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Le CSE interentreprises, une représentation collective adaptée aux ensembles économiques et sociaux

L E CADRE DE LA MOBILITE INTERENTREPRISES AU SEIN DES ENSEMBLES ECONOMIQUES ET

Paragraphe 2. La représentation du personnel dans les ensembles économiques et sociaux

B. Le CSE interentreprises, une représentation collective adaptée aux ensembles économiques et sociaux

212. Face au constat de l’inadaptation des institutions représentatives du personnel

précédemment étudiées348, se pose la problématique d’une représentation effective de la collectivité de travail au niveau de l’ensemble économique et social. Un dispositif nouveau adopté par le législateur amorce enfin une évolution en ce sens : le comité social et économique (CSE) interentreprises349.

213. Il est à noter que la création de cette institution va dans le sens de la démonstration

que nous faisons des ensembles économiques et sociaux en ce qu’elle opère une césure de ces organisations complexes avec l’unité économique et sociale. Un CSE d’entreprise peut être mis en place au sein d’une unité économique et sociale, cette dernière étant considérée comme une véritable entreprise. Les dispositions relatives au CSE interentreprises écartent alors l’unité économique et sociale de leur application350.

214. Tout comme le CSE d’entreprise, le CSE interentreprises est mis en place par accord

collectif. Ainsi, « le CSE est conçu comme une instance avant tout conventionnelle »351. En effet, il s’agit d’une institution représentative du personnel négociée. Là est la caractéristique essentielle de ce dispositif quant à l’adaptabilité recherchée au sein des ensembles économiques et sociaux qui est en corrélation avec la place grandissante des accords de groupe et interentreprises352. Madame Laurence Pécaut-Rivolier s’est intéressée à la détermination des unités de représentation et a pu affirmer que « cette détermination ne peut pas résulter d’une définition légale, elle doit être avant tout souple et adaptable. Elle incombe donc aux partenaires

348P.-Y. Verkindt a mis en avant les problématiques de représentation du personnel au sein des groupes de sociétés,

La représentation du personnel dans les groupes de sociétés (1), Dr. soc. 2010, p.771.

349Ordonnance n°2017-1386 du 22/09/2017.

350 Concernant l’inapplicabilité des dispositions relatives aux accords de groupe et interentreprises aux unités économiques et sociales, un auteur affirme : « la jurisprudence n’a pas encore eu l’occasion d’apporter la même

précision concernant l’accord interentreprises, mais la réponse va de soi. Si en reconnaissant et encadrant la négociation interentreprises, la loi avait voulu viser l’UES, elle l’aurait précisé et n’aurait pas maintenu les références à l’unité économique et sociale dans plusieurs articles du Code du travail. Enfin, au-delà de ces arguments, puisque l’UES constitue une entreprise, la négociation au sein de celle-ci ne saurait être une négociation interentreprises », M. Hautefort, Négocier dans l’UES, Cah. DRH 2018, n°257.

351S. Guedes de Costa, Négociation sur le CSE : quels accords pour quels contenus ?, SSL 2018, n°1798.

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sociaux […] »353. La place laissée à la négociation collective pour la détermination et la mise en œuvre des CSE interentreprises est une véritable opportunité pour l’analyse d’une représentation de la collectivité de travail au sein des ensembles économiques et sociaux. Elle laisse entrevoir un important pouvoir d’adaptation à ces structures complexes.

215. Les dispositions relatives au CSE prévoient qu’un CSE interentreprises peut être mis

en place par accord interentreprises « lorsque la nature et l’importance des problèmes communs

aux entreprises d’un même site ou d’une même zone le justifient »354. Les critères d’identification du périmètre de représentation sont définis de manière large et méritent une précision.

216. La détermination des entreprises appartenant à un même site ou à une même zone

semble se rattacher au collectif de travail précédemment défini, ce qui fait référence aux comités de sites institués sur un lieu de travail regroupant les salariés de plusieurs entreprises liés par un projet commun. Cette dimension du CSE interentreprises est intéressante et peut être envisagée au sein des ensembles économiques pour les salariés d’un groupe ou d’un réseau travaillant sur un projet commun. Elle semble également mettre en exergue une possible représentation de la collectivité de travail au sein des réseaux d’entreprises territoriaux.

217. En revanche, une telle exigence géographique est restrictive en ce qu’elle met à mal

la représentation collective au sein de l’ensemble économique et social dans sa dimension globale et ne parvient pas, par exemple, à assurer une représentation effective de la collectivité de travail au sein des réseaux de franchise.

218. Comme le rappelle un auteur, « le caractère fonctionnel du périmètre de représentation reste un élément majeur de la détermination de l’unité de représentation » et

nécessite de prendre en considération les « éléments forts du périmètre de représentation : la

collectivité de travail, la structuration de l’entreprise, et l’existence d’un représentant de l’employeur »355. Transposés à la définition de l’ensemble économique et social comme espace de mobilité, ces critères exigent de déterminer un système de représentation de la collectivité de travail dans son ensemble et adapté à la structure de l’ensemble économique et social.

