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Le transfert définitif de l'apport et de sa valeur au capital

Les apports concernés par la formation du capital social

A. Le transfert définitif de l'apport et de sa valeur au capital

70. Le transfert définitif de l'apport et de valeur au capital résulte de l'apport en pleine propriété (1) et de l'apport en nu-propriété (2).

1. L'apport en pleine propriété

71. Le transfert de l'usus, le fructus et l'abusus à la société. L'article 544 du Code civil créé par la loi de 1804 définit la propriété comme étant : "le droit de jouir et disposer des

choses de la manière la plus absolue…" Le texte annonce le contenu du droit de propriété. Il

s'agit du fructus qui permet la jouissance directe ou le droit de percevoir les revenus du bien

203 Art. 1835 C. civ.

en donnant en location par exemple. Le droit ne pas jouir de la chose doit être compris dans le

fructus. Il s'agit aussi de l'abusus qui donne la possibilité au propriétaire de disposer de la

chose soit en le vendant, soit en le consommant ou soit en le détruisant. Cependant, le législateur ne vise pas directement l'usus. C'est probablement parce qu'il semble virtuellement contenu dans le droit de jouir. La personne qui effectue un apport en pleine propriété transfert à la société ces trois droits à savoir l'usus, l'abusus et le fructus. En effet, l'alinéa 2 de l'article 1843-3 du Code civil dispose que : "Les apports en nature sont réalisés par le transfert des

droits correspondants et par la mise à la disposition effective des biens." Ainsi, comme un

acheteur, la société devient plein propriétaire. Ce qui veut dire qu'elle peut user, jouir ou abuser de la chose. Le transfert de propriété s'opère jusqu'à la fin de l'existence de la société.

72. Le transfert définitif de l'apport et de la valeur de l'apport au capital social. L'apporteur transfert à la société la pleine propriété du bien et cela dès son immatriculation car elle acquiert une existence juridique qui lui confère une personnalité morale. Elle possède un patrimoine distinct de celui de ses membres à l'intérieur duquel on retrouve le capital social. Le bien change de propriétaire puisqu'il quitte le patrimoine privé de l'apporteur pour intégrer définitivement celui de la société. Celle-ci devient pleinement propriétaire du bien. Malgré tout l'associé reste tenu par la garantie des vices cachés et par la garantie d'éviction. Ces deux garanties découlent de l'alinéa 3 de l'article 1843-3 qui dispose que : "Lorsque

l'apport est en propriété, l'apporteur est garant envers la société comme un vendeur envers son acheteur.".L'apport en pleine propriété est l'apport parfait et idéal pour la formation de la

garantie des créanciers. Lorsqu'il est effectué en pleine propriété, le transfert de propriété est total. Autrement dit, l'apporteur ne pourra réclamer la restitution de l'apport en cours de vie sociale. L'apport en pleine propriété d'un bien n'est pas volatile car il ne disparaît pas dans les comptes de la société. Le capital social a donc tout le temps une valeur trouvant sa contrepartie à l'actif. En effet, représentant la valeur des apports en numéraire et en nature effectués par les actionnaires lors de la constitution de la société, le capital social s’exprime par un chiffre inscrit au passif du bilan205. La valeur de l'apport en pleine propriété est donc

affectée définitivement au capital social pour garantir le remboursement des dettes sociales. Ainsi, l'apporteur souffre de la priorité des créanciers206 dans le sens où il ne peut espérer

récupérer sa mise qu'après satisfaction des créanciers. Il abandonne définitivement son apport au profit des créanciers et le capital social affiche définitivement cette valeur. Il en est également de même en cas d'apport en nu-propriété.

