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Familles, communautés et industrialisation en Amérique du Nord : reproduction familiale canadienne-française à Québec et à Manchester (New Hampshire) au tournant du XXe siècle

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(1)

Familles, communautés et industrialisation

en Amérique du Nord :

Reproduction familiale canadienne-française à Québec et à

Manchester (New Hampshire) au tournant du XX

e

siècle

Thèse

Marie-Ève Harton

Doctorat en sociologie

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

© Marie-Ève Harton, 2017

(2)

Familles, communautés et industrialisation

en Amérique du Nord :

Reproduction familiale canadienne-française à Québec et à

Manchester (New Hampshire) au tournant du XX

e

siècle

Thèse

Marie-Ève Harton

Sous la direction de :

Richard Marcoux, directeur de recherche

Lisa Yvette Dillon, codirectrice de recherche

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iii

Résumé court

Bien qu’aujourd’hui le Québec soit reconnu pour son faible taux de fécondité, le Québec d’autrefois porte davantage l’étiquette de « terroir fertile ». Force est néanmoins de constater que l’image d’une population canadienne-française homogène caractérisée par un mode de reproduction spécifique fut davantage l’apanage des discours des élites (Gauvreau et coll. 2007; Gossage et Gauvreau, 1999) qu’une réalité typiquement canadienne-française (Lavigne, 1983; Bouchard et Lalou, 1993; Gossage, 1999b; Gauvreau et Gossage, 2001; Gauvreau et coll., 2007a; Marcoux, 2010). Cette thèse a pour objectif principal d’apporter une contribution à ce courant de recherche en élargissant l’espace-temps des études déjà menées sur la fécondité canadienne-française et québécoise dans le but d’illustrer les variations des régimes démographiques, et ce, avant le déclin généralisé de la fécondité dans les années 1920 (Gauvreau et coll., 2007a). Cette étude s’inscrit dans un courant de recherche qui vise à analyser les comportements de fécondité en tant que phénomène social complexe dont l’étude des principales transformations relève d’une analyse du changement social (Gaffield, 1991; Bouchard, 1996; Szreter, 1996; McQuillan 1999; Beaujot, 2000; Praz, 2005; Gauvreau et collab., 2007a; Marcoux et St-Hilaire, 2008; Marcoux, 2009; Olson et Thornton, 2011). À l’instar des travaux de Gaffield (1991) et de Praz (2005), elle recadre les comportements de fécondité au sein de la reproduction familiale prise au sens large et examine les mécanismes par le biais desquels s’opère l’articulation des sphères de production et de reproduction au sein des ménages.

La thèse suggère que les ressorts de l’industrialisation ont constitué un vecteur de changement social au tournant du XXe siècle par le biais de la diversification des comportements de fécondité canadiens-français à

l’échelle nord-américaine. À partir de l’étude approfondie de deux milieux urbains contrastés, elle montre que les Canadiens français ont des comportements reproducteurs différents d’un milieu à l’autre et que cette tendance s’accentue entre 1880-81 et 1910-11. Qui plus est, des différences sont également perceptibles au sein de chaque milieu entre les différentes sous-populations canadiennes-françaises. En recadrant les comportements de fécondité effective au sein de la reproduction familiale, la thèse met en évidence l’influence des rapports de genre et de génération sur l’articulation entre la production et la reproduction. La thèse révèle que ces rapports sont construits dans des conditions spécifiques qui permettent d’expliquer les variations des modes de reproduction. Enfin, l’analyse fait ressortir l’imbrication de l’influence des facteurs structurels et culturels sur les comportements reproducteurs et elle montre comment leur institutionnalisation diffère d’un milieu à l’autre. Au terme de l’exercice, cette thèse apporte un nouvel éclairage sur les modèles reproducteurs canadiens-français. Elle élargit l’espace-temps des principales études menées à ce jour en plus de contribuer à la réflexion épistémologique et méthodologique sur le sujet.

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iv

Résumé long

Bien qu’aujourd’hui le Québec soit reconnu pour son faible taux de fécondité, le Québec d’autrefois porte davantage l’étiquette de « terroir fertile ». Force est néanmoins de constater que l’image d’une population canadienne-française homogène caractérisée par un mode de reproduction spécifique fut davantage l’apanage des discours des élites (Gauvreau et coll. 2007; Gossage et Gauvreau, 1999) qu’une réalité typiquement canadienne-française (Lavigne, 1983; Bouchard et Lalou, 1993; Gossage, 1999b; Gauvreau et Gossage, 2001; Gauvreau et coll., 2007a; Marcoux, 2010). Cette thèse a pour objectif principal d’apporter une contribution à ce courant de recherche en élargissant l’espace-temps des études déjà menées sur la fécondité canadienne-française et québécoise dans le but d’illustrer les variations des régimes démographiques, et ce, avant le déclin généralisé de la fécondité dans les années 1920 (Gauvreau et coll., 2007a). Cette étude s’inscrit dans un courant de recherche qui vise à analyser les comportements de fécondité en tant que phénomène social complexe dont l’étude des principales transformations relève d’une analyse du changement social (Gaffield, 1991; Bouchard, 1996; Szreter, 1996; McQuillan 1999; Beaujot, 2000; Praz, 2005; Gauvreau et collab., 2007a; Marcoux et St-Hilaire, 2008; Marcoux, 2009; Olson et Thornton, 2011). À l’instar des travaux de Gaffield (1991) et de Praz (2005), elle recadre les comportements de fécondité au sein de la reproduction familiale prise au sens large et examine les mécanismes par le biais desquels s’opère l’articulation des sphères de production et de reproduction au sein des ménages.

Cette thèse repose sur la comparaison de communautés canadiennes-françaises de deux villes nord-américaines : Québec (province de Québec, Canada) et Manchester (New Hampshire, États-Unis). Elle tient compte de l’important courant migratoire qui a mené plus de 900 000 Canadiens français à franchir la frontière canado-américaine entre 1840 et 1930 (Lavoie, 1981). La démarche méthodologique retenue s’appuie sur une exploitation fine des microdonnées des recensements américains et canadiens de 1880, 1881, 1910 et 1911 pour les deux villes étudiées. Cette approche permet de circonscrire les comportements en matière de fécondité effective au sein des dynamiques familiales en examinant les différents rôles tenus par les hommes, les femmes et les enfants, filles et garçons séparément, au sein des ménages. La reproduction familiale y est analysée dans ses dimensions à la fois biologiques, matérielles et culturelles. Spécifiquement, cette thèse vise 1) à décrire l’hétérogénéité des comportements reproducteurs canadiens-français à l’échelle nord-américaine au début des années 1880 ainsi qu’au début des années 1910; 2) à définir les traits distinctifs de la reproduction familiale canadienne-française dans les villes de Québec et de Manchester et 3) à mettre en évidence l’articulation des facteurs structurels et culturels en illustrant comment les ressorts de l’industrialisation ont joué un rôle de différenciation au sein du grand ensemble que représentait le Canada

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v

français au tournant du XXe siècle et ainsi constitué un vecteur de changement social par le biais des

transformations des modes de reproduction.

Les apports de cette thèse sont multiples. Elle suggère que les ressorts de l’industrialisation ont constitué un vecteur de changement social au tournant du XXe siècle par le biais de la diversification des comportements

de fécondité canadiens-français à l’échelle nord-américaine. À partir de l’étude approfondie de deux milieux urbains contrastés, elle montre que les Canadiens français ont des comportements reproducteurs différents d’un milieu à l’autre et que cette tendance s’accentue entre 1880-81 et 1910-11. Qui plus est, des différences sont également perceptibles au sein de chaque milieu entre les différentes sous-populations canadiennes-françaises. En recadrant les comportements de fécondité effective au sein de la reproduction familiale, la thèse met en évidence l’influence des rapports de genre et de génération sur l’articulation entre la production et la reproduction. La thèse révèle que ces rapports sont construits dans des conditions spécifiques qui permettent d’expliquer les variations des modes de reproduction. Enfin, l’analyse fait ressortir l’imbrication de l’influence des facteurs structurels et culturels sur les comportements reproducteurs et elle montre comment leur institutionnalisation diffère d’un milieu à l’autre. Au terme de l’exercice, cette thèse apporte un nouvel éclairage sur les modèles reproducteurs canadiens-français. Elle élargit l’espace-temps des principales études menées à ce jour en plus de contribuer à la réflexion épistémologique et méthodologique sur le sujet.

