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L'utilité du capital social

L'utilité du capital social au sein des garanties de droit commun

B. L'utilité du capital social

185. Le capital social, notion juridique permettant la formation d'un patrimoine

minimum. Les dispositions du Livre IV du Code civil ne renvoient pas à la notion de capital

social pour assurer la protection des créanciers. Le patrimoine social gage commun des créanciers est représenté par l'ensemble des biens du débiteur. Cependant, le législateur ne réglemente pas la formation de ce patrimoine social. Il indique simplement qu'il est composé de "biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir". Or, parmi les éléments composant ce patrimoine, seuls ceux composant le capital social sont réglementés. L'article 1835 Code civil impose la détermination du capital social à toutes les formes sociales. Ensuite, les principes légaux de souscription, de libération et d'évaluation des apports en nature garantissent la constitution réelle du capital social. Certes, le capital social représente un chiffre abstrait au passif mais, la valeur de ses supports est représentée à l'actif. En obligeant les sociétés à constituer un capital social, le législateur s'assure de la formation minimale du patrimoine social donc des éléments d'actif. L'importance des dispositions régissant la formation du capital social apparaît à ce niveau car aucune autre mesure n'est instituée pour constituer le patrimoine social sur lequel s'exerce le gage général. Toutefois, du fait de la responsabilité illimitée des associés dans les sociétés à risque illimité, la formation du patrimoine social n'a que peu d'importance dans la mesure où la personnalité morale de la société ne pose aucun écran entre la société et le patrimoine privé des associés. Le droit au gage général des créanciers s'étend alors au patrimoine privé des associés. Mais, dans les sociétés à risque

limité, l'étendue du droit gage général des créanciers se limite au patrimoine social de la société. Apparaît à ce niveau l'importance du capital social qui permettra de constituer le patrimoine social afin d'apporter un minimum de sécurité aux créanciers. En l'absence du capital social, le droit au gage général risque d'être fictif.

186. Le capital social, première mesure du patrimoine. Le droit français ne reconnaît pas au créancier un droit de regard sur le patrimoine de son débiteur. Le créancier ne sait donc rien sur sa garantie puisqu'il ne peut se renseigner directement auprès du débiteur afin de mesurer les risques qu'il court. En effet, cette action s'oppose aux droits individuels du débiteur459. En droit français, le débiteur a droit au respect du secret de ses affaires tant qu'il est "in bonis"460. Toutefois, sous l'impulsion d'un fort courant de pensée inspiré par les

mentalités anglo-saxonnes, le droit français informe de plus en plus les créanciers à travers le RCS, le journal d'annonce légal, le bulletin officiel d'annonces commerciales et civiles. L'information des créanciers constate la prise en compte des intérêts des tiers révélés par la théorie des parties prenantes (Stakeholders Theory)461. L'information est également due aux associés pour neutraliser les risques d'agence462.

Toutefois, les relais d'information sont diversifiés puisque dans l'ensemble, l'information reste trop largement diffusée et divulguée. Ainsi, il n'est donc pas aisé au créancier d'obtenir des informations sur le patrimoine de son débiteur au même endroit. Le créancier qui voudrait avoir des informations sur son débiteur doit puiser ses renseignements à des sources très diverses463. Aussi, ces informations, contrairement à celles dues aux associés, ne sont pas des

459 Pourtant ce droit "au regard" est reconnu à l’associé peu importe la forme sociale à laquelle il appartient, v.

infra n° 450 et s.

460 Y. GUYON, Le droit de regard du créancier sur le patrimoine et l'activité de son débiteur considéré comme

sûreté, in L'évolution du droit des sûretés, RJ Com. 1982, p. 121 et s.

461 E.R. FREEMAN, Strategic Management, a Stakeholder Approach, 1984 ; M. CAPRON et F. QUAIREL -

LANOIZELÉE, Mythes et réalités de l'entreprise responsable, la Découverte, Paris, 2004, p. 27 ; A.L.

FRIEDMAN & S. MILES, Stakeholders, Theory and practice, Oxford univ. press., 2006 ; F. - G. TREBULLE,

Stakeholders Theory et droit des sociétés, Bull. Joly 2006, n° 12, p. 1337.

462 M.C. JENSEN etW.H. MECKLING, Theory Of The Firm : Managerial Behaviour, Agency, And Ownership

Structure, Journal of Financial Economics, 1976 ; PH.DIDIER, De la représentation en droit privé, préf. de

Y.LEQUETTE,LGDJ 2000, n° 206, p. 155 ; B. CORIAT etO. WEINSTEIN, Les nouvelles théories de l'entreprise,

livre de poche 1995 ; v. supra n° 446.

