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L'utilité du capital social au sein des garanties de droit commun

B. L'action paulienne

191. Raison d'être de l'action paulienne. Le débiteur est en droit de disposer de son patrimoine. Mais ce droit ne peut s'exercer contre ceux des créanciers. Les actions frauduleuses du débiteur qui mettent en cause l'intégrité du patrimoine social sont annulables. En effet, au titre de ce droit, tous les créanciers bénéficient de l'action paulienne instituée par l'article 1167 du Code civil. Selon ce texte les créanciers "peuvent aussi, en leur nom

personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits".

192. La mise en œuvre et les effets de l'action paulienne. Cette action n'est recevable que lorsque l'acte frauduleux entraîne l'insolvabilité du débiteur. Ainsi, le patrimoine social est appauvri par la sortie d'un élément sans contrepartie. L'hypothèse classique d'appauvrissement engendrant l'insolvabilité du débiteur consiste dans l'acte de disposition à titre gratuit473. Le succès de l'action paulienne engendre le rétablissement du statu quo ante du débiteur puisque l'acte frauduleux est tout simplement remis en cause474.

Autrement dit, le bien faisant l'objet de la fraude retourne dans le patrimoine du débiteur à hauteur de la créance du demandeur à l'action paulienne475. Seul le créancier ayant agi en

472 E. THALLER, De l’augmentation de capital par transformation en action soit du passif, soit des réserves de la

société, op. cit., p. 177.

473 L'action paulienne vouée à l'échec s'il apparaît que le patrimoine du débiteur est suffisant : Cass. civ. 27 juin

1972, Bull. civ. I, n° 163 ; Cass. civ. 31 mai 1978, Bull. civ. I, n° 209.

474 Sur la nature juridique de l'action paulienne v. F. TERRE, PH. SIMLER etY. LEQUETTE, Droit civil, Les

justice pourra se prévaloir des effets de l'action paulienne. Il pourra éventuellement saisir le bien pour se prémunir contre le risque d'insolvabilité du débiteur.

193. Reconstitution de la valeur des éléments d'actif devant correspondre au

montant du capital social. Certes, le montant du capital social n'est pas nécessairement

rattaché à ses supports mais, lorsqu'il est possible d'établir cette connexion, le capital social n'est plus un montant abstrait. En effet, il devient réel puisqu'il possède à l'actif tous ses supports. Les apports et les éléments dont les valeurs ont servi à former le capital social pourront être appréhendés par les créanciers pour obtenir le remboursement de leurs créances. Or, les soustractions frauduleuses d'apports pourraient empêcher cela. Ainsi, l'action paulienne exercée par le créancier permettra de rétablir cette connexion puisque l'apport soustrait est réintégré à l'actif. Mais, le capital social représente d'abord une valeur abstraite, ainsi tous les éléments susceptibles d'être réintégrés à l'actif sont la bienvenue. Ils permettront de rééquilibrer le montant du capital et de le faire correspondre à la réalité des comptes.

Au regard de l'étude qui vient d'être menée, il est difficile de conclure à l'inutilité du capital social. Au contraire, le capital social renforce l'efficacité du droit au gage général en ce qu'il garantit l'existence d'un patrimoine sur lequel s'exercera la garantie et aussi il donne la possibilité aux créanciers d'avoir une idée de la consistance du patrimoine. En outre, s'il arrivait que le capital social n'ait plus à l'actif une valeur qui correspond à son montant, les créanciers intéressés par le capital social pourraient toujours exercer les actions oblique et paulienne. La reconstitution des éléments d'actif du patrimoine que ces actions permettent rétablira la réalité du capital social.

Le capital social n'est donc pas inutile pour la mise en œuvre du droit au gage général. Alors, en est-il de même lorsque les créanciers négocient une protection individuelle ?

Sous-section 2. L'importance du capital social au sein des sûretés

194. Le principe prescrit par l'article 2285 du Code civil est qu'un créancier a vocation à se faire payer sur la valeur de tous les éléments d'actif du débiteur. La portée du droit au gage général est réduite dans la mesure où le créancier chirographaire ne bénéficie pas de

certains droits. Il en est ainsi du droit réel et du droit de préférence476. Ainsi, le créancier n'a

aucun droit sur une chose particulière du patrimoine social du débiteur. En outre, il n'a aucun privilège qui le démarque des autres créanciers. Il est pris sur le même pied d'égalité que les autres. Cette forme de protection peut se révéler inefficace dans le cas où la valeur de l'actif serait inférieure au montant du passif. Les créanciers privilégiés seront d'abord préférés. Ensuite, les autres seront réglés que dans une proportion actif-passif. Par exemple deux créanciers chirographaires X et Y titulaires de deux créances respectives de 30€ et 70€. Si l'actif du débiteur s'élève à 60€, le créancier X recevra 30% de l'actif soit 18€ et le créancier Y recevra 70% de l'actif soit 42€. L'insolvabilité partielle du débiteur amène le créancier chirographaire, placé sur le même pied d'égalité à être remboursé dans la proportion actif- passif. C'est cette insécurité qui pousse les créanciers à se prémunir individuellement du risque d'insolvabilité du débiteur. C'est le Livre IV du Code civil qui régit les sûretés dont les

articles ont été dénumérotés par l'Ordonnance du 23 mars 2006. La question qui se pose est celle de savoir si cette protection est-elle suffisante au point de justifier l'inutilité du capital social ? Le raisonnement sera fait ici par l'absurde. Cela dit, il s'agira de faire comme si le capital social n'existait pas afin de mesurer l'efficacité des garanties des créanciers.

Or, même si les sûretés ont pour but d'offrir au créancier une chance supplémentaire de paiement, ces protections comportent des limites reposant notamment sur les conditions drastiques imposées aux créanciers pour valider sa garantie et surtout en l'absence du capital social, la société n'est pas obligée de constituer un patrimoine sur lequel la garantie pourra être prise. Pour bien apprécier ces limites, il convient d'analyser séparément la garantie personnelle c'est-à-dire le contrat de cautionnement (§ 1) des garanties réelles (§ 2).

§ 1. La garantie personnelle : contrat de cautionnement

195. Le créancier peut renforcer sa sécurité en exigeant du débiteur une caution venant en complément du capital social. Ce sont les articles 2287 à 2320 du Code civil qui prévoient cette forme de protection des créanciers. Selon le premier texte précité : "Celui qui se rend

caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même." Le créancier peut alors compter sur le patrimoine des

débiteurs qui se portent caution lorsque le patrimoine social ne parvient pas à le désintéresser. En pratique, les banques exigent souvent cette protection supplémentaire aux petites sociétés dans lesquelles le capital social est inexistant. En outre, au sein des sociétés à risque limité, l'engagement personnel du dirigeant ou des associés permet à l'établissement de crédit de contourner la limitation de responsabilité qui résulte de la technique sociétaire477. Le créancier s'offre ainsi le patrimoine privé en garantie de sa créance en plus du patrimoine social. Dans une certaine mesure, tout se passe comme si on se trouvait au sein d'une société à risque illimité. Certes, en pratique cette garantie apparaît opportune aux créanciers en l'absence d'un capital social mais, qu'en est-il en théorie ? Plus précisément, les règles régissant le contrat de cautionnement garantissent-elles son efficacité ? L'efficacité de cette garantie intéresse cette étude dans la mesure où si celle-ci est avérée, elle permettrait de justifier l'inutilité du capital social dans son rôle de garantie des créanciers. Elle se mesurera par l'analyse successive des règles régissant les conditions de validité (A) ainsi que les conditions spécifiques du contrat de cautionnement (B).

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