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Table des matières

Résumé court ... iii

Résumé long ... iv

Table des matières... vi

Liste des tableaux ... x

Liste des graphiques ... xii

Liste des cartes ... xiii

Remerciements ... xiv

Introduction générale ... 1

Chapitre 1 Famille, fécondité et rapports de genre au Canada français : éléments de problématique .... 7

1.1 D’une perspective macrosociologique à une perspective de type institutionnel ... 9

1.2 Le cas canadien-français ... 11

1.3 Pourquoi s’intéresser au tournant du XXe siècle?... 13

1.4 Analyser la fécondité en contexte urbain ... 16

1.5 Reproduction et mode de production : une perspective centrée autour des femmes et des enfants ... 18

1.6 Analyser la fécondité de manière comparée ... 21

1.7 Conclusion ... 24

Chapitre 2 Théories et concepts pour l’analyse de la fécondité ... 27

2.1 Les premiers modèles explicatifs ... 28

2.1.1 La transition démographique : la théorie de la modernisation ... 28

2.1.2 Fécondité naturelle ou non : le rôle des déterminants proches ... 30

2.2 La rationalité des acteurs : l’influence de l’économie et de la culture ... 32

2.2.1 La théorie du choix rationnel : économie et fécondité (New Home Economics- École de Chicago) ... 32

2.2.2 Moyens matériels ou motivations culturelles? L’influence d’Ansley Coale ... 34

2.2.3 Culture et fécondité (École de Princeton) ... 35

2.2.4 Économie et culture : la théorie des flux intergénérationnels de richesse de Jonh C. Caldwell ... 37

2.3 Les approches institutionnelles : le développement de modèles explicatifs complexes ... 39

2.3.1 Déceler le particulier dans le général : l’exemple de la religion chez K. McQuillan ... 41

(7)

vii

2.3.3 L’économie familiale ... 46

2.3.4 Les communication communities ... 48

Conclusion ... 52

Chapitre 3 Québec et Manchester : au cœur du continent nord-américain ... 54

3.1 De part et d’autre de la frontière : des sociétés en mouvement ... 55

3.1.1 Avènement et consolidation du capitalisme industriel ... 56

3.1.2 L’émigration vers la Nouvelle-Angleterre ... 60

3.1.3 L’identité canadienne-française par-delà les frontières québécoises : le rôle des institutions ... 64

3.1.4 Femmes et enfants au sein de l’économie familiale ouvrière ... 70

3.2 Vivre à Québec et vivre à Manchester ... 78

3.2.1 Québec : berceau de l’Amérique française ... 78

3.2.2 Manchester : berceau de l’industrialisation nord-américaine ... 84

Conclusion ... 88

Chapitre 4 Questions, hypothèses et méthodologie ... 90

4.1 Questions générales et spécifiques et hypothèses de recherche ... 91

4.2 Corpus, sources et variables ... 93

4.2.1 Un corpus unique : comparaison des villes de Québec et de Manchester (1880-1911) ... 93

4.2.2 Les recensements anciens : une source de données prisée en histoire sociale ... 97

4.2.3 Une analyse de la fécondité à partir des recensements anciens : variables et opérationnalisation ... 103

4.3 Les limites d’un tel corpus et les difficultés engendrées par la comparaison ... 119

4.4 Les méthodes d’analyse ... 121

Chapitre 5 Fécondité effective dans le contexte nord-américain. Tendances générales et spécifiques…… ... 123

5.1 Tendances de fécondité effective au Canada et en Nouvelle-Angleterre ... 124

5.1.1 Tendances générales de fécondité à l’échelle nord-américaine. ... 124

5.1.2 Tendances canadiennes-françaises à l’échelle nord-américaine ... 130

5.1.3 Tendance ou tendances urbaine(s)? ... 133

5.1.4 Tendances canadiennes-françaises en milieux urbains ... 136

5. 2 Tendances spécifiques dans les villes de Québec et de Manchester ... 139

(8)

viii

5.2.2 La fécondité effective des Canadiennes françaises selon le groupe d’âge ... 142

5.2.3 Selon le nombre d’enfants de moins de cinq ans présents au sein du ménage ... 146

Conclusion ... 147

Chapitre 6 Reproduction familiale canadienne-française à Québec et à Manchester : économie familiale et fécondité effective. ... 149

6.1 Caractéristiques des populations canadiennes-françaises et de l’économie familiale dans les villes de Québec et de Manchester ... 150

6.1.1 Selon les caractéristiques des hommes ... 150

6.1.2 Selon les caractéristiques des femmes ... 153

6.1.3 Selon les caractéristiques des enfants ... 158

6.2 Économie et reproduction familiales : tendances de fécondité effective canadiennes-françaises selon les caractéristiques des hommes, des femmes et des enfants ... 164

6.2.1 Fécondité effective selon les caractéristiques du mari ... 165

6.2.2 Fécondité effective selon les caractéristiques des femmes ... 170

6.2.3 Fécondité effective selon l’occupation des enfants ... 179

Conclusion ... 182

Chapitre 7 Analyse multivariée de la fécondité effective canadienne-française à Manchester et à Québec, 1880-1911... 185

7.1 La régression logistique comme méthode d’analyse ... 186

7.2 Modèles d’analyse ... 188

7.3 Résultats de l’analyse multivariée ... 191

7.3.1 Ce que nous révèlent les modèles d’économie politique (modèles 1 et 2) ... 192

7.3.2 Ce que nous révèlent les modèles d’économie familiale (modèles 3 et 4) ... 197

7.3.3 Ce que nous révèlent les modèles des communication communities (modèles 5 et 6) ... 203

7.4 Quelles tendances à l’issue de la comparaison dans le temps et dans l’espace? ... 206

7.4.1 Paradigmes d’économie politique et d’économie familiale : l’influence de l’industrialisation sur la fécondité effective de part et d’autre de la frontière ... 206

7.4.2 Paradigme des communication communities : l’influence combinée des facteurs matériels et culturels ... 208

7.5 Discussion et conclusion ... 210

(9)

ix

Bibliographie ... 229

Annexe 1 Identification des Canadiens français ... 247

Annexe 2 Création de la relation au chef de ménage, recensement 1881 ... 249

Annexe 3 Fécondité effective selon le groupe ethnoreligieux (ou groupe ethnique) ... 251

Annexe 4 Nombre d’enfants propres (0-4 ans) par femme ... 253

Annexe 5 Statut socioprofessionnel des hommes (statut indéterminé et chef de ménage) ... 254

Annexe 6 Filles et garçons (6 à 18 ans) « inactifs » ... 257

Annexe 7 Occupation des enfants (13 à 15 ans) selon la catégorie socioprofessionnelle du père ... 259

Annexe 8 Fécondité effective selon la catégorie socioprofessionnelle et le statut d’emploi du mari .. 260

Annexe 9 Modèle 1 de régression logistique ... 261

Annexe 10 Modèle 2 de régression logistique ... 263

Annexe 11 Modèle 3 de régression logistique ... 264

Annexe 12 Modèle 4 de régression logistique ... 268

Annexe 13 Modèle 5 de régression logistique ... 272

(10)

x

Liste des tableaux

Tableau 4.1 : Liste des informations disponibles employées directement ou ayant servi à la construction des variables dérivées selon l’année de recensement ... 110 Tableau 5.1 : Ratios enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage au Canada

et en Nouvelle-Angleterre, par provinces et États, 1880-81 et 1910-11. ... 125 Tableau 5.2 : Ratios enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage au Canada

et en Nouvelle-Angleterre chez les populations canadiennes-françaises, par provinces et

États, 1881, 1910 et 1911. ... 132 Tableau 5.3 : Ratios enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage au Canada

et en Nouvelle-Angleterre, pour certaines villes, 1880-81 et 1910-11. ... 134 Tableau 5.4 : Ratios enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage au Canada

et en Nouvelle-Angleterre chez les populations canadiennes-françaises, pour certaines villes, 1880-81 et 1910-11... 137 Tableau 5.5 : Ratios (standardisés) enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de

ménage selon les trois principaux groupes à Québec (ethno-religieux) et à Manchester

