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Le droit du sol, principe matriciel de l’Ancien Droit

Dans le document Nationalité et souveraineté (Page 76-83)

Section 1. La construction d’un droit de la nationalité fondé sur le territoire (XVI-XVIIIe s.) « [L]es terres des particuliers réunies et contiguës

A. Le droit du sol, principe matriciel de l’Ancien Droit

73. Sous l’Ancien Droit, le sujet naturel est l’individu demeurant sur le territoire de l’État

où il est né. En ce sens, le droit du sol à cette époque est absolument prépondérant (1). Toutefois,

292 L’expression est empruntée à Bacquet, voy. infra n° 89.

293 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, livre IV, chap. 2, op. cit., p. 241. L’auteur utilise encore ce critère territorial dans son chapitre sur le « Droit de vie et de mort » lorsqu’il affirme que le citoyen enfreignant le pacte social perd sa qualité de « membre » de la patrie. Il affirme alors que le séjour de l’individu sur le territoire est le critère de reconnaissance de la qualité de citoyen (ibid., livre II, chap. 4, p. 71). Dans le même sens encore, voy. Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation (1762), livre V, in Œuvres complètes, vol. II, Paris, Furne, 1835, p. 704 :« Par un droit que rien ne peut abroger, chaque homme, en devenant majeur et maître de lui-même, devient maître aussi de renoncer au contrat par lequel il tient à la communauté, en quittant le pays dans lequel elle est établie ; ce n’est que par le séjour qu’il y fait après l’âge de raison qu’il est censé confirmer tacitement l’engage-ment qu’ont pris ses ancêtres. »

certains auteurs ajoutent parfois à ce droit du sol une condition supplémentaire tenant en la filiation avec un Français originaire. Mais en réalité cette origo issue du droit romain renvoie encore au territoire, de sorte que de manière constante, le lien territorial est le critère constant d’accès à la nationalité du XVIe au XVIIIe siècle (2).

1. Le droit du sol, un héritage féodal maintenu dans l’Ancien Droit

74. Le droit du sol, un héritage féodal. – Le droit du sol réceptionné et théorisé au XVIe

siècle est un avatar de l’époque féodale, tirant lui-même sa source de l’époque francque, comme Lapradelle le soutient dans son ouvrage sur la Nationalité d’origine publiée en 1894 :

« La féodalité, dont le système entier repose sur le territoire, devait le fortifier et l’élargir : “L’homme et la terre étaient une seule et même chose, et l’un se confondait dans la nature de l’autre” (Boissy d’Anglas, séance du 29 frimaire an X). L’homme devenant l’accessoire du sol, il était dans la logique du système qu’il en reçut une patrie. »295

Beudant, ancien Doyen de la Faculté de droit de Paris et professeur de droit civil, affirme de la même manière en 1856 que « la terre, cette puissance nouvelle, va tout subordonner à son in-fluence (…) : dans chacune de ces petites sociétés féodales, la nationalité se confond avec l’idée de souveraineté territoriale. »296 Ce principe territorial s’inscrit en revanche en rupture avec les principes du droit romain, reposant essentiellement sur le droit du sang297. L’époque moderne et la centralisation du pouvoir au profit de la royauté ne changent pas le principe, si ce n’est ses limites territoriales car, comme le note Weiss dans son Traité : « La victoire longtemps disputée de la royauté sur les prétentions féodales ne modifia en rien le système suivi jusque-là pour fixer l’allégeance de chacun. L’idée d’extranéité se précise et s’étend. L’aubain est désormais la personne étrangère aux possessions de la couronne ; mais le jus soli conserve tous ses droits. »298

295 Albert de Lapradelle, De la nationalité d’origine. Droit comparé, droit interne, droit international, Paris, Giard et Brière, 1893, p. 12.

296 Charles Beudant, « De l’effet de la naissance en France sur la nationalité », Revue critique de législation et de

jurisprudence, 1856, vol. 9, p. 66.

