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Les réductions du capital social non consécutives aux pertes

Variations du capital social

A. Les réductions du capital social non consécutives aux pertes

147. Les réductions du capital social non consécutives aux pertes sont nombreuses. Toutefois, il reste possible de les regrouper en deux groupes en fonction des causes qui seront étudiées ici. Nous traiterons alors des réductions résultant de la sortie d'un associé (1) et celles découlant d'un défaut de formation du capital social (2).

1. La réduction du capital social découlant de la sortie d'un associé

148. La réduction du capital social résultant de la sortie d'un associé pourrait s'illustrer de deux manières. Elle découle généralement d'une obligation pour la société de racheter les titres d'un associé dont le cessionnaire n'a pas été agréé (a) ou de l'exercice par un associé de son droit au retrait (b).

a). La réduction résultant de l'obligation légale de rachat

149. L'application des clauses d'agrément. Ces clauses statutaires permettent d'écarter l'entrée dans la société des personnes dont la présence est jugée indésirable358. Elles

ne s'appliquent pas aux parts représentatives d'apport en industrie. Autrement dit, les parts d'industrie ne sont pas cessibles et la mort de leur détenteur entraîne l'annulation des parts. La cession reste le mode de circulation des autres titres notamment ceux représentatifs du capital

social. D'abord en ce qui concerne les sociétés de personnes composées des sociétés en non collectif, en commandite simple et des sociétés civiles, ces formes sociales se forment en considération de la personne. L'intuitu personae qui préside à leur constitution et à leur fonctionnement interdit qu'un étranger puisse entrer dans la société sans l'accord unanime des associés. Les mouvements sur le capital social doivent alors recevoir l'acceptation de tous les autres membres. A défaut d'agrément la cession est irrégulière. Cette règle est instituée par les articles 1861 du Code civil359 et L221-13 du Code de commerce360. Puis pour les sociétés à risque limité, la société à responsabilité limitée se constitue et fonctionne en considération de la personne. On dit qu'elle est une forme sociale hybride car elle emprunte des règles aux sociétés de personnes. En effet, l'article L223-14 du Code de commerce interdit toute cession de parts sociales à des tiers étrangers sans l'accord des associés. Cet accord s'obtient lorsque les associés représentant au moins la moitié des parts sociales se prononcent favorablement conformément aux dispositions actuelles de l'article L223-14 du Code de commerce. En ce qui concerne les sociétés de capitaux, les statuts pourraient également introduire une dose d'intuitu personae. Certes, l’action est un titre négociable qui autorise son titulaire à le vendre et constater l'opération par un simple virement de compte à compte361. Ainsi, peu importe le

cessionnaire, aucune autorisation n'est requise. La clause statutaire enlevant ce droit serait frappée de nullité362 puisque la libre négociabilité des actions a un caractère d’ordre public363.

Mais le caractère d’ordre public de la négociabilité des actions n'interdit pas de limiter ce droit par l'introduction d'une clause d’agrément statutaire donnant au conseil d’administration ou à l’assemblée générale le droit d’agréer le cessionnaire364. Les clauses d’agrément

introduisent dans les sociétés par actions une considération de la personne, c’est-à-dire de l’intuitu personae que légalement seules connaissent les sociétés de personnes365. L'intrusion

d'un tiers dans le cercle des associés pourrait être bloquée par la procédure d'agrément

359 Pour les sociétés civiles.

360 Pour les sociétés en nom collectif et en commandite simple. 361 Y. GUYON, Droit des affaires, op. cit., n° 738.

362 G.RIPERT etR.ROBLOT, Traité de droit commercial, op. cit., n° 1616. 363 Ibidem.

364 G.RIPERT etR.ROBLOT, Traité de droit commercial, op. cit., n° 1617. 365 Ibidem.

organisée par les associés. Cette possibilité offerte aux sociétés par actions se limite à celles qui ne proposent pas leurs titres au public sur le fondement de l'article L228-24 du Code de commerce. Une autre limite instituée à l'article L228-23 alinéa 2 du même Code indique que l'agrément ne peut viser que les cessions d'actions nominatives à des tiers. S'agissant des sociétés par actions simplifiées, l'article L227-14 dispose que : "Les statuts peuvent soumettre

toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société."

