• Aucun résultat trouvé

L E CADRE DE LA MOBILITE INTERENTREPRISES AU SEIN DES ENSEMBLES ECONOMIQUES ET

Paragraphe 1. La pluralité des liens sociaux au sein des ensembles économiques et sociaux

B. Les liens sociaux interentreprises

190. Au sein des ensembles économiques et sociaux, coexistent avec la communauté de travail de l'entreprise, les collectifs de travail (1) ainsi que la collectivité de travail (2). Ces liens sociaux interentreprises participent à l'unité sociale de l'ensemble économique et sont donc caractéristiques des espaces de mobilité.

1) Les collectifs de travail

191. Selon Monsieur le Professeur Pierre-Yves Verkindt, « dans son expression la plus simple, [le collectif de travail] caractérise un ensemble d'individus engagés dans un processus de travail et s'inscrivant dans un réseau de relations professionnelles et affectives. Il n'y a de "collectif de travail" qu'en présence d'une proximité physique et régulière, voire quotidienne, des membres du groupe qui peuvent au demeurant être internes ou externes à une structure donnée. […] Le personnel des entreprises appartenant à un groupe peut appartenir à un ou à

87

des collectifs de travail, mais ne constitue pas dans son ensemble un collectif de travail. »317.

Avec l'apparition des nouvelles organisations du travail (externalisation, concentration...), des communautés de travail interentreprises (ou trans-entreprises318) apparaissent. En effet, désormais « à ce processus d'innovation qui intègre conception et production pourront être associés des fournisseurs, des clients, des distributeurs, des consultants. […] Au lieu de sous-traitance, on parle de co-développement. »319 L'entreprise n'est donc plus le seul lieu de rassemblement. D'où l'émergence d'une forte tendance doctrinale à l'affirmation de l'entreprise éclatée320. Monsieur le Professeur Antoine Mazeaud a fait justement remarquer l'émergence de « l'imbrication des relations de travail dans des liens plus larges et plus ou moins diffus »321.

192. Ces nouvelles organisations économiques impliquent sous-traitance, projets en commun, collaboration entre services, partage de lieux de travail (sites etc.). Dans la notion de collectif de travail, est exprimée une idée de collaboration, de participation à un résultat donné. Il y a l'idée de rencontre de compétences complémentaires pour la réalisation d'un projet. Mais le terme de collectif de travail renvoie également à un aspect temporaire, une collaboration mais dans un contexte donné322. Cela ne semble donc pas impliquer l'existence d'une réelle communauté de travail. Dans le groupe ou le réseau, il y a donc bien un ensemble de plusieurs collectifs de travail, eu égard à l'interdépendance des activités. Le salarié peut appartenir à la fois à la communauté de l'entreprise et, d'un autre côté, fédérer ses compétences dans un collectif de travail distinct, interentreprises.

2) La collectivité de travail au sein de l'ensemble complexe

193. La collectivité de travail au sein de l'ensemble économique et social est une réalité qui se superpose à celle de l'entreprise et aux collectifs de travail. Comme le souligne Monsieur le Professeur Arnaud Martinon, « dans l’esprit (mais non en droit), la mobilité intragroupe est bien souvent pensée dans une démarche comparable à celle qui préside à la mobilité au sein d’une même société : l’appartenance à une collectivité de travail, identifiée au niveau d’un

317 P.-Y. Verkindt, La représentation du personnel dans les groupes de sociétés, préc.

318 F. Gaudu, Entre concentration économique et externalisation : les nouvelles frontières de l'entreprise, Dr. Soc. 2001, 471.

319 Ibid.

320 A. Brun, Le lien d'entreprise, JCP G 1962.

321 A. Mazeaud, Le déploiement de la relation de travail dans les groupes de sociétés – Aspects de droit du travail, préc.

88

groupe et non d’une seule société, devrait permettre un mouvement utile de salariés afin de s’adapter aux besoins du groupe et de favoriser l’évolution professionnelle du salarié »323.

194. Cependant, un autre auteur fait remarquer que ce lien n'est pas de la même nature que le lien d'entreprise en affirmant que « si la notion en cause implique des liens interpersonnels de proximité pérennes, le curseur est susceptible de se déplacer. En tout état de cause, si le groupe rassemble une collectivité de travail, il est peu probable que celle-ci puisse offrir la densité de celle observée dans une entreprise »324.

195. Afin de démontrer l'existence d'une telle communauté, certains auteurs, à l'instar de Monsieur Geoffrey Gury, affirment que c'est la dimension hiérarchique du groupe et donc le rapport d'autorité entre la société mère et les salariés qui font du personnel les « salariés du groupe »325. Or, cette vision n'est pas transposable aux ensembles économiques et sociaux en général. Selon nous, il y a plusieurs facteurs à la tendance intégrationniste de ces ensembles. Qu'ils se situent dans un réseau ou dans un groupe, les salariés se sentent appartenir à la même entité de par l'enseigne, la marque du groupe ou de certains réseaux comme les réseaux de franchise. Il y a un réel lien horizontal qui se crée entre les salariés au-delà du lien vertical qui est reconnu au sein des organisations hiérarchiques. D'autre part, le facteur déterminant est la participation à un même système productif, à une activité commune. En ce sens, Madame Sophie Selusi-Subirats, dans sa thèse consacrée à la cession du contrat de travail326, développe la notion d'intuitu firmae327. Il est ainsi fait référence à l'attachement du salarié à l'entreprise, au-delà de l'intuitu personae lié à la figure de l'employeur. Cela peut être transposable au groupe ou au réseau. Ce qui lie les salariés entre eux c'est l'organisation.

196. Monsieur Geoffrey Gury développe la théorie de l'intégration passive et active du salarié à la relation de travail. Concernant l'intégration passive du salarié, l'auteur prend pour exemple la mobilité intra-groupe. De plus, selon lui, « reconnaître au salarié le droit d'être reclassé dans le groupe lorsque la permutation est possible, c'est finalement reconnaître une communauté de travail spécifique au groupe »328. Concernant l'intégration active des salariés,

323A. Martinon, L'organisation de la mobilité dans les groupes, préc.

324 E. Vivien, La gestion des effectifs dans les groupes de sociétés, Thèse Paris Assas, 2014.

325 G. Gury, L'accord collectif de groupe, op. cit.

326 S. Selusi, La cession du contrat de travail, préf. P.-H. Antonmattei et C. Neau-Leduc, LGDJ, coll. Bibl. de droit social, 2017.

327 Ibid.

89

il est fait notamment référence aux revendications et conflits qui réunissent bien souvent les salariés du groupe en son entier. Cela illustre une solidarité entre les salariés. Par ailleurs, l'existence d'un véritable ensemble social, au-delà des liens économiques entre les entités, se manifeste avec l'existence d'institutions de dialogue social ou de représentation du personnel au sens large, à ce niveau, ainsi qu'avec le développement de la négociation collective. Les salariés présentent ainsi un intérêt commun lié à la production commune. Ensuite, les codes et chartes de conduite fédèrent « les salariés autour de valeurs communes »329. A ce titre, comme le rappelle Madame Elsa Peskine, « chaque relation s'insère dans une globalité dont le groupe est porteur »330. Ce raisonnement est transposable à l'organisation en réseaux. Les salariés participent à la pérennité d'un même système productif.

Paragraphe 2. La représentation du personnel dans les ensembles économiques et

Outline

Documents relatifs