(ethniques), 1880-81 et 1910-11. ... 142 Tableau 6.1 : Proportions d'hommes selon le statut d'emploi, chez les hommes canadiens-français

âgés de plus de 15 ans et chez les hommes chefs de ménage mariés à des femmes

canadiennes-françaises âgées entre 15 et 49 ans, Manchester et Québec, 1910-11. ... 153 Tableau 6.2 : Proportions des femmes canadiennes-françaises qui déclarent un emploi au

recensement selon l'âge, le statut matrimonial et la structure démographique de la famille,

Québec et Manchester, 1880-81 et 1910-11. ... 154 Tableau 6.3 : Proportions des femmes canadiennes-françaises âgées de 15 ans et plus sachant lire et

écrire, Québec et Manchester, 1871, 1880, 1910 et 1911. ... 158 Tableau 6.4 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon la catégorie socioprofessionnelle du mari, Manchester et Québec 1880-81 et 1910-11. ... 166 Tableau 6.5 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon le statut d’emploi du mari, Manchester et Québec, 1910-11. ... 169 Tableau 6.6 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon le fait de déclarer un emploi ou non, Manchester et Québec, 1880-81 et

1910-11. ... 171 Tableau 6.7 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon le fait de déclarer un emploi par les femmes et l’occupation

socioprofessionnelle du mari, Manchester et Québec, 1880-81 et 1910-11. ... 173 Tableau 6.8 : Ratios enfants-femme âgée canadienne-française entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon le fait d’être alphabétisée ou non, Manchester et Québec, 1880, 1910-11. ... 175 Tableau 6.9 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon le fait d’être une migrante ou d’être née aux États-Unis à Manchester ou

d’habiter la ville de Québec, 1880-81 et 1910-11. ... 176 Tableau 6.10 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef

de ménage selon la différence d'âge entre les époux, Manchester et Québec, 1880-81 et

(11)

xi

Tableau 6.11 : Ratios enfants-femme canadienne-française âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage selon le fait d’être mariée à un Canadien français ou non, Manchester et Québec,

1880-81 et 1910-11... 179

Tableau 6.12 : Ratios enfants-femmes chez les Canadiennes françaises âgées entre 30 et 49 ans qui ont au moins un enfant selon l’âge considéré (13, 14 ou 15 ans) en fonction de l’occupation déclarée par l’enfant et le genre de l’enfant, Manchester et Québec, 1880-81... 181

Tableau 7.1 : Pourcentages des femmes canadiennes-françaises âgées entre 15 et 49 ans et mariées au chef de ménage selon les trois variables dépendantes retenues (nombre d’enfants âgés entre 0 et 4 ans présents au sein du ménage), Manchester et Québec, 1880-1911. ... 187

Tableau 7.2 : Listes des variables indépendantes intégrées au sein de chacun des six modèles de l’analyse multivariée... 188

Tableau 7.3 : Synthèse de l’analyse multivariée des modèles 1 et 2 (économie politique). ... 195

Tableau 7.4 : Synthèse de l’analyse multivariée du modèle 3 (occupation des filles). ... 199

Tableau 7.5 : Synthèse de l’analyse multivariée du modèle 4 (occupation garçons). ... 201

(12)

xii

Liste des graphiques

Graphique 1-1 : Taux global de fécondité générale au Canada et au Québec, 1851-1961. ...14 Graphique 1-2 : Taux brut de natalité au Canada, au Québec et aux États-Unis, 1851-1961. ...15 Graphique 5-1 : Ratios enfants-femme mariée au chef de ménage par groupes d’âge des femmes,

par État, Nouvelle-Angleterre, 1880. ... 128 Graphique 5-2 : Ratios enfants-femme mariée au chef de ménage par groupes d’âge des femmes,

par État, Nouvelle-Angleterre, 1910. ... 128 Graphique 5-3 : Ratios enfants-femme mariée au chef de ménage par groupes d’âge des femmes,

par province, Canada, 1881. ... 129 Graphique 5-4 : Ratios enfants-femme mariée au chef de ménage par groupes d’âge des femmes,

par province, Canada, 1911. ... 129 Graphique 5-5 : Ratios enfants-femme (canadienne-française et mariée au chef de ménage) par

groupes d'âge à Québec, à Manchester, au Québec et au New Hampshire, 1880 et 1881. ... 143 Graphique 5-6 : Ratios enfants-femme (canadienne-française et mariée au chef de ménage) par

groupes d'âge à Québec, à Manchester, au Québec et au New Hampshire, 1910 et 1911. ... 145 Graphique 5-7 : Proportions des femmes canadiennes-françaises âgées entre 15 et 49 ans et

mariées au chef de ménage selon le nombre d'enfants propres de moins de cinq ans

recensés dans le ménage, Québec et Manchester, 1880-1911. ... 147 Graphique 6-1 : Proportions d'hommes canadiens-français âgés de plus de 15 ans selon le statut

socioprofessionnel, Québec et Manchester, 1880-81 et 1910-11. ... 151 Graphique 6-2 : Pourcentages des filles et des garçons âgé-e-s entre 6 et 18 ans fréquentant l’école

au sein de la population canadienne-française, Manchester et Québec, 1880-81. ... 159 Graphique 6-3 : Pourcentages des filles et des garçons âgé-e-s entre 6 et 18 ans fréquentant l’école

au sein de la population canadienne-française, Manchester et Québec, 1910-11. ... 159 Graphique 6-4 : Pourcentages des filles et des garçons âgé-e-s entre 6 et 18 ans qui déclarent un

(13)

xiii

Liste des cartes

Carte 1 : Poids de la population canadienne-française au sein de plusieurs villes

(14)

xiv

Remerciements

Cette thèse est le fruit d’un grand nombre d’années de travail. Que toutes les personnes qui m’ont conseillée, soutenue et encouragée trouvent ici l’expression de mes plus sincères remerciements. Je tiens d’abord à remercier mon directeur, Monsieur Richard Marcoux, et ma co-directrice, Madame Lisa Dillon, qui m’ont guidée et appuyée sans réserve tout au long de la réalisation de cette thèse. Je remercie Richard Marcoux pour son accompagnement intellectuel, son intérêt marqué pour mes recherches et sa très grande générosité à mon égard. L’accomplissement intellectuel et personnel que constitue cette thèse fut possible grâce aux qualités exceptionnelles de mentor de Richard. Comme directeur de thèse, il m’a transmis sa passion pour la recherche. C’est, à mes yeux, son legs le plus précieux. Comme directeur de l’ODSEF, il m’a donné l’opportunité d’élargir mes horizons de recherche, ce qui a indéniablement stimulé et enrichi mon parcours de doctorante. Comme co-directeur du programme de recherche Population et histoire sociale de la ville de Québec (PHSVQ), il m’a fait découvrir un univers de recherche des plus fascinants. J’exprime également ma reconnaissance à Lisa Dillon dont le parcours intellectuel m’a grandement inspirée, et ce, dès l’élaboration de ce projet. Ses grandes qualités intellectuelles et personnelles ainsi que son appui sans cesse renouvelé dans la rédaction de cette thèse ont contribué à ma formation scientifique. Mes deux directeurs m’ont témoigné une totale confiance dans la conduite de ce projet. Le chemin fut long, mais je suis convaincue que c’était la voie la plus riche d’enseignement. Ils le savaient bien avant moi. Je les remercie tous les deux de m’avoir donné toute la latitude nécessaire pour tracer ce parcours unique.

Mes remerciements vont également à Monsieur Marc St-Hilaire, co-directeur du Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), co-directeur du programme de recherche Population et histoire sociale de la ville de Québec et membre du jury. Marc a été à toute fin pratique le « troisième directeur » de cette thèse. Son appui indéfectible à ce projet s’est traduit au fil des années par de nombreux conseils méthodologiques, par de multiples échanges sur l’histoire urbaine et par le partage d’une réelle passion pour l’étude des populations du passé. Que ces quelques mots puissent témoigner de ma profonde gratitude à son égard.

