• Aucun résultat trouvé

Des méthodes d’identification des réseaux d’entreprises comme espaces de mobilité inadaptées

L E CADRE DE LA MOBILITE INTERENTREPRISES AU SEIN DES ENSEMBLES ECONOMIQUES ET

Paragraphe 2. Les réseaux d'entreprises : une organisation hybride

B. Une difficile reconnaissance des réseaux comme espaces de mobilité

2) Des méthodes d’identification des réseaux d’entreprises comme espaces de mobilité inadaptées

105. Madame Marguerite Kocher a affirmé que « développer une approche organisationnelle du réseau d'entreprises afin de mettre en évidence son unité économique, implique de mettre à jour la fonction organisationnelle du contrat »164. La question qui se pose, afin de pouvoir qualifier le réseau de réelle organisation constituant un espace de mobilité, est de connaître la méthode de caractérisation de cet ensemble économique afin de lui attribuer une fonction économique et sociale de mobilité.

106. Certains auteurs évoquent la dominance économique en identifiant une unité de

décision au sein des réseaux.

107. Selon Monsieur le Professeur Pascal Lokiec, le réseau « est un lieu de pouvoir et les rapports en son sein sont des rapports de pouvoir »165. La recherche d'une unité de direction reflète « l'idée d'une unité organisationnelle composée d'entités juridiquement autonomes

placées contractuellement sous le contrôle de l'une d'entre elles, l'agent juridique, titulaire d'un pouvoir exercé dans l'intérêt du réseau »166. Toute l'attention se focalise alors sur la position du « maître du réseau », qu'il s'agisse du donneur d'ordre ou encore du franchiseur. Déjà, le droit de la concurrence reconnaît l'abus de position dominante du franchiseur sur les franchisés.

108. Ce qui est mis en avant est la dominance exercée par le maître du réseau dont découle

le respect d'obligations contractuelles auxquelles sont soumis les membres de ce même réseau. Le maître du réseau est appréhendé comme l'entreprise pilote autour de laquelle se greffent des entreprises satellites. Monsieur Geoffrey Gury souligne que « chaque contractant renonce en

partie à sa liberté commerciale au profit du groupement, le maître du groupement devenant dépositaire d'un pouvoir de régulation au sein d'un ordre juridique identifiable »167. En ce sens, nous pouvons faire référence, par exemple, aux engagements en termes d'emplois de l'entreprise

164 M. Kocher, La notion de groupe d'entreprises en droit du travail, op. cit.

165 P. Lokiec, Contrat et pouvoir – Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, LGDJ, 2204, p.411.

166 M. Kocher, La notion de groupe d'entreprises en droit du travail, op. cit.

50

Mc Donald's, tête de réseau du groupement, dans un accord-cadre de 2012. Nous constatons ainsi un possible engagement de la tête de réseau sur les relations de travail et l'évolution de l'emploi au sein du réseau. Madame Laurence Amiel-Cosme appréhende également le réseau sous une dimension institutionnelle168.

109. Ce pouvoir exercé par la tête de réseau se démontre notamment au travers des clauses

contenues dans les contrats commerciaux, particulièrement dans les réseaux de distribution intégrés. Il s'agit de clauses d'objectifs, d'approvisionnement, de gestion des stocks, de clauses sur les méthodes de travail, de fabrication etc.169

110. L'entreprise principale assure également son contrôle par l'intermédiaire de clauses de

contrôle et de maintien du contrôle. Elle s'assure ainsi de « la mise en œuvre effective de la

politique définie par elle pour l'ensemble du réseau »170. La tête de réseau justifie également une détermination de la politique d'investissement des entités membres par l'assistance qu'elle leur apporte. Monsieur Geoffrey Gury identifie même un pouvoir disciplinaire de la tête de réseau de par sa prérogative de résilier les contrats. En ce sens, Madame Marguerite Kocher affirme que « c'est particulièrement à propos des modalités de rupture du contrat d'intégration

que le passage du régime du contrat au régime pouvoir est le plus perceptible ». Ce pouvoir de

contrôle se manifeste particulièrement dans les réseaux de franchise où l'image du groupement est prépondérante. Ainsi, tout est contrôlé : la mise en place des magasins qui doivent répondre à l'image de l'enseigne, les produits qui sont commercialisés, les prix, etc... Il existe une réelle politique de la franchise. Plus largement dans les réseaux de sous-traitance, le donneur d'ordre impose des modes de fabrication et de fonctionnement.

111. Cependant, cette recherche de l'unité de direction amène les auteurs à traiter de la

dépendance économique des entités membres du réseau. Or, cette domination engendre forcément une dépendance économique mais elle ne se manifeste pas de la même manière dans tous les types de réseaux. Il est vrai que cette dépendance est particulière dans les réseaux de franchises, mais elle l'est beaucoup moins dans un réseau de sous-traitants où il est question de marchés qui se perdent et qui se gagnent.

168 L. Amiel-Cosme, La théorie institutionnelle du réseau, in. Mél. Y. Guyon, Dalloz, 2003.

169 Lamy droit économique, Lamy, 2017.

51

112. Dans l’étude et la recherche de l’unité organisationnelle des réseaux, beaucoup

d’auteurs partent ainsi du postulat de l’existence d’une « firme focale » , « firme-réseau »171. Ces théories, trop étroites, ne sont pas adaptées à une recherche de caractérisation de la dimension organisationnelle de ces réseaux. En effet, ce qui caractérise de plus en plus les liens interfirmes, ce sont les relations horizontales et non celles tendant à s’organiser de manière pyramidale à l’image des groupes de sociétés. Cette vision n’est pas adaptée à la complexité de tels ensembles économiques. Comme a pu le souligner Monsieur Emmanuel Josserand, au travers de la théorie du maître de réseau réside, notamment, un risque d’encastrement pour les membres du réseau. Pour Monsieur Vincent Frigant, « il convient de quitter les démarches

firmo-centrées »172 afin de dépasser l’« impasse méthodologique » relative à la conception du réseau comme organisation.

113. De même, Madame Marguerite Kocher envisage une autre voie lorsqu'elle considère

que le pouvoir peut être recherché en dehors de la tête de réseau. L'auteur parle de conception relationnelle du pouvoir en affirmant qu'« il n'existe pas un centre unique de pouvoir mais un

pouvoir qui se diffuse dans l'ensemble de l'organisation et que l'action individuelle mais coordonnée de chacun des membres contribue à maintenir »173. Madame Elsa Peskine développe la thèse de l'autonomie contrôlée, opérant ainsi une sorte de compromis conceptuel entre l'autonomie juridique des entités membres et le pouvoir du maître de réseau.

171 V. Chassagnon, Fragmentation des frontières de la firme et dilution des responsabilités jurifiques : l’éclatement

de la relation d’emploi dans la firme-réseau multinationale, Revue internationale de droit économique, 2012 ; M.

Mandard, Les réseaux interoganisationnels, La découverte, Repères, 2015.

172 V. Frigant, Considérer les relations interfirmes pour comprendre l’adoption de pratiques socialement

responsables : arguments à partir d’une critique du Business Case, Revue d’économie industrielle, 137/2012.

52

Section 2 : Un critère d’identification organisationnel adapté aux ensembles

Outline

Documents relatifs