297 Sur ce point, voir les développements de Marguerite Vanel, Évolution historique de la notion de Français d’ori-gine du XVIe siècle au code civil : contribution à l’étude de la nationalité française d’orid’ori-gine, Paris, Ancienne imprimerie de la Cour d’Appel, 1945, p. 18 : « Désormais, le rattachement des individus s’effectue d’après le territoire sur lequel ils sont nés, et non plus d’après l’origine de leur famille. Le jus soli s’est substitué au jus sanguinis. »

298 André Weiss, Traité théorique et pratique de droit international privé, vol. I, Paris, Larose et Forcel, 1892, 1ère

75. La continuité dans l’Ancien Droit. – Plusieurs décisions des Parlements d’Ancien

Régime viennent confirmer ces analyses et la consécration du jus soli dans l’Ancien droit. Pa-pon (décès vers 1585), conseiller du Roi et arrêtiste du XVIe siècle, cite notamment dans son Recueil d’arrests notables des Cours souveraines de France une décision du Parlement de Paris rendue le 23 février 1515 jugeant que les enfants nés en France d’un étranger non naturalisé peuvent lui succéder, ce qui revient dans les termes de l’époque à considérer que les enfants nés en France de parents étrangers sont des sujets naturels, c’est-à-dire des Français :

« Bened. & autres, qui ont escrit dudit droit d’Aubeine, ont eu opinion, qu’un estranger mou-rant au Royaume, ayt enfans ou non, a le Roy pour seul hériter. En quoy ils se sont deceus : car par la Loy de France sur ledit Aubeine, qui est enregistrée, & religieusement gardée en la chambre des Comptes, les enfans legitimes, & descendans en droite ligne, nays & demeurans

en France, succedent à leur pere, ayeul, ou autre ascendant en droite ligne estranger non naturalisé : mais les collatéeraux, point. Et ainsi jut jugé par arrest de Paris du 23 iour de

Fevurier 1515. »299 (nous soulignons)

L’opinion est partagée par les plus grands auteurs de l’époque moderne, notamment et surtout par Bacquet (décès vers 1597), avocat du Roi, dans son Traité du droit d’aubeine qui précise sans équivoque que « Les vrays et naturels François sont ceux qui sont naiz dedans le royaume, païs, terres et seigneureries de la nation, domination et obéissance au Roy. »300 Il précise encore à propos des étrangers : « L’autre sorte d’habitants du Royaume est, des Aubeins, c’est à dire estragers qui ne sont naiz en France, ains en pays estrange, auqel le Roy de France n’est reco-gneu, ny obey, & sont venus demeurer au Royaume »301. Charondas le Caron (1536 – 1614), jurisconsulte parisien, confirmera à la même époque que « l’empeschement qu’on pourroit al-leguer contr’eux, d’estre estrangers, est purgé par le moyen de la demeure & residence qu’ils font au Royaume. Aussi qu’il est sans doute que les enfans de l’estranger nez au Royaume lui succede demeurans en icelui »302 dans ses Responses et décisions du droict français. Encore une fois, c’est à l’occasion de l’examen des incapacités successorales que l’homme de loi révèle en creux la qualité de Français des enfants nés sur le sol du Royaume, même de parents étran-gers, puisque disposant du droit de leur succéder. Charondas va même plus loin que ses con-temporains en affirmant que la demeure et résidence sur le territoire du Royaume fait perdre la

299 Jean Papon, Recueil d’arrests notables des courts souveraines de France, vol. I, livre V, titre II, arrêt n° IIII, Lyon, Jean de Tournes, 1562, 4ème éd., p. 146-147.

300 Jean Bacquet, Traité du droit d’aubeine (1577), partie I, chap. I, § 2, in Œuvres de Jean Bacquet, Paris, Pierre Bienfaict, 1664, p. 2.

301 Ibid.

302 Louis Charondas le Caron, Pandectes ou Digestes du Droict François (1593), livre II, chap. 8, in Œuvre de

qualité d’étranger – peut-être fait-il implicitement référence aux lettres de naturalité que peu-vent demander les étrangers dans le but justement d’échapper au droit d’aubaine ? L’opinion que la simple résidence ferait acquérir la qualité de sujet ne se retrouve en tout cas pas dans les écrits des autres auteurs modernes. L’essentiel demeure, la naissance sur le territoire confère la qualité de sujet naturel.