353F. Pécaut-Rivolier, La détermination des unités de représentation, Dr. soc. 2013, p.316.

354C. trav.,Art. L.2313-9.

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219. Cela nécessite de faire correspondre les critères de mise en place du CSE

interentreprises à la dimension structurelle de l’ensemble économique et social représentant un espace de mobilité, dont découle la dimension sociale de ce même ensemble. Il conviendrait donc de se référer au critère de l’interdépendance économique intégrée et, ce faisant, de faire correspondre le périmètre de représentation à l’ensemble économique et social en son entier. Ceci n’exclut pas la mise en place de CSE interentreprises à un niveau géographique plus restreint. Une nouvelle rédaction de l’article L. 2313-9 du code du travail pourrait ainsi être adoptée énonçant à la fois la possibilité de mettre en place un CSE interentreprises pour les entreprises d’un même site ou d’une même zone et pour les entreprises appartenant à un ensemble économique et social dont l’unité organisationnelle est caractérisée par une interdépendance économique intégrée.

220. Il est à noter que la dimension conventionnelle de l’accord de mise en place du CSE

pourrait permettre de pallier le problème des restructurations en prévoyant une adaptation du périmètre de représentation après chaque modification structurelle.

221. S’il est manifeste que le CSE interentreprises puisse être mis en place au sein d’un

réseau, la question qui se pose est celle de savoir s’il pourrait aussi couvrir un groupe de sociétés. Les dispositions régissant cette institution de représentation ne se réfèrent en effet qu’à l’accord interentreprises et n’ont pas pour objet de se substituer au comité de groupe. Or, en faisant correspondre, dans une finalité fonctionnelle, la définition du CSE interentreprises à la dimension structurelle de l’ensemble économique et social qui inclut le groupe d’entreprises, rien ne s’oppose à ce qu’un accord de groupe institue un CSE interentreprises au sein d’un groupe d’entreprises, en lieu et place du comité de groupe.

222. Le deuxième critère substantiel de mise en place d’un CSE interentreprises est

l’identification de problématiques communes. Cela intéresse directement la question de la mobilité. En effet, la politique sociale, le partage des compétences et la gestion des effectifs ainsi que la responsabilité de l’emploi sont des problématiques communes aux entreprises membres de l’ensemble économique et social relativement à l’unité organisationnelle qui y règne. Les problématiques gérées par le CSE devront être précisément déterminées dans l’accord356. Concernant ces problématiques communes, le périmètre de représentation du CSE

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interentreprises pourrait correspondre au périmètre d’application de l’accord de responsabilité collective organisant la responsabilité de l’emploi au sein des ensembles économiques et sociaux357.

223. La question des attributions du CSE interentreprises au sein d’un ensemble

économique et social se pose. Le code du travail reste lacunaire sur cet aspect. Il semble pertinent de s’inspirer des règles en matière d’organisation et d’attributions du CSE central et des CSE d’établissement. Ainsi, le CSE interentreprises serait notamment compétent s’agissant des orientations stratégiques prises par le groupe ou le réseau, de la situation économique et financière à ce niveau ainsi que s’agissant des mesures d’adaptation communes à plusieurs entreprises et plus précisément s’agissant de la politique sociale menée au niveau interentreprises, les conditions de travail et l’emploi. En adoptant ce schéma, le rôle de l’entreprise en elle-même n’est pas occulté car il nécessite une articulation des compétences du CSE interentreprises avec celles des CSE d’entreprises. Outre les compétences énumérées par le législateur concernant le CSE central, les partenaires sociaux devront prévoir des attributions particulières en termes de mobilité et plus globalement en termes d’emploi au niveau interentreprises. Un contrôle de la mise en œuvre d’accords au niveau interentreprises pourrait ainsi être opéré par le CSE interentreprises. Il pourrait également devenir un organe de négociation. Au vu des larges possibilités laissées aux négociateurs pour déterminer ses attributions, le CSE interentreprises pourrait se voir octroyer un rôle prédominant dans la politique de mobilité menée au niveau du réseau ou du groupe.

224. Le code du travail reste muet sur la composition du CSE interentreprises358. Cela laisse à nouveau une marge de manœuvre à la négociation. La mobilité étant une problématique inhérente à celle de l’emploi au sein des ensembles économiques et sociaux, les entreprises signataires de l’accord interentreprises mettant en place un CSE devraient être celles qui sont signataires d’un accord sur la responsabilité de l’emploi à ce même niveau359.

225. Quoi qu’il en soit, le CSE interentreprises ouvre la voie à une représentation de la

collectivité de travail adaptée aux enjeux en termes de mobilité des salariés au sein des structures complexes.

357Cf. Infra Titre 2.

358Le comité social et économique au quotidien, Lamy 2019.

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