Je remercie Messieurs Daniel Mercure et Chad Gaffield, membres du jury, pour l’ensemble de leurs observations sur cette thèse et sur ses conclusions. Ce fut un réel honneur d’initier avec vous la réflexion qui guidera la suite de mes travaux de recherche en sociologie historique.

Un merci tout spécial à Myriam Ouellet qui m’a aidée à terminer la saisie de mon corpus de données. Myriam s’est investie avec rigueur et minutie dans la poursuite d’un projet qui m’était cher. Encore une fois, merci beaucoup.

Merci à tous mes ami-e-s et collègues du CIEQ qui, au fil des huit années qu’a duré mon parcours de doctorante, ont collaboré, toutes et tous à leur façon, à cette thèse. Le CIEQ, c’est ma famille intellectuelle. C’est là où j’ai grandi comme chercheuse. Je remercie tout particulièrement l’équipe professionnelle du CIEQ pour leur enseignement et leur soutien intellectuel et technique : merci à Émilie Lapierre Pintal, Laurent Richard, Philippe Desaulniers, Mélanie Lanouette et Étienne Rivard.

(15)

xv

Merci à Marilyne et Marie-Laurence pour le travail d’équipe qui dépasse les frontières disciplinaires. Je désire également souligner l’appui des co-directeurs CIEQ, Brigitte Caulier, Donald Fyson et Marc St-Hilaire, tout au long de mes études doctorales.

Merci également à mes professeurs, collègues et ami-e-s du département de sociologie pour avoir partagé avec moi le quotidien de la rédaction avec ses hauts et ses bas : Pierre St-Arnaud (qui n’a jamais cessé d’être là, j’en suis certaine), Sylvie Lacombe, Charles Fleury, Marie-Pierre Bourdages-Sylvain et Baptiste Beck.

Je remercie aussi chaleureusement celles et ceux qui ont partagé mon quotidien dans les locaux de l’ODSEF. Vous êtes nombreux à avoir contribué à briser l’isolement qu’entraîne la rédaction d’une thèse.

Un remerciement particulier va à Hélène Vézina. Hélène, plus que quiconque, a partagé avec moi l’articulation de toutes les facettes de ma vie de chercheuse, de femme et de mère. Son amitié et ses encouragements soutenus ont contribué à l’achèvement de cette thèse.

Je remercie également le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF) et le Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ) pour le soutien financier qui m’a permis de réaliser cette thèse.

Je désire exprimer toute ma reconnaissance à ma famille et à mes ami-e-s. Je remercie profondément mes parents, Linda et Yvon, ainsi que mes beaux-parents, Ruth et Pierre, qui m’ont appuyée sans réserve dans mes études et dans ma vie familiale. Alexia et Marie-Hélène, sans toujours trop comprendre ce que je faisais, vous m’avez toujours écoutée, conseillée et n’avez jamais manqué de me changer les idées lorsque j’en avais besoin. Merci aussi à Colette, Élisabeth et Mariette qui, chacune à leur façon, m’ont aidée dans la réalisation de cette thèse.

Enfin, mes remerciements les plus sincères vont aux quatre hommes de ma vie : à Charles, pour son amour inconditionnel et pour avoir cru en la valeur et le bien-fondé de ce très long projet; à François, Philippe et Simon, pour leur présence qui est une source de bonheur quotidien et laquelle fut également une source d’inspiration et de motivation à compléter cette thèse. À tous les quatre, je vous suis extrêmement reconnaissante.

(16)

Introduction générale

“The idea of a neatly socially graded single event should be replaced by the picture of many geographically and chronologically disparate processes occurring in distinct contexts and for different reasons.” Simon Szreter, 1996 : 364

Les changements démographiques survenus au cours de la seconde moitié du XIXe siècle ont à coup sûr

marqué l’Occident. L’une des composantes qui a le plus retenu l’attention est sans contredit le déclin généralisé de la fécondité. Certains auteurs le qualifient de « révolution silencieuse » (Praz, 2005) et d’autres de « Quiet Revolution » (Gillis et collab., 1992). Au Québec, cette seconde expression est déjà consacrée à une toute autre période de grands bouleversements sociaux et identitaires, soit celle des années 1960. Comment dès lors qualifier cette période qui, du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle,

fut le théâtre de transformations économiques, démographiques et sociales accompagnées par de vastes mouvements de population à l’échelle nord-américaine?

Cette thèse propose des nouvelles pistes de réflexion afin de comprendre les mutations du tournant du siècle dernier. En comparant les comportements reproducteurs canadiens-français dans le contexte nord-américain entre 1880 et 1911, elle s’inscrit au sein d’un courant de recherche qui vise à analyser les comportements de fécondité en tant que phénomène social complexe dont l’étude des principales transformations relève d’une analyse du changement social (Gaffield, 1991; Bouchard, 1996; Szreter, 1996; McQuillan 1999; Beaujot, 2000; Praz, 2005; Gauvreau et collab., 2007a; Marcoux et St-Hilaire, 2008; Marcoux, 2009; Olson et Thornton, 2011). Son objectif est d’élargir l’espace-temps des recherches déjà menées sur la fécondité canadienne-française et québécoise afin d’illustrer la variation des comportements de fécondité effective chez les différents groupes canadiens-français, avant que ne s’enclenche une tendance à la baisse dans les années 1920 (Gauvreau et collab., 2007a). Ainsi, elle met en lumière les mécanismes à partir desquels s’opère un processus de différenciation des comportements reproducteurs au tournant du XXe siècle.

Au Québec, les travaux de Gauvreau et collab. (2007a) ont démontré que les comportements reproducteurs des Canadiens français étaient variés dès le début du XXe siècle, contrairement à l’idée fortement – encore

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clérico-2

nationalistes de la Survivance ou de la Revanche des berceaux ont marqué tout un imaginaire collectif en associant la survie de la nation canadienne-française aux familles nombreuses. Depuis maintenant plus de vingt ans, les chercheurs en démographie historique (Gauvreau et collab., 2007a; Gossage 1999b; Marcoux, 2010) et en histoire sociale (Bouchard et Lalou, 1993) ont déboulonné les mythes de ces discours totalisants.

Globalement, le caractère évolutionniste de la transition démographique est également remis en question (Greenhalgh, 1996; Szreter, 2011). Selon le schéma de la transition démographique, diffusé dans le contexte de l’après-guerre, les régimes démographiques seraient tous marqués par de hauts taux de mortalité et de fécondité dont l’équilibre serait rompu, d’abord, par la baisse de la mortalité et recouvré, ensuite, par la baisse de la fécondité. Cette idée, qu’un seul et même tracé puisse permettre de conceptualiser les variations de l’ensemble des régimes démographiques, fut réfutée par de nombreux travaux empiriques, de nature historique et contemporaine. Conséquemment, la recherche des facteurs associés au démarrage de la transition, longtemps caractérisée par la polarisation entre les explications centrées sur les facteurs matériels et celles centrées sur les facteurs culturels, est depuis tout autant remise en question. Se pose ainsi le défi des approches conceptuelles de type institutionnel qui visent à mettre en évidence l’impact de l’articulation des différentes composantes sociales (matérielles et culturelles) sur les transformations en matière de reproduction, lesquelles sont partie prenante des changements de régime démographique.

Dans la foulée de ces constats empiriques et de ce renouvellement épistémologique de la recherche sur les comportements reproducteurs, cette thèse compare la fécondité effective canadienne-française en 1880-1881 et en 1910-1911 afin de saisir les forces de changement et de continuité en cours au tournant du XXe

siècle. Dans cette perspective, nous avons opté pour une analyse de type institutionnel qui vise à circonscrire l’articulation entre les modes de production et les modes de reproduction. Dans le contexte de l’implantation et de la consolidation du capitalisme industriel à l’échelle nord-américaine, cette étude a pour objectif de cerner les rapports sociaux qui en sont tributaires. Par quels comportements individuels et collectifs ces grands bouleversements structuraux se sont-ils traduits à l’échelle des communautés? En d’autres termes, comment les individus ont-ils adapté leurs comportements reproducteurs face aux conditions matérielles environnantes? Dans cette perspective, les logiques reproductives sont considérées comme étant issues de l’imbrication des éléments matériels et des éléments culturels. Quels étaient les rôles des hommes, des femmes et des enfants au sein de l’économie familiale? C’est précisément à travers

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3

les rapports de genre et de génération que nous en circonscrivons les contours de manière à mettre en évidence les particularités et les singularités des modes de reproduction canadiens-français.

