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Les critiques doctrinales sur l’utilité du capital social

17. Les critiques internes du capital social. Les entorses législatives au capital social ont conduit à alimenter les critiques doctrinaires essentiellement sur la fonction de garantie des créanciers qu'est censée assurée le capital social. En effet, la doctrine estime que le capital social se "présente comme une contrainte inutile susceptible de freiner l'initiative

économique"83. Elle indique également qu'il n'a plus de signification en tant que garantie des

créanciers84 lorsque l'actif a été entamé85. Elle précise surtout que le capital social ne constitue

79 Art. 38 loi 24 juillet 1966 : "Les parts sociales… ne peuvent représenter des apports en industrie".

80 Art. 124 loi 15 mai 2001 : "Le cas échéant, les statuts déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être

souscrites des parts sociales en industrie."

81 Art. 1 loi 1er août 2003. 82 Art. 35 loi 24 juillet 1966.

83 T. MASSART, La modernisation de la SAS ou comment apporter moins pour gagner plus, Bull. Joly 2009, p.

632.

84 Y. REINHARD, Simplification de la création d’entreprise, le droit des sociétés pour 2004, in Des lois Initiative

économique et sécurité financière aux réformes annoncées, Journées d’études Dalloz 2004, p. 6.

pas le gage des créanciers puisque le droit de gage des créanciers porte sur les différents éléments qui composent l’actif social86. En pratique, certains auteurs recommandent même au

créancier d'exiger une sûreté à la société car 'il n’a pas de droit au maintien des biens

apportés dans le patrimoine de la société"87. Les critiques ainsi adressées au capital social ont suscité de nombreuses interrogations sur l’utilité et le bien-fondé du capital social88 voire sur l’avenir du capital social89. Etant convaincus de l'inutilité du capital social, des auteurs ont proposé de le réduire à "zéro"90. D'autres ont perçu le capital social comme une notion

"vieillotte et dépassée"91 et donc ridée92. Pire encore, la mort du capital social a été annoncée93

et d'autres ont anticipé cette mort pour proposer des solutions alternatives comme "la situation

nette"94. Ce constat effectué, nous sommes bien loin du "triomphe du capital social"95. Le

capital social observé "par l'œil critique des juristes" semble bien inutile96.

18. Les critiques du droit communautaire sur le capital social. Même sur le plan européen, des critiques ont été formulées car le droit des sociétés est au cœur du débat politique des deux côtés de l'Atlantique. Le bon fonctionnement des économies suppose en

86 M. COZIAN,A. VIANDIER et FL.DEBOISSY, Droit des sociétés, Litec, 23 éd. 2010, n° 242, p. 116.

87 P. LE CANNU et B. DONDERO, Droit des sociétés, coll. Domat droit privé, Montchrestien, 3ème éd. 2009, n°

206, p. 132.

88 Le capital social : grandeur ou décadence ? colloque des 3, 4 et 5 mars 1977 de Paris II, de l’Association

française des juristes d’entreprises, de l’I.D.A et de l’Association internationale du droit commercial et du droit des affaires.

89 A. COURET et H. LE NABASQUE, Quel avenir pour le capital social ? Dalloz 2004, coll. Thèmes et

commentaires.

90A. PIETRACOSTA, Capital zéro ou zéro capital, in Quel avenir pour le capital social ? Sous la direction de A.

COURET etH. LE NABASQUE,Dalloz 2004, p.134.

91 Y. GUYON, La mise en harmonie du droit français des sociétés avec la directive des communautés

européennes sur le capital social, art. préc. n° 1.

92 P. LE CANNU, Les rides du capital social, in Quel avenir pour le capital social ? Sous la direction de A.

COURET etH. LE NABASQUE, Dalloz 2004, p. 3.

93 G. SERRA, Les fondements juridiques du capital social à l'épreuve de la loi Dutreil du 1er août 2003. Chronique

d'une mort annoncée ? Bull. Joly 2004, p. 915.

94 Y. DECROIX, Du capital social à la situation nette, th. préc. n° 9, p. 24 à 27.

95 Expression employée par R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 25 et s.

96 Ph.BISSARA, Rapport de synthèse, in Quel avenir pour le capital social ? Sous la direction de A. COURET et H.

effet que les sociétés soient gérées efficacement et de manière transparente. Lorsqu'il n'en est pas ainsi, les actionnaires et les créanciers ou le public en général se retrouvent gravement lésés. Il convient donc d'engager, de toute urgence, des actions visant à restaurer durablement la confiance du public dans les marchés financiers. C'est dans ces conditions que la Commission européenne en septembre 2001 a crée le Groupe à haut niveau d'experts en droit des sociétés pour formuler des recommandations en vue de la modernisation du cadre réglementaire constituant le droit européen des sociétés. En ce qui concerne le capital social, le Plan d'action du Groupe à haut niveau d'experts en droit des sociétés du 4 novembre 2002 formulait des critiques en l'encontre de la notion. Il relevait que les fonctions assumées par le capital légal étaient plus importantes en théorie qu'en pratique. Un large accord se dégageait pour estimer que le concept de capital légal ne permettait pas d'atteindre de manière efficace les objectifs qui lui étaient assignés. Ce constat a conduit à la deuxième proposition du groupe qui s'inspirait de l'expérience américaine sur l'abandon du capital social97. En effet, le groupe

proposait une rupture radicale avec la notion de capital légal, ainsi qu'avec un nombre de règles sur la constitution et le maintien du capital et le partage actuel des pouvoirs entre actionnaires et conseil d'administration.

Surtout certains pays membres comme l'Angleterre refusent de se soumettre totalement aux règles régissant le capital social éditées par le législateur communautaire98.

Au regard de ce portrait sépulcral du capital social, il y a vraiment matière à s'interroger sur le bien fondé et l'avenir du capital social. Pour reprendre une interrogation que nous estimons pertinente, "est-il bien venu le temps de la déconfiture où le capital social, icône passé d'un

temps révolu, doit disparaître pour qu'éclose l'expression d'une société renouvelée, moderne ?"99 Nous risquons fort bien de ne pas partager cet avis car le capital social semble résister

aux agressions sévères faites à son encontre.

97 I. PASQUIER, Les raisons d’abandon du concept de capital social, gage des créanciers, dans le droit

américain des sociétés anonymes, th. Paris 1990.

98 V. A. TUNC,Le droit anglais des sociétés anonymes, Economica, coll. Etude juridiques comparatives, 4ème

éd. 1997.

99 G. J. BOUTE,La responsabilité financière des associés, contribution à l'étude du capital social, th., Paris,

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