150. Le rachat par la société des titres de l'associé dont le cessionnaire n'a pas été

agréé en vue d'une réduction du capital social. La mise en œuvre de la procédure

d'agrément entraîne des conséquences par rapport à la société. Si l'agrément est refusé, la société pourrait être amenée à racheter les titres du cédant pour lui faciliter sa sortie et éviter de le garder prisonnier mais aussi pour empêcher l'entrée des personnes indésirables. Cette décision entraîne la réduction du capital social. L'alinéa 2 de l'article 1862 du Code civil applicable aux sociétés civiles dispose que : "La société peut également procéder au rachat

des parts en vue de leur annulation." En ce qui concerne les sociétés à risque limité, l'alinéa 4

de l'article L223-14 du Code de commerce applicable à la société à responsabilité limitée précise que : "La société peut également, avec le consentement de l'associé cédant, décider,

dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé". Il en est également de même pour la société par actions simplifiées avec l'alinéa 2 de

l'article L227-18 qui dispose que : "Lorsque les actions sont rachetées par la société, celle-ci

est tenue de les céder dans un délai de six mois ou de les annuler." L'alinéa 2 de l'article

L228-24 applicable aux sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions indique que : "Si la société n'agrée pas le cessionnaire proposé, le conseil d'administration, le directoire

ou les gérants, selon le cas, sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus, de faire acquérir les titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, soit par un actionnaire ou par un tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la société en vue d'une réduction du capital." Toutefois, les textes applicables aux sociétés

commerciales à risque illimité ne font pas référence au rachat par la société des titres du cédant. Le recours à une clause statutaire permettrait d'introduire cette obligation pour la société. Mais la validité de cette clause semble être contestée par certains auteurs qui pensent que le rachat conventionnel pourrait s'opposer au principe de l'unanimité qui préside la cession des actions dans ces formes sociales. Malgré le refus d'un associé, la société pourrait tout de même acquérir les parts sociales de l'associé dont la cession n'a pas été agrée. Mais la

jurisprudence antérieure à la loi du 24 juillet 1966 semble admettre la validité des clauses conventionnelles stipulant l'obligation de rachat366. Ainsi, les associés peuvent se prémunir

contre l'impossibilité absolue de quitter la société en introduisant une clause aux statuts obligeant la société à racheter les titres de l'associé dont le cessionnaire n'a pas été agrée. Le rachat par la société des titres du cédant aura pour conséquence la réduction du capital social.

b). La réduction suite au droit de retrait de l'associé

151. Le champ d'application du droit de retrait d'un associé. Le droit de retrait ne doit pas se confondre avec le retrait qui est une notion plus large. Le retrait d'un associé est envisagé lorsqu'il se retire de la société par cession à un tiers ou par rachat de la société de ses droits sociaux367. Alors que le droit de retrait permet à l'associé de se désengager de la société

par la restitution de son apport. En ce qui concerne le domaine d'application du droit au retrait, celui-ci s'applique naturellement aux sociétés à capital variable compte tenu du mécanisme de la variabilité et aux sociétés civiles. Dans le cadre des sociétés à capital fixe, le droit de retrait est inexistant dans les sociétés à risque limité. Le législateur n'institut nullement ce droit dans les textes régissant ces formes sociales. Le rapport de la Commission du sénat établi lors de l’élaboration de la loi du 30 décembre 1981 semble même interdire

"aux associés de reprendre tout ou partie des biens apportés à la société, dans la mesure où ils se sont engagés, lors de la souscription, à affecter ces biens au fonctionnement de la société". Cette solution pourrait être justifiée sur le terrain du capital social gage des

créanciers dans les sociétés à risque limité. Les intérêts des créanciers pourraient être menacés si les associés responsables dans la limite de leurs apports étaient en plus autorisés à reprendre leur mise avant la fin de la société. Le retrait se heurte ainsi au principe de fixité du capital social gage des créanciers368. Ainsi, le droit de retrait serait contraire à l'idée de capital social gage des créanciers. Pour cela, les statuts de sociétés à risque limité ne peuvent stipuler un tel

366 En ce sens v. R. MORTIER, Le rachat par la société de ses droits sociaux, Nouvelle Bibliothèque de Thèses,

D. 2003, n° 178, p. 148 et s.

367 R. MORTIER, Le rachat par la société de ses droits sociaux, th. préc., n° 180, p. 150.

368 A. COURET, La réduction du capital- A la recherche de son régime juridique, in Quel avenir pour le capital

avantage au profit des associés369. Cette impossibilité semble s'étendre aux sociétés

commerciales à risque illimité. En effet, M. le professeur Mortier indique que : "l'associé de

la SNC n'a pas, à l'inverse de celui d'une société civile, le droit de retrait."370. Cette

impossibilité ne s'applique tout de même pas à tous les associés. En effet, le gérant associé d'une société en nom collectif pourrait se retirer suite à sa révocation371.