463 Y. GUYON, Le droit de regard du créancier sur le patrimoine et l'activité de son débiteur considéré comme

informations individuelles mais collectives464. Autrement dit, un créancier ne peut imposer

aux dirigeants des explications sur l'information l'intéressant. C'est à titre personnel que les tiers et les créanciers peuvent avoir accès à des informations sur la société en passant par les autorités publiques. En effet, le greffier a l'obligation de communiquer des informations "à

toute personne qui en fait la demande"465. Ces informations peuvent être comptables466 ou

portées sur les inscriptions, actes ou pièces déposés au registre en vue de l'immatriculation de la société467. Il revient ensuite au créancier d'apprécier personnellement les informations qui lui sont fournies. Cette appréciation pourrait être difficile voire impossible pour un créancier profane de la comptabilité. Or, l'information sur le capital social est beaucoup plus facile à déceler. Il correspond à un chiffre mentionné dans les statuts de toutes les formes sociales468

et il est plus facile d'avoir accès à l'information sur le capital social car il apparaît également sur tous "les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers"469. Il s'agit

notamment des "lettres, factures, annonces et publications diverses". Les tiers et les créanciers bénéficient d'une protection dans le sens où le capital social qui est destiné à garantir le remboursement de leur créance fait l'objet d'une publicité dont l'appréciation est facilitée par la mention uniquement d'un chiffre. Il n'est pas nécessaire de recourir aux services de l'Etat pour être informé sur le capital social puisque sa valeur apparaît dans tous les documents sociaux. Toutefois, il importe de ne pas se contenter de l'information relative au capital social. La notion correspond à un chiffre et tous les éléments composant le patrimoine du débiteur pourrait être liés à la notion. Le créancier a intérêt à surveiller le patrimoine social contre les agissements du dirigeant.

Nous constatons qu'en raisonnant par l'absurde c'est-à-dire, si on considère que le capital social est inexistant, le droit au gage général exercé sur le patrimoine social risque d'être un droit inopérant. En effet, rien n'obligerait la société à former un patrimoine social. Or, il est impossible pour le créancier d'exercer le droit au gage général en l'absence d'un

464FR.-G.TREBULLE, Stakeholders Theory et droit des sociétés, Bull. Joly 2007, n° 1, p. 7.

465 Art. R123-150 C. com.

466 Art. L232-21 ; L232-22 et L232-23 C. com. 467 Art. L123-1 C. com.

468 Art. 1835 C. civ. 469 Art. R123-238 C. com.

patrimoine. Le capital social n'est donc pas inutile dans la mesure où il permet la formation minimale du patrimoine. En outre, en cours de vie sociale, la société a l'obligation de bloquer à l'actif une valeur équivalente au capital social, de la sorte, les créanciers ont la garantie de pouvoir exercer le droit au gage général à tout moment. Aussi, contrairement au patrimoine social, l'information sur le capital social est plus accessible et plus facile à déchiffrer.

Bien qu'étant une valeur abstraite inscrite au passif du bilan, le montant du capital social doit correspondre à des éléments d'actif. Ainsi, lorsque des actes frauduleux sont commis sur le patrimoine, ils sont susceptibles de porter atteinte à l'intégrité du capital social. Pour ce faire, les créanciers disposent de deux actions pour reconstituer les éléments d'actif.

§ 2. La reconstitution des éléments d'actif correspondant au montant du capital social 187. Contrairement au créancier muni d'une sûreté, le créancier chirographaire n'organise pas vraiment sa protection. Il compte sur son droit au gage général. Or, ce droit ne l'offre ni un droit réel ni un droit de suite ou encore un droit de préférence. Le débiteur peut alors disposer de son patrimoine sans être inquiété. Toutefois, ces actes ne peuvent se faire en fraude des droits des créanciers. Ainsi, le créancier dispose de deux actions qui lui permettent d'agir contre le débiteur. Ces deux actions prévues aux articles 1166 et 1167 du Code civil permettent de reconstituer le patrimoine social dans l'intérêt des créanciers. Or, le capital social est le premier élément composant le patrimoine social et du fait de son intangibilité et de son caractère obligatoire, il apparaît également en cours de vie sociale. Mais, le montant du capital doit être réel. Autrement dit, il doit avoir à l'actif des valeurs qui correspondent au montant du capital social. Cela dit, tout acte frauduleux susceptible de mettre en cause l'existence de ce chiffre peut être poursuivi. Le créancier bénéficie de deux actions oblique

(A) et paulienne lui permettant de reconstituer les supports du capital social (B).

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