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Les principes de régularité et de sincérité

Variations du capital social

B. Les principes de régularité et de sincérité

169. Le principe de régularité. L'article 120-2 du chapitre II sur les principes comptables intégré au Titre I intitulé "Objet et principes de la comptabilité" semble ne pas distinguer les deux principes de régularité et de sincérité. En effet ce texte est titré "Régularité

et sincérité". Les deux principes sont définis à l'alinéa 1 comme étant le fait "de traduire la connaissance que les responsables de l'établissement des comptes ont de la réalité et de

425 Mémento Pratique Francis LEFEBVRE, Comptable, op. cit., n° 355, p. 130. 426 Possibilité de faillite personnelle en cas de liquidation de la société.

l'importance relative des évènements enregistrés". La régularité serait ainsi la conformité aux

règles et procédures en vigueur. Ces règles sont d'abord légales notamment celles qui s'appliquent, par exemple, à la tenue des documents comptables ou encore d'autres qui intéressent surtout les méthodes d'évaluation et de comptabilisation.

170. Que faut-il entendre par sincérité ? Dans le langage courant la sincérité est l'authenticité, l'absence de trucage428. La sincérité représente l'exactitude. Autrement dit, ce

qui n'est pas exacte n'est pas sincère. D'ailleurs pour peu, l'exactitude remplaçait la sincérité dans l'article 228 de la loi n° 66-537. En effet, à l'occasion des travaux préparatoires à l'adoption de la loi de 1966, de bons esprits firent valoir que la sincérité était une "notion

purement subjective" qui n'avait pas sa place dans le monde des chiffres et qu'il y avait lieu de

lui substituer l'exactitude429. L'assemblée nationale fut convaincue et la sincérité disparut du projet pour peu de temps puisque le sénat la remit en selle. Ce retour de sincérité était justifié, car au mot "exactitude" s'attache une rigueur qui exclut toute nuance430 et s'accommode mal des incertitudes inhérentes à la comptabilité431. Au surplus, le fait que la comptabilité utilise un langage chiffré n'implique pas que l'information qu'elle donne soit conforme à la vérité mathématique qu'exprime l'idée d'exactitude.

171. Mais qu'est ce qui devrait être sincère ? Est-ce la qualité requise des comptes sociaux ou encore le jugement des dirigeants de l'entreprise ? Pour certains le principe comptable de sincérité exprime exclusivement la qualité requise des comptes sociaux et laisse de côté tout jugement sur la sincérité des dirigeants de l'entreprise432. Alors que pour d'autres la sincérité est celle des dirigeants naturellement considérés comme les plus aptes à apprécier l'ensemble des activités de l'entreprise433. L'article 120-2 du PCG définit la sincérité comme

étant le fait "de traduire la connaissance que les responsables de l'établissement des comptes

ont de la réalité et de l'importance relative des évènements enregistrés". La définition est

428 Petit-Robert, v. Sincérité.

429 M. LE DOUAREC, JO. Ass. Nat. 9 juin 1965, p. 1897. 430 E. DAILLY, déclaration Sénat, Rev. fr. compt. 1973, p. 170. 431 M. LAURIOL, JO. Ass. Nat. 21 nov. 1978, p. 8088.

432 F. GORE, Les notions de régularité et de sincérité des comptes, Rev. Ir. compt., avr. 1973, p. 167 et s., spéc.

p. 170.

assez vague et il ainsi difficile de dire avec certitude si la sincérité porte sur la qualité requise des comptes sociaux ou encore le jugement des dirigeants de l'entreprise. Cependant, Il faut souligner que des comptes sincères résultent d'une parfaite connaissance des règles et de la situation de l'entreprise par le dirigeant.

