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Que nous apprennent les tentatives existantes pour intégrer les enjeux de DD dans la PDQ ?

Chapitre II – Cadrage théorique

3.3 Quid de la capacité de la PDQ à soutenir la « transition durable » des quartiers urbains?

3.3.2. Que nous apprennent les tentatives existantes pour intégrer les enjeux de DD dans la PDQ ?

L’intégration des enjeux de développement durable dans la PDQ est une tendance qui peut déjà s’observer dans quelques contextes urbains occidentaux, du moins au niveau des intentions. Comme premier exemple, on peut citer la Ville de Montréal106, qui a créé le programme « Eco-quartier », par lequel elle soutient les acteurs associatifs qui réalisent sur le terrain un travail de sensibilisation des habitants, et encouragent et accompagnent les actions citoyennes en faveur du développement durable des quartiers urbains. Au total, une vingtaine d’organisations à but non lucratif (OBNL) sont reconnues en tant qu’ « éco- quartier » pour le quartier dans lequel elles opèrent, et 15 des 19 arrondissements de la ville sont couverts par ce programme. Par ailleurs, ces organisations sont reliées entre elles par l’intermédiaire du « regroupement des écoquartiers107 ». Ce modèle, qui valorise clairement les acteurs communautaires en tant que relais auprès de la population, est intéressant pour soutenir l’émergence d’une « citoyenneté écologique urbaine », en particulier dans les quartiers urbains défavorisés. Les écoquartiers engagent en effet les habitants dans l’amélioration du tri des déchets, le recyclage, la promotion de modes de consommation plus durables, l’embellissement et la végétalisation de leur quartier. Cependant, le dispositif reste largement perfectible. Sénécal (2002) observe par exemple que de nombreux enjeux globaux de la durabilité sont absents de la démarche (volet « top- down » insuffisant, cf. section précédente). En particulier, la dimension « énergie » n’est pas du tout abordée108.

106 Nous avons interviewé à ce sujet Jacques Savard (Ville de Montréal), responsable du programme Eco-Quartiers et des « tables de concertation », Nicolas Monpetit, Coordinateur du Regroupement des éco-quartiers (www.eco- quartiers.org/), Brigitte Laliberté, directrice de l’Eco-quartier Saint-Jacques, et enfin les responsables de l’Eco-quartier Sainte-Marie, en octobre 2011, à l’occasion d’un voyage d’étude consacré à la PDQ montréalaise.

107 Voir leur site internet: https://www.eco-quartiers.org

Comme autre contexte dans lequel la question de la transition durable a été intégrée dans la PDQ, on peut citer le Royaume-Uni, avec l’adoption en 2003 d’un « Sustainable Communities Plan » (cf. annexe 3 pour plus de détails), dont les principes ont été intégrés dans l’ensemble des politiques urbaines, dont la PDQ. C’est en effet à partir de ce moment que la dimension environnementale (par exemple, la qualité de l’air et la qualité des espaces verts) est intégrée dans la PDQ, qui jusque là mettait surtout l’accent sur le développement social et économique (McDonald et al, 2009 ; Séguin et Divay, 2004). Toutefois, rappelons que la PDQ anglaise a été supprimée depuis, réduisant cette dynamique à néant, du moins à l’échelle des quartiers.