Cette thèse tire profit de l’exploitation des manuscrits des recensements anciens, canadiens et américains, de 1880, 1881, 1910, 1911. D’une très grande richesse, les microdonnées de recensement fournissent des renseignements sur l’ensemble de la population : hommes, femmes, jeunes, adultes, travailleurs, inactifs, etc. Qui plus est, la recension des individus est faite à l’échelle des ménages ce qui, dans le cadre d’une analyse des rapports sociaux, confère à cette source un intérêt tout particulier pour une analyse de la reproduction familiale.

L’étude du Canada français au XIXe siècle ne peut faire fi de ce que d’aucuns qualifient comme étant le

phénomène le plus marquant de son histoire : l’émigration massive vers la Nouvelle-Angleterre (Faucher, 1961)0F

1. Plus de 900 000 personnes franchissent la frontière vers le sud en quête d’une vie meilleure entre

1830 et 1930 (Lavoie, 1981). Depuis plus de 150 ans, le sujet a retenu beaucoup d’attention, et il en retient encore. Nul autre que Lord Durham, dans son désormais très célèbre rapport, faisait état des Canadiens français qui s’exilaient au-delà de la frontière (Roby, 2000; Weil, 1989). Les perspectives d’étude sur le sujet sont néanmoins des plus variées. De simples tentatives de mesurer l’ampleur du phénomène au milieu du XIXe siècle, à celles qui identifièrent précisément qui étaient ces migrants et pourquoi ils quittaient, parfois

dans le but de les convaincre de revenir au Québec, parfois sur un ton nationaliste des plus acrimonieux, les préoccupations sont devenues davantage analytiques, un peu plus détachées, dès les années 1960. Ce sont essentiellement les essais de mesure, de quantification et d’identification des sources (Vicero, 1971) qui ont d’abord caractérisé les premières études scientifiques sur le sujet. L’incontournable thèse de Ralph D. Vicero (1968) est sans doute le plus illustre exemple aux côtés des travaux de Yolande Lavoie (1972, 1973, 1980 et 1980). Certaines études de cas de communautés et de villes ont été réalisées afin de saisir dans une perspective globale la réalité des Canadiens français installés en Nouvelle-Angleterre (Early, 1979; Frenette, 1988) et aussi dans le Mid-Ouest américain (Lamarre, 2000). En tant qu’important groupe d’immigrants, ils ont également fait l’objet d’étude portant sur les mécanismes et les impacts de l’industrialisation en Nouvelle-Angleterre (Hareven et Langenbach, 1978; Hareven, 1982; Lamphere, 1987). Certains essais ont quant à eux servi à lier le migrant canadien-français à sa terre natale et à sa terre d’accueil (Ramirez et Lamarre, 1985). Bruno Ramirez (2003) a brillamment mis en évidence les différents

1 Citation sur laquelle mettent beaucoup d’emphase les grands spécialistes de l’histoire des Canadiens

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4

parcours migratoires des Canadiens français vers la Nouvelle-Angleterre. Dans la foulée des travaux de ce dernier, l’ouvrage de Yukari Takai (2008) met en évidence que la migration revêt des formes et des significations différentes chez les femmes et chez les hommes en adoptant un angle de recherche jusque-là relativement peu abordée : la différenciation des parcours féminins et masculins. C’est là une perspective forte d’inspiration pour le projet que nous esquissons. Enfin, il y a des ouvrages synthèses de l’expérience canadienne-française en Nouvelle-Angleterre, comme ceux de Frenette (1998) et de Roby (2000), ainsi qu’à l’échelle continentale, comme celui de Frenette, Rivard et St-Hilaire (2012), qui sont d’illustres exemples de recherche sur le sujet.

Cette thèse aborde le phénomène sous un angle différent. Elle circonscrit l’analyse autour de la reproduction familiale. Elle fait des liens qui unissent les hommes, les femmes et leurs enfants le point nodal de la comparaison des comportements de fécondité. Elle montre que les Canadiens français n’avaient pas des comportements reproducteurs similaires d’un bout à l’autre de l’Amérique du Nord. La comparaison des populations qui habitent deux villes situées de part et d’autre de la frontière met en évidence les conditions spécifiques (contraintes et opportunités) associées à de multiples logiques reproductives. Les villes de Québec (province de Québec, Canada) et de Manchester (New Hampshire, États-Unis) ont été ici prises comme témoins. Cette thèse suggère que l’industrialisation a joué un rôle de différenciation au sein du Canada français au tournant du XXe siècle. Elle a ainsi constitué un vecteur de changement social par le

biais des transformations de l’articulation entre les modes de production et les modes de reproduction.

Sept chapitres composent cette thèse. Au premier chapitre sont présentés les éléments de problématique qui ont mené au développement d’une l’analyse des comportements de fécondité au tournant du XXe siècle

et à la comparaison des villes des Québec et de Manchester.

Le second chapitre trace un portrait des principales théories et concepts pour une analyse des comportements de fécondité. Y sont présentés de manière détaillée les paradigmes d’économie politique, d’économie familiale et des communication communities à partir desquels nous avons balisé d’un point de vue conceptuel notre analyse de la reproduction familiale tant en amont, lors de l’élaboration du projet, qu’en aval, lors de l’interprétation et de la discussion des résultats.

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5

Le troisième chapitre porte sur le contexte socio-économique nord-américain au tournant du XXe siècle. Le

lecteur y trouvera une présentation à deux niveaux. D’une part, les principaux éléments économiques, démographiques et sociaux qui transcendent les frontières nationales et régionales sont mis en évidence de manière à illustrer le caractère continental des conditions de vie des habitants et des habitantes des deux villes. D’autre part, les particularités locales des villes de Québec et de Manchester sont présentées de manière détaillée afin de replacer les modes de reproduction familiale dans le contexte institutionnel qui leur est propre.

Le quatrième chapitre est centré autour des questions de recherche, générale et spécifiques, et de la méthodologie. À la lumière des éléments de problématique, des concepts retenus et des éléments historiographiques présentés (chapitres 1 à 3), le choix des corpus de données censitaires et leur opérationnalisation sont justifiés et détaillés.

Les premiers éléments d’analyse descriptive sont présentés au cinquième chapitre. Dans un premier temps, un portrait général de la fécondité effective à l’échelle nord-américaine est tracé. C’est à partir de ces tendances générales que sont cadrées les tendances canadiennes-françaises à l’échelle continentale. Dans un second temps, ce sont les tendances spécifiques des comportements reproducteurs au sein des villes de Québec et de Manchester qui sont scrutées. L’objectif de ce chapitre est de circonscrire les principales tendances différentielles en matière de fécondité entre les deux villes de manière à orienter plus spécifiquement l’analyse de la reproduction familiale canadienne-française.

Le sixième chapitre repose sur la présentation des traits distinctifs de la reproduction familiale canadienne-française dans les villes de Québec et de Manchester. Les principales caractéristiques des économies familiales et leurs transformations entre 1880 et 1911 sont d’abord mises en évidence d’un point de vue descriptif. Ensuite, l’association entre les vecteurs de l’économie familiale et les comportements de fécondité constitue l’objet de l’analyse. Un examen des caractéristiques des hommes, des femmes et des enfants vise à montrer comment s’articulent la production et la reproduction au sein des ménages.

Enfin, le septième chapitre propose une interprétation globale de l’articulation des sphères de la production et de la reproduction à partir d’analyses multivariées. À partir de modèles conçus au carrefour des

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6

paradigmes d’économie politique, d’économie familiale et des communication communities, la thèse met en exergue l’influence conjointe des facteurs matériels et culturels sur la fécondité canadienne-française à partir d’une analyse des rapports de genre et de génération.

En somme, les pages qui suivent sont le produit d’une réflexion, toujours en cours, sur les rôles dévolus aux hommes, femmes et enfants dans le passé et sur la manière dont le quotidien de chacun est lié à de grandes transformations sociales.

