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L'instance de dialogue social au sein des réseaux de franchise

L E CADRE DE LA MOBILITE INTERENTREPRISES AU SEIN DES ENSEMBLES ECONOMIQUES ET

Paragraphe 2. La représentation du personnel dans les ensembles économiques et sociaux

A. Des tentatives de représentation collective du personnel lacunaires

2) L'instance de dialogue social au sein des réseaux de franchise

204. La loi du 8 août 2016, de par son article 64, a institué une instante de dialogue social

propre aux réseaux de franchise, créant ainsi un droit collectif des salariés à la représentation à ce niveau.

205. Cette instance avait vocation à être mise en place uniquement dans les réseaux

d'exploitants comportant au moins 300 salariés et dont les entreprises étaient liées par un contrat de franchise. Le réseau de franchise était entendu au sens de l'article L. 330-3 du code de commerce. Il était donc nécessaire que le contrat de franchise contienne des clauses ayant pour conséquence d'avoir un impact sur l'organisation et les conditions de travail des salariés des franchisés. Cette instance ne semblait concerner que les salariés des franchisés et non ceux du franchiseur, ce qui semblait étrange.

206. Concernant ses attributions, elles n’étaient pas clairement posées dès le départ. Le

décret342 tant attendu, qui devait paraître en décembre 2016 a finalement vu le jour le 4 mai 2017. Nous savons cependant que cette instance avait vocation à recevoir des informations sur les conditions de travail et d'emploi des salariés et à formuler des propositions en matière de conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle mais également en ce qui concernait la mise en œuvre de garanties collectives complémentaires. Les dispositions législatives étaient lacunaires sur cette question des attributions de l'instance. Au départ, le projet de loi prévoyait que cette instance soit consultée sur les offres de reclassement au sein du réseau, ce qui aurait d'ailleurs pu être généralisé aux mobilités de toutes sortes. Il existait un réel vide législatif et réglementaire à ce sujet. Selon Mesdames Laurence Fin-Langer et Delphine Bazin-Beust, « elle [pouvait] être une instance de réflexion mais certainement pas

d'action »343. Sur la question de l'initiative de la négociation, les organisations syndicales

342 Décret n° 2017-773 du 4 mai 2017 relatif à l'instance de dialogue social mise en place dans les réseaux d'exploitants d'au moins trois cents salariés en France liés par un contrat de franchise.

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devaient demander la négociation d'un accord sur ce sujet, étant donné qu'il s'agissait d'une instance conventionnelle. Mais si le franchiseur ne répondait pas à ces demandes, quelle en était la conséquence ? Rien, non plus, n'était encore précisé à ce sujet.

207. La réflexion menée par les auteurs susmentionnés va dans le sens de notre analyse sur

la nécessité d'une reconnaissance du réseau comme organisation spécifique, séparée de l'UES, puisqu'ils affirment que cette instance constituait une réelle « consécration du réseau à côté du

groupe »344.

208. Tout d'abord, cette instance faisait prévaloir la dimension organisationnelle du réseau

de franchise sur la dimension individuelle des rapports entre les franchisés et leurs salariés.

209. Ensuite, nous savons que les réseaux de franchise sont la forme de réseau la plus

développée en France. Pourquoi ne pas y voir alors un mouvement précurseur du législateur pour les autres formes de réseaux ? Mesdames Laurence Fin-Langer et Delphine Bazin-Beust envisageaient un élargissement à tous les types de réseaux de distribution en affirmant que « quel que soit le modèle de distribution retenu, les revendeurs indépendants intégrés dans un

réseau déploient une activité commerciale sous une bannière et une discipline commune, à l'enseigne et/ou la marque de la tête de réseau et dans le respect des clauses diverses telles que l'exclusivité d'approvisionnement ou d'activité, la non concurrence post-contractuelle etc... »345. Les auteurs insistent également sur le fait que l'ensemble des réseaux de distribution pouvaient remplir les deux critères exigés par l'article L. 330 du code du commerce, à savoir la mise à disposition d'un nom commercial, d'une marque ou encore d'une enseigne ainsi qu'un « engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité »346. Selon nous, un élargissement de ce type d'instance à tous types de réseaux au-delà des seuls réseaux de distribution paraissait malvenu. En effet, il s'agissait encore de mettre en avant le rôle de la tête de réseau et donc de faire reposer le mécanisme sur une organisation hiérarchique, ce qui n'est pas le propre du réseau de manière général. D'ailleurs, selon les auteurs précités, « la loi

assimile le réseau à une entité distincte de celle de ses membres [en créant] un lien juridique entre le franchiseur et les salariés de ses franchisés »347. Il n'y avait donc pas une consécration

tumultueuse du droit du travail et du droit de la distribution, La JCP E 2017 ? n°9, 1114.

344 Ibid.

345 Ibid.

346 C. com., Art. L. 330.

94 du réseau en tant que tel.

210. Ce dispositif a finalement été abrogé le 1er avril 2018 par la loi de ratification n°2018-217 du 29 mars 2018. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le sujet par une décision n°2018-761 DC du 21 mars 2018, dont les motifs sont, selon nous, inquiétants en ce qui concerne la reconnaissance du réseau comme organisation au sens du droit du travail. En effet, il est mentionné dans cette décision que « la suppression d’une instance de dialogue social au sein d’un réseau de franchise, lequel ne constitue pas une communauté de travail, n’affecte pas les modalités de droit commun de la représentation du personnel au sein des franchisés du franchiseur et ne méconnait pas, en tout état de cause, le principe de participation des travailleurs ». Ainsi, le Conseil constitutionnel affirme que les salariés d’un réseau de franchise, et donc plus largement d’un réseau d’entreprises de manière générale, ne font pas partie de la même communauté de travail. Ceci est inquiétant dans le sens où, en 2016, celui-ci reconnait l’existence d’une communauté d’intérêt des salariés des réseaux de franchises mais nie l’existence d’une communauté de travail en 2018. Nous observons donc un recul du Conseil quant à une problématique qui nous lie dans notre analyse de la mobilité, le Conseil faisant une distinction entre l’existence d’une communauté d’intérêt des salariés et d’une communauté de travail, ignorant ainsi totalement le lien entre les dimensions économiques et sociales des réseaux.

211. Le problème à cette difficulté de mise en place des instances au niveau de tout réseau

et à la résistance de tels mécanismes repose, en partie, sur la négation des liens sociaux unissant les entreprises. Il serait peut-être opportun de reconnaître une unité sociale au sein des réseaux par des critères bien définis. De surcroît, l'accord interentreprises peut être une piste afin de mettre en place des instances conventionnelles adaptées à l'organisation réticulaires des réseaux d'entreprises.

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B. Le CSE interentreprises, une représentation collective adaptée aux ensembles

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