76. Domat (1625 – 1696), avocat à Clermont-Ferrand puis attaché au service du Roi,

con-solidera au XVIIe siècle cet acquis juridique dans Les quatres livres du droit public, publié en 1697 à titre posthume. Il déclare que « Les enfants des étrangers, qui naissent dans un état où leur père était étranger, se trouvant originaires de cet état, ils en naissent sujets, et y ont les droits de naturalité, comme si leur père avait été naturalisé, et ils lui succèdent, quoiqu’il meure étranger. »303 Ici, Domat procède à une analogie intéressante, considérant que la naissance sur le territoire français emporte de plein droit la naturalisation. Et l’obtention de la nationalité permet à l’enfant de succéder à son père, sans que ce dernier perde d’ailleurs sa qualité d’étran-ger. Pour terminer, Pothier (1699 – 1772) confirme au XVIIIe siècle dans son remarquable Traité des personnes304 que « Les citoyens, les vrais et naturels Français, suivant la définition de Bacquet, sont ceux qui sont nés dans l’étendue de la domination française, et ceux qui sont nés dans nos colonies, ou même dans les pays étrangers, comme en Turquie et en Afrique, où nous avons des établissemens pour la commodité de notre commerce. »305 La référence à Bac-quet, par delà deux siècles, confirme la profonde unité conceptuelle du rapport territorial de la nationalité dans la pensée des auteurs modernes306. Mais cette unité ne va pas sans certaines divergences à propos de l’origine des parents, certains autres auteurs privilégiant des critères renforcés par la filiation pour faire application du droit du sol.

303 Jean Domat, Les quatres livres du droit public (1697), livre I, titre VI, section 4, § 5, in Joseph Rémy (dir.),

Œuvres de Jean Domat, Paris, Firmin Didot, 1829, p. 122.

304 Œuvre influençant très largement, par sa clarté, la rédaction du code civil de 1804.

305 Robert-Joseph Pothier, Traité des personnes (1778), partie I, titre II, section 1ère, in André Dupin (dir.), Œuvres

de Pothier, vol. VIII, Paris, Bechet ainé, 1825, p. 22 La référence aux comptoirs de commerce montre que la vision

du territoire est particulièrement large, qu’elle suit l’ordre de contrainte (la « domination ») de l’État. L’auteur précise encore : « Au reste, pour que ceux, qui sont nés dans les pays de la domination française, soient réputés Français, on ne considère pas s’ils sont nés de parens français ou de parens étrangers, si les étrangers étaient domiciliés dans le royaume, ou s’ils n’y étaient que passagers. Toutes ces circonstances sont indifférentes dans nos usages : la seule naissance dans ce royaume donne les droits de naturalité, indépendamment de l’origine des père et mère, et de leur demeure » (ibid., p. 23).

306 L’opinion de Margerite Vanel, Evolution historique de la notion de Français d’origine, op. cit., p. 35-36, selon laquelle « il apparaît certain que le jus soli n’est pas le système traditionnel français en matière de naturalité, mais un simple accident historique » apparaît donc excessive.

2. La question de l’origine des parents

77. L’ajout d’une condition originaire issue du droit romain. – Pour certains auteurs

majeurs comme Bodin ou Vattel, la seule naissance sur le territoire n’emporte pas l’attribution de la nationalité. Sous l’influence du droit romain, ils apportent dans leurs constructions théo-riques une condition liée à la filiation avec un Français. Cette divergence, intéressante sur le principe quoi que peu conforme au droit positif de l’époque, ne remet toutefois pas en cause le caractère territorial de l’attribution de la nationalité dans la pensée moderne. Bodin (1530 – 1596) dans sa République parue en 1576, définit ainsi le citoyen comme né sur le territoire d’un parent disposant lui-même de la nationalité, notant d’ailleurs qu’au regard des sources an-ciennes, le droit français s’était assoupli :

« le citoyen naturel est le franc subject de la République où il est natif, soit de deux citoyens, soit de l’un ou de l’autre seulement. Vray est qu’anciennement (et encores à present en plu-sieurs Républiques) pour estre citoyen, comme en Grece, autrement on appelloit nothos, ou mestifs ceux qui n’estoyent citoyens que d’un costé, et ne pouvoyent, ni leurs enfans, avoir part aux benefices ni aux grands estats. »307