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7

Chapitre 1 Famille, fécondité et rapports de

genre au Canada français : éléments de

problématique

Depuis les travaux pionniers portant sur la natalité au Canada, au sein desquels la natalité canadienne-française y trouve une place toute particulière (Charles, 1948; Henripin, 1968), plus d’un demi-siècle de recherche a permis de mieux circonscrire les comportements en matière de fécondité depuis les origines du peuplement jusqu’à aujourd’hui. Quelques synthèses résument et interprètent les tendances en matière de fécondité au Québec depuis le tournant du siècle dernier. Dans un ouvrage collectif couvrant chacune des sphères de la démographie québécoise pour tout le XXe siècle (Piché et Le Bourdais, 2003), Évelyne

Lapierre-Adamcyk et Marie-Hélène Lussier (2003) tracent les grands traits du passage d’un régime de forte fécondité à une faible fécondité, ou encore à une fécondité désirée. Elles mettent en lumière la baisse constante de la fécondité, c’est-à-dire le passage de 5 à 1,6 enfants par femme du début à la fin du XXe

siècle et identifient, d’une manière diachronique, trois périodes charnières correspondant à autant de régimes distincts de fécondité. Plus récemment, Danielle Gauvreau, Diane Gervais et Peter Gossage (2007) ont publié sous le titre « La fécondité des Québécoises 1870-1970. D’une exception à l’autre » les fruits d’une dizaine d’années de recherche sur le sujet où ils sont parvenus à circonscrire, de manière synchronique, plus d’une transition de la fécondité au sein de la population québécoise. Mettant l’accent sur le fait que, globalement, la fécondité des Québécoises est passée d’un extrême à l’autre, ces deux synthèses jettent un éclairage sur les différents parcours qui ont pu mener à un tel dénouement.

Ainsi, bien qu’aujourd’hui le Québec soit reconnu pour son faible taux de fécondité, le Québec d’autrefois porte davantage l’étiquette de « terroir fertile ». Bouchard et Lalou (1993), dans un article portant sur ce qu’ils nomment la « surfécondité » des couples québécois - communément désignée par l’expression « revanche des berceaux » - ont quant à eux relativisé le « retard » avec lequel s’est opéré le changement de régime démographique au Québec comparativement au reste du Canada. Si, comparée à celle de l’Ontario (Beaujot, 2000) et à celle d’autres pays européens (Gauvreau et collab., 2007a), la fécondité des Québécoises fut en général plus élevée, il n’en demeure pas moins qu’au Canada et même aux États-Unis, celles-ci n’ont pas toujours été les plus fécondes (Little, 1990; Bouchard et Lalou, 1993; Wilcox et Golden, 1982; Marcoux, 2010).

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8

Force est de constater que l’image d’une population homogène - ce que l’on qualifie parfois par l’expression « tissée serrée » - caractérisée par un mode de reproduction spécifique fut davantage l’apanage des discours des élites (Gauvreau et collab., 2007a; Gossage et Gauvreau, 1999) qu’une réalité typiquement canadienne-française. Cette image est depuis plus de trente ans remise en question (Lavigne, 1983; Gossage, 1999b; Gauvreau et Gossage, 2001; Levine et Savoie, 2005; Gauvreau et collab., 2007a).

Bouchard et Lalou (1993) mettent en évidence deux phénomènes qui ont grandement affecté la société québécoise au moment où la fécondité demeure stable et élevée comparativement aux tendances canadiennes et mondiales : l’émigration des Canadiens français vers les États-Unis et l’urbanisation. Ils avancent deux hypothèses :

Se peut-il que ce mouvement migratoire ait drainé des couples un peu plus aventuriers, un

peu moins attachés aux traditions et aux valeurs locales – ceux-là mêmes qui, s’ils étaient

restés, se seraient davantage adonnés à la contraception que les populations les plus sédentaires laissées derrière eux? […] N’est-il pas remarquable qu’ici aussi, l’écart entre le Québec et l’Ontario se creuse durant le dernier tiers du XIXe siècle? Cette coïncidence devrait

attirer l’attention sur les ressorts de l’industrialisation québécoise, sur le processus de formation des populations urbaines et sur ses caractéristiques (Bouchard et Lalou, 1993 : 33).

Quant à Gauvreau et collab. (2007a), ils soulignent l’enchevêtrement des différentes composantes du régime démographique québécois en regard des tendances plus spécifiques de la fécondité. Ils se questionnent tout particulièrement sur l’émigration canadienne-française et écrivent :

Les émigrants à destination des États-Unis ont-ils préféré partir plutôt qu’emprunter la voie de la limitation des naissances? Une fois installés aux États-Unis, ont-ils adopté des comportements contraceptifs plus récemment que leurs compatriotes demeurés au Québec? (Gauvreau et collab., 2007a : 40)

Dans la mesure où l’émigration canadienne-française atteint son apogée entre les décennies 1880 et 1910 (Lavoie, 1973 et 1981) et que d’importantes communautés canadiennes-françaises se sont érigées à

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9

l’extérieur du Québec (Weil 1989; Roby, 2000), observe-t-on, à l’échelle nord-américaine, une hétérogénéité des comportements reproducteurs chez les Canadiens français au tournant du XXe siècle?

1.1

D’une perspective macrosociologique à une perspective de

type institutionnel

À partir des années 1920, moment où s’accélère et se généralise le déclin de la fécondité en Occident, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, maintes explications de type macrosociologique sont avancées afin d’expliquer ce que d’aucuns nomment la transition démographique (Notestein, 1945). Deux paradigmes sont mis en opposition : économie et culture. D’un côté, le développement social et économique est perçu comme une condition préalable au déclin de la fécondité (adaptation), alors que de l’autre, ce sont les comportements démographiques qui, modifiés par la diffusion de valeurs nouvelles, rendent possible le développement économique et social (diffusion). Ayant tenu le haut du pavé, plusieurs de ces paradigmes macrosociologiques ont néanmoins été remis en question à partir des années 1970 (Szreter, 1993, 1996, 2011; Piché et Poirier, 1990, 1995; Greenhalgh, 1996). L’accumulation d’études de cas, propulsées notamment par les travaux de l’École de Princeton, a permis de mettre au grand jour tant la pluralité des scénarios en matière de changement de comportements de fécondité que la multiplicité des facteurs explicatifs en matière de déclin – ou non – de la fécondité.

Dans le cas particulier de la fécondité canadienne-française, les modèles explicatifs s’appuyant sur des indicateurs macrosociologiques, tels que l’industrialisation, l’urbanisation, l’éducation et la religion (dont l’influence combinée à celle de l’ethnicité fut cristallisée par l’expression « revanche des berceaux »), ne permettent pas de rendre pleinement compte du retard avec lequel s’est opéré le changement de régime démographique au Québec. Considérés avec un trop grand degré de généralisation et d’agrégation, ces indicateurs ne nous révèlent que très peu d’indices sur les véritables mécanismes du déclin de la fécondité et peuvent occulter certains éléments utiles à la compréhension du phénomène. Plusieurs chercheuses d’inspiration féministe ont, à partir des années 1980, mis en évidence l’absence de considération pour l’expérience vécue par les femmes au sein de l’analyse des régimes démographiques (Folbre, 1983; Lavigne, 1983; MacKinnon, 1995).

(25)

10

On se demande rarement pourquoi tant de femmes ne se marient pas, pourquoi certains groupes de femmes ont continué à avoir des familles nombreuses, défiant ainsi les nouveaux modèles de la petite famille, et enfin pourquoi certains groupes ont quant à eux adopté le modèle dominant de la famille restreinte. (Lavigne, 1983 : 328)

Selon Gossage et Gauvreau (2007), il est davantage pertinent de parler des transitions démographiques que connurent certains groupes, certaines communautés ou certaines villes1F

2. Gauvreau et collab. (2007a)

concluent que les mécanismes par le biais desquels le déclin de la fécondité s’est opéré chez les anglophones protestants sont davantage homogènes au sein de cette communauté qu’ils ne le sont chez les francophones catholiques. Par conséquent, ils avancent que « Le caractère différentiel de la fécondité et de la mortalité est […] très accusé, ce qui complique les tentatives d’explication et rend souvent trompeur l’examen des grandes tendances à l’échelle québécoise. » (Gauvreau et collab., 2007a : 39).