A Bruxelles également, la PDQ a fait l’objet de réorientations pour intégrer la question du développement durable, sous l’impulsion de la Région bruxelloise, qui a mis en place différents dispositifs œuvrant dans ce sens : les « contrats de quartiers durables »109, l’appel à projets « quartiers verts »110 ou encore l’appel à projets « quartiers durables citoyens »111. Ce dernier encourage et soutient les initiatives citoyennes collectives en faveur de la transition durable des quartiers urbains. Cet appel annuel, qui existe depuis 2008, s’adresse aux citoyens de tous les quartiers bruxellois: les groupes candidats doivent choisir 9 activités dans un « panier de services » proposé par Bruxelles Environnement. La première activité doit servir à lancer la dynamique dans le quartier, 4 autres activités doivent être orientées vers la sensibilisation des habitants du quartiers à certains enjeux de développement durable (par exemple sous la forme de visites guidées de projets exemplaires, de conférences, etc.), et enfin les 4 dernières activités doivent servir à passer concrètement à l’action (par exemple, création d’un potager collectif, création d’une centrale d’achats de produits durables, etc.). Les groupes participants sont également libres de définir et de mener d’autres actions qui leur semblent importantes et pertinentes pour leur quartier. Par ailleurs, ces activités font l’objet d’un accompagnement de la part d’un animateur (issu d’une ASBL active dans le domaine du développement durable), qui leur apporte conseils et soutien technique. Si l’on retrouve bien dans ce modèle les deux dimensions « top-down » et « bottom-up » qui sont attendues d’une action de soutien à la transition durable, le fait que le programme fonctionne sur base d’un « appel à projets » lancé à l’échelle de la région bruxelloise peut faire craindre que les quartiers qui ont le plus besoin du soutien du programme soient en réalité les moins représentés.

En ce qui concerne la PDQ en Wallonie, et en particulier les dispositifs dépendant de la Région, rien ne semble indiquer une intention d’intégrer l’enjeu de transition durable au sein des dispositifs ZIP-QI, Rénovation urbaine et Régie de quartier. Rappelons toutefois qu’une réflexion est actuellement en cours en Wallonie, en vue d’une refonte complète de la PDQ. En ce qui concerne le dispositif qui dépendait de l’Etat fédéral (Plan Fédéral pour les Grandes Villes), son évaluation pour la période 2005-2008 a conduit à sa réorientation, à partir de 2009, vers la promotion de la « ville durable ». Pourtant, malgré cette décision, sur le terrain, les processus participatifs restent faibles : « nous sommes loin d’une politique urbaine concertée et de la reconnaissance d’une citoyenneté urbaine » (Francq et Wagener, 2012). Nous ajouterions que les enjeux globaux de durabilité restent très peu traités. Le faible impact de cette réorientation du dispositif vers la question de la durabilité

109 Qui remplacent les anciens « contrats de quartier ».

110 Interview à ce sujet d’Isabelle Hochart, gestionnaire du programme pour Inter-Environnement Bruxelles, le 12 août 2009 ; nous y reviendrons à la section 4.4.

111 Interview de Erwan Mouazan (Groupe ONE), animateur du projet de quartier durable Baobab 81 (quartier St-Gilles) le 12 août 2009, et de Natalia Escudero Pena (IBGE), responsable du programme Quartiers Durables le 28 avril 2010.

s’explique sans doute par l’absence de lignes directrices claires et d’un encadrement ad hoc des acteurs de terrain. C’est donc la faiblesse du pilotage central qui est en cause (cf. section précédente). Celui-ci mériterait donc d’être repensé dans le cadre de la réflexion actuelle sur la « politique wallonne de la ville ».

En France, la politique de la ville ne semble pas non plus chercher à initier la transition durable des quartiers prioritaires, du moins pas dans la définition que nous en donnons dans le cadre de ce travail, à savoir un processus par essence socio-technique, collectif (impliquant activement les habitants également), et exploratoire.

En conclusion, comme cela a été le cas pour d’autres questions auparavant (insécurité urbaine, cohésion sociale, etc.), l’enjeu de la transition durable des quartiers fait donc l’objet d’une intégration contrastée dans la PDQ, selon les contextes. Par ailleurs, dans les contextes où elle commence à être prise en compte, les dispositifs mis en place ne sont une nouvelle fois que très rarement intégrés à la PDQ originelle. A Montréal par exemple, Sénécal (2002) observe que le programme Ecoquartier n’est pas intégré au dispositif RUI (Revitalisation Urbaine Intégrée), mais que néanmoins ils se retrouvent tous deux autour des « tables de concertation » mises en place dans chaque quartier pour coordonner les différents acteurs locaux (cf. section 3.2.6). Enfin, notons que même lorsque l’intention d’intégrer la question de la durabilité dans la PDQ est bel et bien présente, sur le terrain, les acteurs tâtonnent encore quant à savoir comment faire et comment traduire cet enjeu dans des actions locales.

3.3.3 Améliorations à apporter à la PDQ pour qu’elle puisse

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