172. Comment la sincérité doit-elle s'exprimer ? Sur cette question deux conceptions s'opposent celle dite objective et l'autre dite subjective. Objectivement, les comptes sont sincères si les valeurs comptables ont été correctement évaluées et les risques raisonnablement appréciés434. Subjectivement, les documents financiers sont sincères s'ils ont

été élaborés avec loyauté et bonne foi435. Entre le subjectif et l'objectif, quel parti prendre ? La position française est parfois présentée comme favorable à la conception objective. Mais il reste difficile de trancher et d'opter pour une seule conception. En vérité, la sincérité comporte à la fois des éléments objectifs et des éléments subjectifs. Ce n'est pas seulement l'application des règles, c'est aussi l'interprétation de bonne foi de ces mêmes règles. Ainsi comme le souligne certains auteurs : "Sont sincères des documents financiers tels que les

établirait un professionnel, indépendant, de bonne foi, placé devant les problèmes techniques et l'interprétation qui s'y attache"436. La définition mêle à la fois l'objectif et le subjectif. Ce

qui nous paraît justifié car il semblerait que la sincérité porterait sur les documents comptables établit conformément aux règles et procédures en vigueur. Cela implique une dose d'objectivité. Cependant ces règles doivent être appliquées de bonne foi en fonction de la connaissance que les responsables des comptes doivent normalement avoir de la réalité et de l'importance des opérations, évènements et situations. Ce qui induit une dose de la conception subjective.

Le fondement de la réduction du capital social motivée par les pertes ou non motivée par les pertes c'est aussi la recherche de la sincérité437. Les créanciers font crédit à la société

sur la foi de son capital social. Ainsi, le montant du capital social ne peut être truqué. Il doit être exact et avoir une contrepartie à l'actif.

434COB. Rapport annuel, 1969.

435 Ordre des experts-comptables, Travaux du 34' Congrès, p. 10.

436 Mémento Pratique Francis LEFEBVRE, Comptable, op. cit., n° 354, p. 128. 437 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 48, p. 36.

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173. Conclusion. Les règles favorables au maintien du capital social. Le principe du coût historique comptable permet de maintenir le capital social déterminé en phase de formation. La dépréciation des éléments d'actif et l'inflation monétaire n'ont pas de conséquence sur le montant du capital social qui reste intangible. Il en va de même des dérogations au principe du nominalisme. Malgré, l'évaluation des éléments d'actif, la valeur du capital social reste inchangée.

174. Les règles admettant la variation du capital social. La variation du capital social ne devrait pas heurter les esprits438. En effet, le principe de fixité ne s'oppose pas à la

variation du capital social439. Il signifie que le capital social a vocation à varier que de façon

exceptionnelle en empruntant un "lourd cérémonial"440. Ce n'est que d'un point de vue

juridique que la variation du capital social est admise. Le montant initialement fixé en cours de formation de la société peut être augmenté ou diminué en cours de vie sociale. La première opération est avantageuse pour les créanciers. Le capital social initial est augmenté de nouveaux apports ou des richesses internes à la société. Les créanciers peuvent espérer se faire payer leur créance. Il en est autrement de la réduction du capital social. Cette opération anéantie totalement ou partiellement le capital social. Le montant initialement fixé au moment du démarrage des activités s'amoindrit. Mais cette opération n'engendre nullement l'inutilité de la notion par rapport à la garantie des créanciers. Au contraire, c'est justement pour permettre au capital social de correspondre à la réalité que l'on doit admettre sa réduction. Les créanciers "ne doivent pas être dupé par l'annonce"441 d'un capital social erroné. Il est logique de le réduire pour cause de pertes sociales ou lorsqu'un associé désire se retirer des affaires. Ces fluctuations du capital social sont tout de même strictement encadrées. La tenue d'une assemblée générale extraordinaire dans quasiment toutes les sociétés à risque limité traduit

438 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 94, p. 57.

439 M. COZIAN,A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, ouvrage préc., n° 237, p. 114 ; S.SCHILLER,

Les limites de la liberté contractuelle en droit des sociétés, les connexions radicales, préf. F. TERRE, LGDJ

2002, n° 441, p. 217.

440 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 94, p. 57. 441Ibidem.

l'importance de la notion dans ces formes sociales. Les règles de l'unanimité et des 2/3 prouvent que le capital social ne peut être modifié sur un simple coup de tête d'un associé. Il faut l'accord de tous les membres ou de certains d'entre eux disposant d'une certaine crédibilité compte tenu du niveau de détention du capital social.