Ainsi, le caractère relatif de la fécondité québécoise, tout particulièrement « singulier » dans le contexte nord-américain, appelle, toujours selon Bouchard et Lalou, à « rechercher la spécificité des structures collectives sous-jacentes » (1993 : 33). En somme, il ne s’agit plus de focaliser sur la « sur »-fécondité, mais bien sur la fécondité propre à la population canadienne-française et les mécanismes qui la conditionnent (Marcoux et St-Hilaire, 2003; Marcoux, 2010; Harton, Richard et Marcoux, 2015).

Comment dès lors expliquer le maintien ou le changement de régime démographique spécifique à certaines sous-populations au tournant du XXe siècle? Est-ce qu’un examen attentif de l’articulation des

caractéristiques structurelles et culturelles, dans ce qu’elles ont de spécifique et de global, peut éclairer les logiques sous-jacentes aux comportements reproducteurs?

2 Dans un autre ouvrage, les deux auteurs, ainsi que Diane Gervais, concluent qu’il est plus approprié de

parler des différents schémas de la transition de la fécondité au Québec dont les variations émanent de multiples facteurs (Gauvreau et collab., 2007a : 274). De leur côté, Olson et Thornton (2001), qui étudient

le cas spécifique de Montréal au XIXe siècle, avancent que la « triangulation de l’espace culturel » selon la

(26)

11

1.2 Le cas canadien-français

À la fin du XIXe siècle, de manière générale, la fécondité des Québécoises était caractérisée à la fois par

son niveau élevé et par son calendrier, c’est-à-dire par un arrêt de la maternité à des âges plus tardif. Bouchard et Lalou (1993) interprètent ce trait particulier comme étant tributaire de rapports sociaux définis en tant que rapports de co-intégration, c’est-à-dire en tant que rapports que tisse une communauté marginale avec l’univers social environnant. Ces rapports ont donc deux points d’ancrage : la communauté et la société globale. L’intérêt de cette approche est de définir la communauté comme étant « […] le siège d’une structure et d’une dynamique spécifique qu’il faut reconstituer et comprendre de l’intérieur si l’on veut saisir la rationalité économique et sociale qui en dérive […] » (Bouchard, 1996 : 129) par le biais desquelles se créent les rapports avec l’univers environnant. Bouchard (1996) mentionne que dans le cas du Québec, la « mentalité canadienne-française » a très souvent été évoquée à titre de facteur déterminant les particularités économiques et sociales et avance que « […] le modèle de la co-intégration offre un cadre d’interprétation plus large qui respecte davantage la complexité de l’objet social et de ses interactions en intégrant à l’analyse les dimensions démographiques, économiques et sociales. » (Bouchard, 1996 : 152). Ainsi dit, le modèle de co-intégration rend cohérente la coexistence du système capitaliste de production et du système pré-capitaliste de reproduction, souvent nommé système traditionnel, en outrepassant l’apparente contradiction en faisant « ressortir la rationalité pragmatique de cette coexistence ainsi que le projet social qui mobilise la société « traditionnelle » » (Bouchard, 1996 : 151). Ainsi, ce que l’on pourrait à première vue qualifier de « résistance » au changement ne se simplifie pas par un blocage des mentalités, mais relève plutôt de logiques dont les points d’ancrage structurels restent à être mis en évidence.

Il n’y a certes rien à redire sur la référence aux spécificités culturelles de ces familles paysannes, mais on a sans doute tort d’isoler le système de valeurs comme facteur explicatif principal de ce que l’on perçoit a priori comme un problème de sous-développement et un refus du capitalisme. […] Tout cela nous ramène à notre énoncé initial, selon lequel les grandes orientations des pratiques économiques, notamment lorsqu’on les considère en relation avec les modes d’intégration au marché, sont étroitement tributaires des dynamiques sociales, et plus particulièrement des systèmes de reproduction familiale auxquels elles s’articulent (Bouchard, 1996 : 146).

Force est de constater que la tendance en ce qui a trait aux études portant sur la fécondité québécoise – française, franco-catholique – est de la juxtaposer à la fécondité ontarienne, canadienne-anglaise, anglo-protestante (et parfois anglo-catholique) afin d’en circonscrire les caractéristiques

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12

différentielles (Charles, 1948; Henripin, 1968 et 1989; Gauvreau et al, 2007; Gossage et Gauvreau, 2007; Thornton et Olson, 2001 et 2011; Beaujot, 2000; Bouchard et Lalou, 1993; McInnis, 2000a). Cette facette ayant été et continuant d’être explorée, nous proposons un angle d’analyse complémentaire en focalisant sur la fécondité canadienne-française au tournant du XXe siècle

2F

3.

Plutôt que d’isoler a posteriori le facteur culturel comme élément explicatif, nous pensons, à l’instar de Bouchard (1996), qu’il est de mise de l’isoler a priori de manière à circonscrire la dynamique sociale au sein de laquelle il trouve ancrage.Dans la foulée des travaux précédemment cités, cette thèse vise à enrichir les connaissances des régimes démographiques des populations canadiennes-françaises au tournant du XXe

siècle, d’une part, et à rendre compte de la complexité des modèles explicatifs qui intègrent la notion de culture. Ainsi, dans la mesure où, à la toute fin du XIXe siècle, le Canada se situe dans la moyenne des

pays européens selon différents indices de fécondité3F

4, mais que l’Ontario apparaît à un bout du spectre et

le Québec à l’autre, nous croyons, à l’instar de McInnis (2000a), qu’il convient d’aborder séparément, et différemment, l’étude des régimes démographiques plutôt que de les comparer à l’échelle de la province. Conséquemment, nous étudions la fécondité canadienne-française en comparant le cas du Québec à celui de la Nouvelle-Angleterre, où des communautés canadiennes-françaises sont numériquement et institutionnellement bien implantées au tournant du XXe siècle (Frenette, 1998; Roby, 2000; Frenette et

collab., 2012).

Hormis par le biais de comparaisons opposant deux groupes culturellement différents, anglophones protestants et catholiques francophones par exemple, comment peut-on faire ressortir les caractéristiques propres aux divers régimes démographiques catholiques et français? En d’autres termes, la comparaison de plus d’une communauté canadienne-française permet-elle d’illustrer la pluralité des articulations de la culture canadienne-française aux modes de reproduction?

3 Derosas (2006) adopte une position identique dans son analyse de la fécondité juive. Cette dernière ayant

été abondamment comparée et qualifiée à partir de comparaisons avec d’autres groupes d’affiliations religieuses différentes, Derosas définit ainsi son principal objectif : « I will show that intra-Jewish differences could be much larger than inter-religious ones, and argue that taking them into account provides a fundamental clue to disentangling the distinctive position of European Jews in the history of fertility transition. » (Derosas, 2006 : 177)

4 McInnis (2000a : 410) présente des indices de fécondité maritale et de fécondité globale. Ceux-ci sont

(28)

13

1.3 Pourquoi s’intéresser au tournant du XX

e

siècle?

La plupart des pays industrialisés sont touchés par le déclin de la fécondité dès le dernier tiers du XIXe

siècle, et parfois bien avant comme c’est le cas notamment de la France (Bouchard et Lalou, 1993; McInnis, 2000a). L’intensité et les variations de ce déclin sont néanmoins tout aussi nombreuses entre les pays (Coale et Watkins, 1986) qu’au sein même des pays (McInnis, 2000a; Kertzer et Hogan, 1989; Praz, 2005). Le Canada n’y fait pas exception. Des différences en matière de fécondité entre les provinces sont perceptibles dès la fin du XIXe siècle (Joubert, 2013) et le début du XXe siècle (Gossage et Gauvreau,

2007). Par ailleurs, le Québec du début du XXe siècle se caractérise également par plusieurs régimes

démographiques propres à certains groupes ethno-religieux4F

5 (Gauvreau et collab., 2007a).

