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Chapitre 5 Fécondité effective dans le contexte nord-américain Tendances générales et

5.1 Tendances de fécondité effective au Canada et en Nouvelle-Angleterre

5.2.1 Des distinctions selon les groupes ethniques et culturels

Les Canadiennes françaises n’ont pas toujours été les plus fécondes. Certes quelques études abondent dans ce sens (Bouchard et Lalou, 1993; Wilcox et Golden, 1982). Il n’en demeure pas moins qu’un bon nombre d’études mettent tout de même en évidence que les Canadiennes françaises avaient une fécondité

généralement plus élevée que celle des femmes appartenant à d’autres groupes ethno-religieux, comme les

Anglo-Protestantes et les Irlandaises catholiques (Gossage et Gauvreau, 2007; Gauvreau et collab., 2007a; Olson et Thornton, 2001 et 2011). Qui plus est, d’autres auteurs ont également montré qu’en Europe au XIXe et au début du XXe siècle les Catholiques, sans distinction d’origine, avaient aussi une fécondité plus

élevée que les Protestantes (McQuillan, 1999; Praz, 2005; Lynch, 2009).

La fécondité n’est néanmoins que l’un des mécanismes démographiques qui contribuent à forger le grand ensemble qu’est un régime démographique. La mortalité en est une autre composante. Lorsque la mortalité est celle des nourrissons et des tout-petits, elle ampute ainsi la reproduction d’une partie de son contingent.

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Olson et Thornton (2001, 2011) ont bien mis en évidence qu’il existe une distinction entre la reproduction considérée à l’aulne de la seule fécondité et la reproduction dite nette qui correspond au nombre d’enfants survivants et qui affecte réellement les mécanismes de la reproduction familiale prise au sens large. Basées sur des calculs davantage complexes que ne les sont les simples ratios enfants-femme, les conclusions de Olson et Thornton mettent de l’avant le fait qu’au final les Canadiens français n’avaient pas le taux net de reproduction le plus prolifique. À partir de ratios enfants-femme qui ne sont pas corrigés pour la mortalité infantile et qui illustrent la fécondité effective du moment, quelles tendances observons-nous entre les trois principaux groupes ethno-religieux (ethniques pour Manchester117F

117) en 1880-81 et en 1910-11?

À l’exception de la situation qui prévaut à Québec en 1881, où la fécondité effective des trois groupes ethno-religieux est similaire, non seulement en regard des ratios globaux (Tableau 5.5), mais également selon la distribution par groupes d’âge de la mère118F

118 (Annexe 3), les Canadiennes françaises ont une

fécondité effective plus élevée que celle des Irlandaises catholiques et celle des Anglo-protestantes à Québec en 1911 et que celle des Irlandaises et celle des Américaines de souche119F

119 à Manchester (1880 et

1910). Cet écart est relativement stable à Manchester au cours de l’intervalle de trente ans observé alors qu’il s’accroît considérablement à Québec du fait que, d’une part, le ratio enfants-femme s’accroît chez les Canadiennes françaises (0,95 à 1,06) et, d’autre part, parce que les ratios sont plus faibles qu’ils ne l’étaient trente ans auparavant tant chez les Anglo-protestantes (0,94 à 0,65) que chez les Irlandais catholiques (0,92 à 0,86).

117 La comparaison des différents groupes d’une ville à l’autre pose des défis méthodologiques. Compte

tenu de l’absence d’information relative à la religion des individus dans le recensement américain (1880 et 1910), nous étions devant le dilemme méthodologique suivant : utiliser la variable religion pour créer des groupes dits ethno-religieux pour la ville de Québec, et ainsi conserver la capacité de comparer nos résultats avec les autres travaux menés pour la ville de Québec, ou ne créer des groupes qu’en fonction de l’origine déclarée au recensement. Nous avons opté pour la première option, car par-delà le fait que les comparaisons des études sur la ville de Québec étaient maintenues, cela nous apparaissait également logique d’un point de vue contextuel et institutionnel. Nous avons donc retenue les trois groupes principaux qui composent la population de chacune des deux villes. À Québec, la population est majoritairement franco-catholique, irlandaise-catholique et anglo-protestante. À Manchester, ce sont les Canadiens français, les Irlandais et les Américains de souche qui composent la plus grande partie de la population.

118 Situation qu’observent également Olson et Thornton (2001) à Montréal en 1860. Elles ont constaté de

faibles écarts de fécondité légitime (c’est-à-dire la fécondité maritale) entre les trois groupes culturels.

119 En anglais, il s’agit des American Natives, c’est-à-dire les Américaines de souche qui sont ici identifiées

selon les critères de Watkins (1994) soit comme étant des « Native-born of native parentage ». Il ne nous est pas possible de remonter davantage dans la filière généalogique des individus car le recensement américain de 1910 ne pose que trois questions ayant trait à l’origine : le lieu de naissance de l’individu, du père et de la mère.

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Ces quelques constats descriptifs mettent en évidence le fait que les Canadiens français des villes de Québec et de Manchester adoptaient des comportements en matière de fécondité spécifiques dont les motivations étaient orientées par des logiques centrées autour d’une descendance – relativement – nombreuse. Ils confirment également la position intermédiaire des régimes démographiques irlandais catholiques à l’échelle nord-américaine (Gauvreau et collab., 2007a; Olson et Thornton, 2001, 2011).

Il est également intéressant de souligner que sous le couvert de l’ « homogénéisation » culturelle qui caractérise la population de la ville de Québec au tournant du XXe siècle, nous observons parallèlement un

phénomène « d’hétérogénéisation » des comportements reproducteurs entre les différents groupes ethno- religieux, ce que mettent également en évidence Gauvreau et collab. (2007a) à l’échelle de la province de Québec.

Tableau 5.5 Ratios (standardisés) enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage selon les trois principaux groupes à Québec (ethno-religieux) et à Manchester (ethniques), 1880-81 et 1910-11.

Québec Manchester

1881 1911 1880 1910

Canadiennes françaises 0.95 1.06 Canadiennes françaises 0.91 0.95

Irlandaises catholiques 0.92 0.86 Irlandaises 0.84 0.84

Anglo-protestantes 0.94 0.65 Américaines 0.37 0.48

La standardisation des ratios enfants-femme a été effectuée selon une structure d’âge commune pour chacun des groupes étudiés.

Sources : Recensement américain 1880, IPUMS, 100%; Recensement canadien 1881, PHSVQ, 100%; Recensement américain 1910, IPUMS- Restricted Complete Count Data et PHSVQ, 100%; Recensement canadien 1911, PHSVQ, 100%.

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