2. L'apport en nu-propriété

73. Définition et distinction. Le démembrement de propriété est une technique juridique qui peut être subie. Ce sera le cas en matière de succession prévue par l'article 757 du Code civil. Selon cet article, le conjoint survivant non divorcé recueille par sa volonté l'usufruit sur la totalité des biens existants. Cette technique pourrait ne pas être subie. En effet, l'article 579 du Code civil dispose que : "l'usufruit est établi par la loi ou par la volonté de

l'homme". Une personne physique peut parfaitement démembrer son bien dans le cadre d'une

succession, d'une donation entre vif ou encore dans le cadre d'une cession. Mais cette notion de démembrement de propriété doit être distinguée de l'indivision. Dans l'indivision, les propriétaires ont les mêmes droits sur le même bien et ne peuvent en profiter que de manière simultanée. Chaque indivisaire peut utiliser le bien et le partage reste possible soit en nature soit en valeur et nul ne peut s'y opposer si l'un des indivisaires le demande. Le démembrement de propriété entraîne la constitution de deux droits réels à savoir l'usufruit et la nue propriété qui s'exerce distinctement et indépendamment sur un même bien. Le partage des droits se fait au moment du démembrement. Pendant la période du démembrement chacun peut disposer de son droit. Le nue propriétaire peut vendre son droit de même que l'usufruitier.

74. Le nu-propriétaire : véritable propriétaire d'un bien démembré. Le droit français définit la propriété comme étant " le droit de jouir et de disposer des choses de la

manière la plus absolue"207. Le plein propriétaire est celui qui réunit entre ces mains non

seulement le droit de jouir mais également le droit de disposer de la chose. Ainsi, démembrer la propriété serait comme le mot l'indique éclater la propriété. Il s'agit donc de répartir entre des individus le droit de jouissance et le droit de disposer. Cela suppose alors une répartition des deux droits entre deux personnes à savoir l'usufruitier et le nu-propriétaire. Mais qui des

206 X. LAGARDE, L'acte d'investissement in les concepts émergents en droit des affaires, sous la direction E. LE

DOLLEY, avant-propos de G. FARJAT et E. LE DOLLEY, postfaces de J. - L. BERGEL et TH.BONNEAU, Droit &

économie, Direction M. - A. FRISON-ROCHE, LGDJ, éd. 2010, n° 8, p. 288.

deux personnes détient véritablement la propriété ? Aux termes de l’article 578 du Code civil208, "L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance." On pourrait déduire de

cet article que le propriétaire d'un bien démembré reste le nu-propriétaire. La formulation légale n'est pas assez précise puisque le nu-propriétaire n'est pas directement visé. Mais comme nous l'avons indiqué, le démembrement de propriété suppose l'existence de deux personnes l'usufruitier qui possède le droit d'usufruit et le nu-propriétaire qui dispose de la nue-propriété. Cela dit, puisque l'article 578 précité ne vise expressément que l'usufruit, le propriétaire dont il fait allusion ne peut être que le nu-propriétaire. Cette idée que le propriétaire du bien sur lequel porte la jouissance de l’usufruit soit le nu-propriétaire a été développée par plusieurs auteurs209.

75. Les inconvénients de l'apport en nu-propriété. En démembrant son bien, une personne pourrait décider de rester usufruitière et d'apporter à la société la nue-propriété. Cette stratégie reste possible puisqu'elle n'est pas interdite par la loi. A priori, cet apport n'est pas bénéfique pour la société dans l'immédiat. En effet, en théorie, elle ne pourra pas l'exploiter car l'apport est mis à la disposition uniquement de l'associé usufruitier. S'il s'agit d'un immeuble par exemple, la société ne pourra même pas s'installer ni mettre en location et percevoir des loyers car l'usage de cet immeuble est destiné à l'associé usufruitier. Aussi, le législateur interdit au nu-propriétaire de disposer de la chose. En effet, l'alinéa 1 de l'article 599 du Code civil dispose que "Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière

que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier." Or, le démembrement de propriété est censé

transféré au nu-propriétaire l'abusus c'est-à-dire le droit de disposer de la chose. Ce texte interdit dans une certaine mesure, le nu-propriétaire de disposer de la chose. Ce qui paraît logique car le démembrement de propriété opère une division de la propriété. Le nu- propriétaire ne peut plus à sa seule initiative décider de vendre le bien puisqu'il ne possède plus le fructus et l'usus. En pratique, le propriétaire d'un immeuble ne prendra pas le risque d'apporter son immeuble dans une société commerciale pour éviter qu'il ne soit le gage des créanciers. Cet apport est généralement effectué au sein des sociétés civiles pour des raisons