Les Canadiens français, groupe ethno-religieux majoritaire au Québec, ne font pas exception. Ils ont adopté divers régimes de fécondité, et ce, principalement en milieu urbain sous l’influence des migrations et des transformations matérielles induites par l’implantation et la consolidation du capitalisme industriel (Gauvreau et collab., 2007a). Néanmoins, d’un point de vue global, les Canadiennes françaises ont mis un peu plus de temps à adopter des comportements reproductifs moins natalistes. L’amorce du déclin, d’abord perceptible en milieu urbain, apparaît essentiellement au tournant des années 1920, comparativement aux Protestantes dont les manifestations du contrôle des naissances sont perceptibles à partir des dernières décennies du XIXe siècle (Gauvreau et collab., 2007a).

D’après les courbes observées dans le graphique 1, l’écart à l’origine de la « surfécondité » québécoise par rapport au reste du Canada se creuse entre 1871 et 1891. Tel que le mentionnent Bouchard et Lalou (1993), c’est au cours de ces vingt ans que le Québec semble « manquer » le virage contraceptif qui est, somme toute, dans l’air du temps5F

6. Ceux-ci vont même jusqu’à affirmer que « la spécificité de la fécondité

québécoise au XXe siècle (plus précisément jusqu’en 1955-1960) est un héritage de ces deux décennies »

(Bouchard et Lalou, 1993 : 24)6F

7 et présentent ce phénomène comme étant un « décalage dans le

calendrier de la transition démographique » (Bouchard et Lalou, 1993 : 11).

5 Olson et Thornton (2001 et 2011) le démontrent pour Montréal au tournant du siècle dernier.

6 Lavigne (1983) met également en évidence, à partir des chiffres de Henripin (1968), qu’avant 1881,

l’Ontario avait un taux global de fécondité général plus élevé que celui du Québec.

(29)

14

Graphique 1-1: Taux global de fécondité générale au Canada et au Québec, 1851-1961.

Source : G. Bouchard et R. Lalou (1993), « La surfécondité des couples québécois », Recherches sociographiques, vol 34, no 1, p.38 (Annexe 2)

À l’instar de ce qu’avance Henripin (1989), nous soulignons la particularité du tournant du XXe siècle : plutôt

que de poursuivre son déclin clairement enclenché, le taux global de fécondité semble connaître une période de stabilité. Ceci est vrai tant du Québec que du Canada, mais qui dans le premier cas perdure un peu plus longtemps7F

8. Cette période marque une pause relative entre l’amorce du déclin (dernier tiers du

XIXe siècle) et son intensification (à partir des années 1920-1930). Notons que les États-Unis connaissent

aussi une période que nous qualifierons de « ralentissement du déclin » (plutôt que de stabilité) en matière de fécondité (graphique 2).

8 Soulignons ici que McInnis (2000b) fait état du débat entourant trois chercheurs en ce qui concerne la

transition de la fécondité au Canada, soit Nathan Keyfitz, Jacques Henripin et Ellen Gee. Tous trois ne s’entendent pas sur le réel modèle de changement, mais reconnaissent cette période de relative stabilité au

cours des deux premières décennies du XXe siècle (McInnis, 2000b; Henripin, 1989).

0 50 100 150 200 250 1851 1861 1871 1881 1891 1901 1911 1921 1931 1941 1951 1961 Année Canada Québec

(30)

15

Graphique 1-2: Taux brut de natalité au Canada, au Québec et aux États-Unis, 1851-1961.

Source : G. Bouchard et R. Lalou (1993), « La surfécondité des couples québécois », Recherches sociographiques, vol 34, no 1, p.37 (Annexe 1) Note : La courbe « Canada » correspond au Canada sans le Québec.

Avec un certain décalage dans le temps et une variation d’intensité selon les différents espaces géographiques, le tournant du XXe siècle se démarque des périodes qui le précèdent et lui succèdent en

matière de fécondité globale. Cette prise en considération des taux globaux ou bruts occulte néanmoins deux phénomènes : la poursuite de la baisse de la fécondité au sein des ménages et la hausse du nombre de femmes mariées au Canada au cours des deux premières décennies du XXe siècle (McInnis, 2000b)

8F

9.

Pour le Québec, Lapierre-Adamcyk et Lussier (2003) décomposent la variation totale de la fécondité générale d’une décennie à l’autre en quatre vecteurs (distribution par âge, nuptialité, fécondité des mariages et fécondité hors mariage). Selon leurs estimations seule la baisse de la fécondité maritale a contribué à la baisse générale observée entre 1891 et 19119F

10. Nous posons l’hypothèse que sous le

couvert d’une « relative » stabilité se cachent divers changements démographiques et sociaux qui purent être à la fois concomitants et précurseurs de nouveaux comportements en matière de fécondité.

9 McInnis (2000a) avance qu’une bonne part des différences notées en regard de la fécondité générale du

Québec et du Canada, comparativement à celle de certains pays européens, est tributaire des différences relatives à la nuptialité. Qui plus est, la variabilité de l’indice de fécondité maritale entre les différents comtés, et ce tant du côté du Québec que du côté de l’Ontario, doit, selon lui, permettre de nuancer certaines conclusions hâtives et générales.

10 Dribe et Scalone (2014) mentionnent que ce phénomène est également observé en Europe par Carlsson

(1966) et par Coale et Watkins (1986). 0 10 20 30 40 50 60 1851 1861 1871 1881 1891 1901 1911 1921 1931 1941 1951 1961 Année Canada Québec États-Unis

(31)

16

Ainsi, à la suite des pistes de réflexion avancées par Bouchard et Lalou (1993), notre objectif n’est pas de mettre en évidence la « surfécondité » des Canadiennes françaises, mais de tenter d’expliquer et de comprendre ce pour quoi elles ont mis plus de temps à prendre le virage contraceptif en tentant de décortiquer les logiques reproductives à de petites échelles, c’est-à-dire en concentrant notre analyse à l’échelle des ménages, lesquels seront recadrés dans leur contexte culturel, politique, économique immédiat.

C’est pourquoi seront mises de côté les comparaisons « Québec/Ontario » ou « Américaines de souche/Irlandaises/Canadiennes-françaises » de Nouvelle-Angleterre au profit de comparaisons entre les Canadiennes françaises du Québec et celles de Nouvelle-Angleterre. Henripin (1989) avance que jusqu’aux années 1870 la fécondité des habitantes de la Nouvelle-Angleterre fut comparable à celle des Canadiennes françaises. D’après le graphique 2, nous pouvons effectivement croire que les modèles de reproduction ont pu s’ériger de manière différente de part et d’autre de la frontière à partir des dernières décennies du XIXe

siècle. Qui plus est, D. Hacker (2003) relève que la fécondité maritale des Américaines (blanches) enclenche son déclin après la Guerre civile (1861-65), plutôt que dès les premières décennies du XIXe

siècle comme ce fut longtemps avancé (Grabill, 1958), ce qui ouvre la voie à la comparaison des régimes démographiques dans le monde anglo-saxon et surtout, dans le cas qui nous intéresse, à l’échelle du continent nord-américain. Est-ce que cela fut néanmoins réellement le cas des Canadiennes françaises? Notre objectif est de recadrer l’analyse de la fécondité canadienne-française à l’échelle nord-américaine afin de jeter un éclairage sur cette question.

1.4 Analyser la fécondité en contexte urbain

Maints auteurs avancent que le déclin marqué de la fécondité des Québécoises s’est enclenché au cours des décennies des années 1920 et 1930 (Gauvreau et al, 2007a; Bouchard et Lalou, 1993), et parfois même plus tôt (Beaujot, 2000). Le caractère plus hâtif en milieu urbain est relevé par plusieurs (Henripin, 1989; Gauvreau et al, 2007a; Thornton et Gauvreau, 2002) ce qui corrobore les travaux pionniers d’Enid Charles (1944) et de Henripin et Péron (1973).

Figure

Graphique 1-1: Taux global de fécondité générale au Canada et au Québec, 1851-1961.
Graphique 1-2: Taux brut de natalité au Canada, au Québec et aux États-Unis, 1851-1961
Tableau  4.1:  Liste  des  informations  disponibles  employées  directement  ou  ayant  servi  à  la  construction des variables dérivées selon l’année de recensement
Tableau 5.1 : Ratios enfants-femme âgée entre 15 et 49 ans et mariée au chef de ménage au Canada  et en Nouvelle-Angleterre, par provinces et États, 1880-81 et 1910-11
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