175. Conclusion Titre 1. La formation partielle du capital social gage des

créanciers. Les règles juridiques de droit français ne garantissent que partiellement la

formation du capital en phase de démarrage des activités. Parmi les règles qui assurent la formation du capital, il est possible de relever celle instituée par l'article 1835 du Code civil. Elle prescrit à toutes les formes sociales de former un capital. Il y a en outre celle proclamée par l'article L224-2 du Code de commerce qui prescrit aux sociétés de capitaux de constituer un capital minimum. On pourrait aussi parler de la règle de la souscription intégrale prévue par les articles L223-7 et L225-3 du Code de commerce qui permet au capital social d'être entièrement couvert par les engagements des associés. Il y a ensuite la règle de la libération intégrale des apports en nature instituée par les articles L223-7 et L225-3 du même Code. La libération intégrale assure la formation immédiate du capital social dès l'immatriculation de la société ou dès l'émission des titres. Puis les règles relatives au dépôt et au retrait du numéraire qui évitent que les fondateurs ne détournent ces apports pour des besoins autres que la formation du capital social. La règle du retrait après l'immatriculation de la société assure la formation juridique de la société et donc du capital social. La société acquiert la personnalité morale et le capital social composé des apports constitue le patrimoine social de la société qui se distingue du patrimoine privé des membres. En outre, les apports en pleine propriété et en nu-propriété réalisent un transfert définitif ce qui garantie la formation durable du capital social. Aussi, la règle de l'évaluation des apports en nature est favorable à la formation du capital social. Elle permet d'intégrer au capital social, la valeur exacte des apports. La valeur de l'apport en nature retenue par un professionnel est un gage de sécurité dans la formation du capital social. Les apports en jouissance et en usufruit rendent en apparence fictif le capital social. Au vrai, la notion n'est pas attachée à ses supports. Bien que ces apports aient vocation à disparaître en cours de vie sociale, le capital social doit avoir à l'actif une valeur correspondant à ces apports. Le capital social n'est donc pas une notion fictive. Le gage commun des créanciers, somme des apports à la constitution, se moque donc éperdument de la substance des apports. En cours de vie sociale, la notion se détache de ses supports et vie sa propre vie peu importe si la substance disparaît ou se volatilise. Les supports dont la valeur est intégrée au capital social échappent à l'action des créanciers mais ces derniers pourront appréhender d'autres valeurs correspondant aux apports volatilisés.

Parmi les règles qui garantissent partiellement la formation du capital social, il y a principalement celles des articles L223-7 et L225-3 du Code de commerce instituant la libération fractionnée. Le législateur prévoit expressément la possibilité de libérer

partiellement les apports en numéraire pendant une durée considérable de cinq ans. La possibilité d’une libération échelonnée des apports en numéraire engendre un capital social incomplet et fictif pendant une durée importante. Il est fictif parce que pendant la période du non versé, le capital social, déterminé et non entièrement libéré, s'affichera dans tous les documents sociaux. Cette publicité sur le capital social pourrait donner l'impression d'un capital social intégralement libéré. Dans les sociétés de personnes, la libération échelonnée ne constitue pas un risque puisque les créanciers peuvent à tout moment se retourner contre un associé afin d'obtenir le paiement de sa créance.

176. Le maintien du capital social en cours de vie sociale. La législation française permet dans un premier temps de maintenir le montant du capital social grâce au principe du nominalisme monétaire. Le capital social reste intangible. Son montant initial ne peut varier à la hausse ou à la baisse du fait de l'inflation, de la détérioration ou de la perte de ses supports. Toutefois, le capital social doit aussi correspondre à la réalité. Il doit refléter une image fidèle et sincère. S'il n'a pas plus à l'actif la valeur correspondant à son montant, la réduction du capital social doit pouvoir se concevoir sans heurter les esprits. Les créanciers disposent d'un droit d'opposition en cas de réduction du capital social non motivée par les pertes. Ensuite, dans les sociétés à risque limité, l'opération d'augmentation de capital social suit la réduction pour cause de pertes. L'augmentation du capital social permet ainsi de rétablir l'entorse faite à la garantie des créanciers.

TITRE II

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