152. La réduction du capital social. En se retirant totalement ou partiellement, l'associé d'une société civile a droit à restitution de son apport. Le remboursement de l'apport à l'associé entraîne ici aussi la réduction du capital social et l'annulation des parts sociales du retrayant. La réduction de capital consécutif au retrait constate l’attribution d’un élément d’actif à un associé372. L’appauvrissement du capital s’accompagne ici de celui de l’actif, sur lequel se fixe la garantie des créanciers. Il en est également ainsi dans les sociétés à capital variable. L'associé retrayant a droit au remboursement de la valeur de ses parts lesquelles sont rachetées non par les coassociés373 mais par la société elle-même en vue de leur annulation dans le cadre d'une réduction de capital social374. Afin d'éviter que les associés n'optent que pour une variation à la baisse du capital social, le législateur a pris le soin de préciser que la variabilité du capital social s'entend des opérations d'augmentation et de diminution. L'utilisation de la conjonction "et" à l'article L231-1 du Code de commerce signifie que les deux opérations sont indissociables. Une société ne peut uniquement prendre l'option de réduire son capital social375. La société doit également procéder à des augmentations "par des

369 Dans le même sens R. MORTIER, Le rachat par la société de ses droits sociaux, th. préc., n° 181, p. 151. 370 R. MORTIER, Le rachat par la société de ses droits sociaux, th. préc., n° 177, p. 148.

371 R. MORTIER, Le rachat par la société de ses droits sociaux, th. préc., n° 189, p. 155.

372 J.- L. TROUSSET, Réduction de capital par attribution d’un élément d’actif à un actionnaire, JCP E 1998,

1390.

373 Solution possible au sein des sociétés civiles.

374 Sur les effets de l'absence de réserve dans la société civile à capital variable v. J.-L. TROUSSET, op., cit. p. 16. 375 Le législateur français n'indique pas à quel moment la clause de variabilité du capital social peut être insérée

dans les statuts d'une société à risque limité. C'est dire alors que cette clause peut apparaître en cours de vie sociale ou au moment de la création de la société. Une société à risque limité conçue à l'origine avec un capital fixe pourrait donc en cours de vie sociale inclure au sein de ses statuts une clause de variabilité du capital social. Cette modification statutaire n'entraîne pas l'application des dispositions de l'article 1844-3 du Code civil puisqu'il n'y a pas changement de forme sociale. Toutefois cette clause peut être dangereuse pour les anciens créanciers entrés en contrat avec la société sur la base d'un capital social fixe. L'insertion d'une clause de variabilité en cours de vie sociale entraîne un changement de statut du capital social. Celui-ci passe d'un statut

versements successifs des associés". En effet, la réduction du capital social a pour effet

d'amoindrir la surface réservée aux créanciers du fait de la reprise totale ou partielle des apports effectués par les associés.

2. Les réductions découlant d'un défaut de formation du capital

153. La réduction du capital social découlant du défaut de souscription intégrale

et de surévaluation des apports en nature. Les circonstances qui peuvent motiver une

réduction de capital social non motivée par les pertes sont nombreuses. La société peut être amenée à réduire son capital social parce que la souscription n’a pas été intégralement couverte et elle ne peut faire autrement que de se contenter des actions souscrites376. Il en est de même lorsque l’assemblée constitutive chargée de vérifier et d’approuver le rapport du commissaire aux apports estime que les apports ont été évalués d’une façon excessive377.

Dans les deux cas, la société traîne un poids mort dont les actionnaires sont tenus de se débarrasser378. Le capital social initial se réduit à hauteur des souscriptions acquises. Le

capital social non souscrit disparaît. Il en est de même en cas de surévaluation frauduleuse des apports en nature. Par exemple une société s’était constituée en approuvant le rapport certifié par le commissaire aux apports. Les apporteurs en numéraire s’aperçurent par la suite de la dissimulation perpétrée par les apporteurs en nature. Les apports avaient bien une valeur inférieure à celle qui avait été acceptée. Ce n’est que par dol que le vote d’approbation a été obtenu. Une action en justice est intentée par les apporteurs en numéraire qui obtiennent plein succès. La décision rendue par les juges ne nécessitait pas de mettre en œuvre la procédure de réduction du capital social379. Le jugement prononçant l’annulation de l'apport suffisait pour

fixe à un statut variable. Les créanciers n'ont aucun moyen juridique de s'opposer à une telle décision des associés alors même que la responsabilité de ces derniers est limitée à leurs apports. Les associés se réservant désormais la possibilité de diminuer le capital social par la reprise totale ou partielle des apports et cela à tout moment sans qu'il ne soit nécessaire de respecter les conditions strictes de modification du capital social prévues dans les sociétés de type classique.

