération précédente, ou par l’autorité politique ou religieuse7. »

1

Voir C.LASCH, The Culture of Narcissism. American Life in an Age of Diminishing Expectations, New York, Norton, 1979 ; G. LIPOVETSKY, op. cit. Ces auteurs pointent que l’obsession de soi, l’intérêt pour sa personne et ses besoins par l’individu moderne sont encore radicalisés et exploités par la culture de consommation.

2

« To be a consumer is to make choices: to decide what you want, to consider how to spend your money to get it. […]

“Consumer sovereignty” is an extremely compelling image of freedom » (D.SLATER,Consumer Culture and Modernity, op. cit.,

p. 27, traduction personnelle). 3 Ibid., p. 29-31. 4 Ibid., p. 16. 5

Campbell trouve à l’origine de la place du désir dans la culture de consommation l’éthique romantique(C.CAMPBELL, The

Romantic Ethic and the Spirit of Modern Consumerism, Oxford – New York, Basil Blackwell, 1987).

6

C.TAYLOR, La diversité de l’expérience religieuse aujourd’hui. William James revisité (trad. de l’anglais par J.-A. Billard), Québec, Bellarmin, 2003, p. 78-85.

7

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Dans cette compréhension taylorienne, le consumérisme renforce la culture d’authenticité et d’expressivité en lui procurant des moyens d’expression, et en la répandant dans d’autres couches sociales au-delà des élites, notamment grâce à la mode. C’est ce lien entre le consumérisme et la culture d’authenticité et d’expressivité qui permet la massification de la perception authentique de soi. Gauthier complexifie ce postulat en disant que « c’est parce que le consumérisme est devenu un moyen d’expression de l’authenticité individuelle qu’il a pu pénétrer dans la culture et la façonner de la manière qu’il l’a fait1 ». Ainsi, devrons-nous prendre en compte la valeur de l’authenticité dans l’étude sur la culture de consommation que nous développerons dans notre chapitre 5.

La remarque de Taylor qui associe le consumérisme à la mode nous conduit vers la valeur esthétique des marchandises et de l’environnement social2. Nous y avions déjà fait allusion lors du développement du caractère visuel des biens de consommation par des galeries, des pratiques de commercialisation de l’emballage ou de la création de marque qui