208 Créé par la loi 1804 - 01 - 30 promulguée le 9 février 1804.

209 A. VIANDIER, La notion d’associé, th. LGDJ 1978, n° 248 et s. ; M. GERMAIN, in Ripert et Roblot, Traité de

droit commercial, op. cit., n° 1152 ; B. DONDERO, Du possible refus, par la Cour de cassation, de la qualité

d'associé à l'usufruitier de droits sociaux, note sous Cour de cassation (3e civ.) 29 novembre 2006, Mme Denise Lenaerts, épouse Candelot, Rev. soc. 2007, p. 319.

patrimoniales. La société civile étant constituée uniquement dans le but de gérer le patrimoine privé. L'apport de la nue-propriété d'un immeuble à une société civile sera suivi d'une donation des parts de la société créée aux enfants210. L'opération permet d'éviter l'indivision entre les enfants puisque ces derniers deviendront les associés de la société civile211. Chacun détiendra des parts sociales en pleine propriété.

76. Les avantages théoriques de l'apport en nu-propriété. D'abord, l'article 595 du Code civil dispose que : "L'usufruitier peut…vendre ou céder son droit à titre gratuit." Ce texte veut dire que l'usufruitier peut vendre son droit d'usufruit. Cette possibilité est aussi reconnue au nu-propriétaire. Autrement dit, la société peut décider de vendre son droit et recueillir les fonds qu'elle pourra réinvestir. Il y a là un avantage économique de l'apport en nu-propriété. Ensuite, l'usufruit au regard de l'associé est un droit viager ou temporaire. En effet, l'article 617 du Code civil dispose que : "L'usufruit s'éteint : Par la mort de l'usufruitier

; Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé" Ce texte expose les causes

d'extinction de l'usufruit. Dans le premier cas, si la société ne dispose pas de son droit de nu- propriétaire, elle devient plein propriétaire à la mort de l'associé. La reconstitution de la pleine propriété entre les mains de la société dépend tout de même de la longévité de l'associé. La deuxième cause d'extinction est en rapport avec l'usufruit temporaire. Dans ce cas, la société devient plein propriétaire au terme de l'usufruit. Il en sera ainsi lorsque le contrat d'apport stipule que l'usufruit est temporaire pour une certaine durée.

77. Le transfert définitif de l'apport en nu-propriété au capital social. Par rapport à la formation du capital social, l'apport en nu-propriété ne pose aucun problème. Le capital social est constitué de la valeur de la nue-propriété au moment de l'apport. Cette valeur est transférée définitivement au capital social. Et puisque la société a vocation à devenir plein propriétaire, le capital social prend de la valeur. En effet, au terme de l'usufruit, la valeur de ce droit est censée être intégrée au capital social. Cela dit, l'apport en nu-propriété n'est donc ni temporaire ni volatile. Il a vocation à demeurer au sein de la société et accroître la

210J. AULAGNIER, Usufruit et nue-propriété dans la gestion de patrimoine, préf. J. BATTUT, Institut notarial

du patrimoine, Guide juridique et fiscal, Maxima, 1994, p. 138 ; R. GENTILHOMME, Démembrement de

propriété et société civile, Préf. H. HOVASSE, Collection référence première, éd. EFE.1997, n° 22, p. 17 ; P.

FERNOUX, Gestion fiscale du patrimoine, Collection pratiques d'experts, Groupe revue fiduciaire, Collection

dirigée par J. P. CASIMIR, 15ème éd. 2010, p. 552, stratégie 2.

composition du capital social. Le nu-propriétaire est le véritable propriétaire d'un bien démembré puisqu'il a vocation à devenir plein propriétaire. La pleine propriété de la société se reporte soit à la mort de l'usufruitier soit au terme de l'usufruit.

Nous constatons que les apporteurs en pleine propriété et en nu-propriété transfèrent définitivement leurs apports. Puisque l'associé ne peut récupérer son apport, le capital social trouvera à l'actif le support correspondant au montant intégré en son sein. Mais pour certains apports, ce rattachement n'a pas d'importance puisque malgré la restitution de l'apport, le capital social continue d'afficher la valeur de l'apport dès lors qu'il y a une valeur correspondant à l'actif.

B. Le transfert définitif au capital de la valeur des apports effectués

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