Près de deux siècles plus tard, Vattel (1714 – 1767) publie en 1758 Le droit des gens et y reprend une définition fondée sur un critère de filiation :

« Les Citoyens sont les membres de la Société Civile : Liés à cette Société par certains devoirs, & soumis à son Autorité, ils participent avec égalité à ses avantages. Les Naturels, ou

Indi-gènes sont ceux qui sont nés dans le pays, de Parens Citoyens. (…) Je dis que pour être d’un

pays, il faut être né d’un pére Citoyen ; car si vous y étes né d’un Etranger, ce pays sera seu-lement le lieu de votre naissance, sans être votre Patrie. »308

Ces définitions enrichies sont particulièrement intéressantes chez ces deux auteurs. En effet, ce n’est que chez Bodin et Vattel que l’on trouve un chapitre spécialement dédié à l’étude du Citoyen, c’est-à-dire au sens contemporain du terme, du ressortissant national309. Ces auteurs dépassent donc l’approche purement civiliste et fondée sur le droit d’aubaine pour faire du Ci-toyen une catégorie pleine et entière – et non plus une catégorie émergeant par défaut de l’étude des incapacités qui pèsent sur l’étranger. Que révèle donc cette définition justement différente de ceux qui ne s’attachent à définir le national qu’en opposition avec l’étranger ?

307 Jean Bodin, Les six livres de la République (1576), livre I, chap. 6, in Henri Rochais, Marie-Dominique Cou-zinet et Christiane Frémont (dir.), Les six livres de la République de Jean Bodin, vol. I, Paris, Fayard, 1986, p. 116.

308 Emer de Vattel, Le droit des gens, vol. I, livre I, chap. 19, § 212, Londres [Neuchâtel], 1758, p. 197-198.

309 Vattel marque ainsi une originalité remarquable, notamment face à Wolff, dont il est souvent soupçonné de simplement transposer la pensée. Voy. Carlos Santulli, « Vattel », in Jean-Louis Halpérin et Olivier Cayla (dir.),

78. Les penseurs modernes ont souvent emprunté au droit romain des notions et des

con-cepts pour enrichir les définitions héritées des catégories féodales310. Les approches de Bodin et Vattel qui ajoutent au critère territorial de la naissance celui de la filiation avec des parents eux-mêmes nationaux en sont de bonnes illustrations : c’est l’« origo » ou le domicile originaire qui enrichit ici leurs écrits311. Comme le note Yan Thomas, « L’“origine” s’analyse comme un lien transgénérationnel et permanent, selon le mode si caractéristique des institutions romaines (…). Selon ce système, chacun était citoyen du lieu d’où son père lui-même était citoyen parce qu’il en tirait son origine. »312 Bien sûr, ni Bodin, ni Vattel ne vont si loin, c’est-à-dire admettre un droit du sang absolu ; l’origine des parents n’est qu’un critère supplémentaire à celui de la naissance sur le territoire. En ce sens, Lapradelle concluait que :

« Jamais il n’est dit que le domicile des parents détermine la nationalité de l’enfant. Il en est seulement tenu compte pour concilier le principe féodal du sol avec le principe romain de la nationalité paternelle. (…) D’une part, il ne suffit pas d’être issu de parents nationaux, à l’étranger, pour partager leur titre ; il faut encore que les parents soient domiciliés dans le pays.

D’un autre côté, la naissance sur le sol ne suffit pas pour rendre naturel, il faut qu’elle procède de parents domiciliés. Le conflit du droit féodal et du droit romain est ainsi tranché par l’in-tervention du principe du domicile. »313 (nous soulignons)

79. La condition personnelle renvoie en réalité à une condition territoriale. – Mais ces

définitions révèlent une aporie. Si pour déterminer la nationalité de l’enfant, il faut se référer à la nationalité des parents, alors comment déterminer la nationalité des parents ? Sur cette ques-tion Bodin ne précise rien. Il semble donc implicitement se reporter aux apports du droit ro-main : « A travers l’origo du père, il fallait remonter jusqu’à celle de l’aïeul paternel, qui l’avait à son tour héritée »314, et ainsi de suite ; « Pratiquement, le temps écoulé devait faire l’affaire, et il suffisait sans doute de quelques générations pour fixer une lignée en un lieu. »315 Donc, il est possible de former l’hypothèse que dans la pensée de Bodin, ce sont les naissances succes-sives sur le territoire du Royaume qui permettent de déterminer que les parents sont citoyens. Vattel, percevant sans doute l’insuffisance d’une telle définition, se fait plus précis. Dans sa définition du Citoyen déjà citée, il conclut son analyse en déclarant que « La Patrie des Péres est donc celle des enfans ». Or, le publiciste suisse a déjà précisé auparavant dans son traité que

310 Dans le même sens, voy. Michel Villey, La formation de la pensée juridique moderne (1975), Paris, PUF, 2013, p. 463-467.

