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La volonté de maintien d'une forte autonomie des sociétés du réseau tient également à

L E CADRE DE LA MOBILITE INTERENTREPRISES AU SEIN DES ENSEMBLES ECONOMIQUES ET

Paragraphe 2. Les réseaux d'entreprises : une organisation hybride

B. Une difficile reconnaissance des réseaux comme espaces de mobilité

97. La volonté de maintien d'une forte autonomie des sociétés du réseau tient également à

un point essentiel en droit social qui n'est pas abordé comme tel par la doctrine et qui pourtant relève d'une réalité pratique : la crainte de la reconnaissance d'une unité économique et sociale. C'est en effet ce qui est ressorti de nos échanges avec les professionnels du droit directement en lien avec les entreprises.

98. En vertu de l'article L. 2322-4 du code du travail, une unité économique et sociale qui

regroupe au moins 50 salariés et qui est reconnue, soit par convention, soit par décision de justice, implique l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise commun. Ainsi, une unité économique et sociale peut être reconnue dès lors qu'est démontrée l'existence à la fois d'une unité économique et d'une unité sociale. Ne pas faire apparaître l'unité sociale du réseau

156 J.-M. Leloup, La création d'une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise : une idée irréaliste, AJCA 2016, p.308.

157 Le secteur de la franchise dénonce le projet de loi Travail, LSQ – L'actualité – 2016, n°17118.

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pose difficulté lorsqu'il s'agit d'établir une politique de mobilité. Ainsi, les praticiens doivent être habiles dans leur manière de mettre en place les dispositifs. Nous ne pouvons que constater que pour la reconnaissance d'une collectivité de travail, il n'existe que le groupe, au sens du comité de groupe, et l'UES. Cette dernière impose des contraintes bien plus importantes (représentants syndicaux, CSE) que le comité de groupe.

99. L'UES présente les caractéristiques d'une « entreprise unique ». N'oublions pas, à ce titre, que, théoriquement, le réseau se différencie, dans son intégration, du groupe de sociétés, de par la flexibilité et la souplesse de son organisation. Aussi, les réseaux d'entreprises ont pour finalité, notamment, une capacité de mouvement, d'adaptation. C'est cette organisation hybride qui caractérise le réseau, une intégration mais flexible, sans mise en œuvre d'obligations dépassant totalement leur autonomie. Or, l'UES fait office de déplacement des frontières de l'entreprise, ce qui n'est pas souhaité dans les ensembles économiques et sociaux. Au travers de notre analyse, nous devons tenter de saisir la dimension organisationnelle des réseaux sans omettre l'autonomie de chaque entité, leur spécificité. Là est toute la difficulté que pose la réflexion sur un espace de mobilité interentreprises.

100. Qu'en est-il alors de cette mobilité dans les réseaux aujourd'hui ? Elle ne se conçoit

pas encore ! Malgré une intégration économique, elle ne s'envisage pas encore comme telle, comme une démarche de gestion de l'emploi, de gestion opérationnelle. Pour autant, l’interaction entre les activités, entre les entreprises, nécessiterait une telle mise en œuvre, non seulement pour la flexibilité recherchée dans ces ensembles mais aussi pour la sécurisation de l'emploi des salariés membres du réseau.

101. Le développement de l'externalisation, des groupes de sociétés, des réseaux

d'entreprises, mériterait un détachement du modèle de « la grande entreprise intégrée ». Aussi, il est« nécessaire de construire de nouvelles démarches juridiques pour répondre aux besoins

de protection renouvelés qui apparaissent »159. Personne ne traite directement de cette question, pourtant fondamentale : comment concevoir le réseau, comme une organisation capable d'accueillir une politique de mobilité sans lui retirer cette caractéristique de différenciation avec le modèle de l'entreprise ?

159 M.-L. Morin, Gestion du parcours professionnel du salarié et nouvelles formes d'organisation des entreprises :

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102. A notre avis, le juge devrait prendre en compte cette question propre aux relations

interentreprises. Cela tendrait à une adéquation avec les objectifs économiques de ces ensembles sans que leurs dirigeants ne craignent une intégration inadaptée à leur environnement.

103. Concernant le groupe de sociétés, dans son intégral, il est protégé de cette qualification

puisque la mise en place d'un comité de groupe est incompatible avec la reconnaissance d'une UES160. Par ailleurs, sa requalification en UES ne peut apparaître, selon la Cour de cassation que lorsque les relations inter-sociétés « dépassent le contrôle effectif par une société

dominante ou l'appartenance des uns et des autres à un même ensemble économique »161. Il faudrait donc qu'une même main dirige ces sociétés. Ce qui n'est réellement le cas ni dans un groupe de sociétés ni dans un réseau.

104. Le juge reconnaît cette unité économique et sociale en cas d'unité du pouvoir de

direction entre les entités autonomes et l'existence d'activités identiques similaires ou complémentaires. Concevoir la permutabilité des salariés d'une entreprise à une autre au sein des réseaux n'était pas en soi un problème fondamental dès lors que la jurisprudence l'a déjà reconnu comme pouvant être un périmètre de reclassement162. Cependant, la définition du groupe de reclassement a été restreinte par les ordonnances163. Cela pouvait poser davantage difficulté si nous envisagions le périmètre de mobilité au-delà du secteur d'activité de l'entreprise employeur initial. Finalement l'obligation de reclassement n'est que le corollaire logique de l'organisation d'une mobilité en amont : l'objectif de sécurisation de l'emploi oblige. Le point névralgique de cette réflexion est davantage l'expression d'un pouvoir de direction unique au sein de ces ensembles. Selon nous, la reconnaissance du réseau en son entier comme organisation au sens du droit social, devrait être, au contraire, un obstacle à la reconnaissance de l'UES. En effet, bien qu'il puisse exister des UES au sein d'un groupe, ces UES n'occupent qu'une partie du périmètre et ne peuvent en aucun cas se substituer au groupe. C'est ce qui ressort de l'incompatibilité du comité de groupe avec l'UES, lorsqu'ils concernent le même périmètre. Par ailleurs, avec l'instance de dialogue social, il était fort à parier que cette reconnaissance du réseau de franchise en tant qu'ensemble social ait vocation à se propager aux

160 Cass. Soc. 25 janvier 2006, n°04-60.234.

161 P. Langlois, Cass. Soc., 22 octobre 1984, D. 1985.

162 Cass. Soc. 15 janvier 2014, n°12-22.944

49 autres types de réseaux.

2) Des méthodes d’identification des réseaux d’entreprises comme espaces de mobilité

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