376 Cette réduction de capital social intervient alors même que la société est en cours de formation. 377 La constatation des apports surévalués pourrait également intervenir en cours de vie sociale. 378 G. CANTENOT,De la réduction du capital social dans les sociétés anonymes, th. préc., p. 17. 379 CA. Paris, 3 févr. 1910, J. S. 1911, p. 121 et s, note A. WAHL.

le réduire380. La nullité avec son effet rétroactif a eu pour conséquence de faire disparaître

l'apport comme si celui-ci n'avait jamais existé. Le capital social initial prévu a été réduit à hauteur de la valeur de l'apport surévalué.

154. La réduction découlant d'un capital social excessif. La société peut être amenée à réduire son capital social parce qu'il est trop élevé. Cette opération reste bien rare car les sociétés ne manquent pas d’utiliser cet excédent de ressources en élargissant leur centre d’activité. Toutefois, les fondateurs peuvent se faire des illusions sur l’importance qu’ils comptent donner à l’entreprise. Par exemple, pour des causes étrangères, les produits de la société ne font pas l'objet d'une forte demande et dans ce cas, la société peut ne plus avoir besoin d’un capital social excessif. En effet, le capital social a un coût dans la mesure où la société est tenue de le rémunérer. Le surplus de capital social constitue un poids mort dont la société a intérêt à s'en débarrasser. Une partie du capital social reste immobilisée et grève le passif de la société. Les associés sont rémunérés en fonction du montant des apports promis. Ils auront droit au dividende même pour la quote-part non-libérée et dont la société n'a pas besoin.

Le capital social excessif peut se révéler coûteux pour la société lorsque les associés poussent les dirigeants à distribuer un maximum de dividendes381 pour éviter les conflits d'intérêts

révélés par la théorie de l'agence382. Au vrai, le capital social n'est pas gratuit mais constitue

un coût pour la société383. Lorsqu'il est excessif, la société a donc intérêt à opérer une gestion

de son capital social en le mettant en rapport avec son activité384. Si certains apports n'ont pas

encore été entièrement libérés, elle pourra éventuellement se contenter que de la fraction libérée. Cette décision aura pour conséquence de réduire le capital social. Ainsi, le non versé ne sera plus exigible dans l'avenir et en contrepartie la société n'aura plus de charge correspondante.

380 Ibidem.

381 A. COURET, La contrainte du dividende dans les sociétés par actions, in Mélanges Y. GUYON, p. 239.

382 M.C. JENSEN etW.H. MECKLING, Theory Of The Firm : Managerial Behaviour, Agency, And Ownership

Structure, Journal of Financial Economics, 1976 ; PH.DIDIER, De la représentation en droit privé, préf. de Y.LEQUETTE,LGDJ 2000, n° 206, p. 155 ; B. CORIAT etO. WEINSTEIN, Les nouvelles théories de l'entreprise,

livre de poche 1995 ; v. infra n° 446.

383 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 38, p. 31.

Le capital social excessif s'entrevoit également à la suite d'une opération de restructuration. En recueillant le patrimoine de la société absorbée, la société absorbante pourrait se retrouver avec un capital social abondant. Dans ce cas, la réduction du capital social à hauteur des apports effectivement libérés par les associés de la société absorbée reste une solution. La société annule alors sa créance d'apport sur ses associés385. La remise de dette d'apport est censée profiter uniquement aux apporteurs en numéraire soumis au principe de libération échelonnée. La solution met en cause l'égalité entre associés puisque les apporteurs en nature sont soumis au principe de libération immédiate.

3. La protection des créanciers

155. La règle de l'inopposabilité. Afin de protéger les créanciers des effets de la réduction du capital social non motivée par les pertes, le législateur prévoyait la règle de l'inopposabilité applicable à toutes les formes sociales jusqu'à la loi du 24 juillet 1966. Toutefois, le droit d'opposition institué pour les sociétés à risque limité par cette loi laisse entendre que l'inopposabilité demeure la règle pour les sociétés à risque illimité386. En effet,

les associés ont une responsabilité illimitée et celle-ci se poursuit après leur sortie. Autrement dit, si le créancier dont la créance est née antérieurement au retrait de l'associé ne trouve pas satisfaction par le capital social, il pourra s'attaquer à l'associé retrayant. La règle de l'inopposabilité permet de constater que le capital social a été réduit non pas pour satisfaire les exigences des créanciers mais plutôt celles des associés qui désirent se retirer de la société en reprenant une partie de l'actif. Le capital social est donc réservé à la protection des créanciers, toute réduction non motivée par les pertes et effectuée en dehors du désintéressement des créanciers engendre l'inopposabilité. Toutefois, compte tenu du caractère excessif de ce mode de protection, la loi du 24 juillet 1966 ne l'étend plus aux sociétés à risque limité387.

156. Le droit d'opposition des créanciers. L'article 32 de la deuxième directive

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