311 Voy. Anne Lefebvre-Teillard, « Ius sanguinis : l’émergence d’un principe. Éléments d’histoire de la nationalité française », Rev. crit. DIP, 1993, n° 2, p. 230-232.

312 Yan Thomas, « Le droit d’origine à Rome », Rev. crit. DIP, 1995, n° 2, p. 278.

313 Albert de Lapradelle, De la nationalité d’origine, op. cit., p. 95.

314 Yan Thomas, « Le droit d’origine à Rome », op. cit., p. 278.

« [la Patrie] désigne l’Etat (…) où nos Parens avoient leur Domicile, au moment de notre nais-sance »316, et que « Le Domicile naturel, ou d’origine, est celui que la naissance nous donne »317, l’opposant au « Domicile acquis (…) que nous nous établissons par notre propre volonté »318. Donc, Vattel considère que pour se voir attribuer la nationalité à la naissance, il faut naitre sur le territoire d’un État où l’un de ses parents319 dispose de son domicile, c’est-à-dire soit le territoire où il est né (domicile d’origine), soit le territoire où il a décidé de s’établir (domicile acquis). Le premier cas revient à une forme de « double droit du sol » (naître sur le territoire où l’un de ses parents est lui-même né), tandis que le second cas est une condition de « résidence habituelle » des parents au moment de la naissance (Vattel exclut par exemple que l’individu présent sur le territoire d’un autre État pour ses affaires y soit considéré comme do-micilié).

80. Les auteurs contemporains comme Marguerite Vanel ou Anne Lefebvre-Teillard

ra-mènent in fine cette problématique au droit de la preuve :

« La preuve en matière de nationalité est, en effet, comme en matière de propriété, une véri-table probatio diabolica. Comment démontrer que l’on est né d’un père Français, si pour prou-ver que celui-ci est Français on doit apporter la preuve qu’il est lui-même né d’un père fran-çais ? Toute preuve directe est impossible. Il faut alors s’en tenir aux présomptions dont la plus probante est encore le lieu de la naissance, on revient au jus soli. (…) Rechercher le lieu d’origine de la famille, c’est encore appliquer le jus soli. »320

« [l’origine paternelle] est pour l’enfant légitime celle de son père qui elle-même n’est pas déterminée par l’origo de l’aïeul, sans quoi (…) il faudrait remonter à Adam, mais par le lieu de naissance du père. »321

En conclusion donc, même lorsque les auteurs modernes se réfèrent à la filiation et à l’origine pour établir la nationalité de l’enfant, ils renvoient inévitablement au droit du sol et aux critères territoriaux ; le droit du sol est seulement aménagé322. La prise en compte de la filiation dans l’Ancien Droit n’est donc jamais l’expression d’une remise en cause de la territorialité des cri-tères d’accès à la nationalité. Pourquoi dès lors recourir à une définition plus restrictive que celle du droit de l’époque ? Il est probable que Bodin et Vattel, tous deux proches des Rois de

316 Emer de Vattel, Le droit des gens, vol. I, livre I, chap. 19, § 212, op. cit., p. 197-198. Dans le même sens voy. encore le chap. 11, § 122, p. 112-113.

317 Ibid., chap. 19, § 215, p. 199.

318 Ibid. Une même distinction se retrouve chez Jean Bacquet, Traité du droit d’aubeine, partie V, chap. 39, § 9-10, op. cit., p. 82.

319 Le père en cas de naissance légitime, dans les autres cas la mère.

320 Marguerite Vanel, Évolution historique de la notion de Français d’origine, op. cit., p. 38.

Dans le document Nationalité et souveraineté (Page 76-83)

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