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La libération des apports en numéraire

Les étapes de la formation du capital social

B. La libération des apports en numéraire

51. La libération échelonnée des apports en numéraire dans les sociétés. Les apports en numéraire sont également visés par l'article 1832 du Code civil comme élément pouvant être mis en commun par les associés pour constituer une société. L'apport en numéraire correspond à une somme d'argent qui pourra être intégré au capital social. Contrairement aux apports en nature qui obéissent au principe de libération intégrale, les

162 C. BAKER etE. GUYON ABINAL, Le capital social en droit français et en droit américain : le point de vue du

praticien, in Quel avenir pour le capital social ? Sous la direction de A. COURET etH. LE NABASQUE, Dalloz

apports en numéraire peuvent être libérés de manière échelonnée. Le législateur accorde un bénéfice aux associés qui ne sont donc pas obligés d'apporter tout ce qu'ils ont promis dès la souscription. Ce bénéfice s'applique expressément aux sociétés à risque limité. En effet, l’article L223-7 du Code de commerce dispose que : "Les parts représentant des apports en

numéraire doivent être libérées d'au moins un cinquième de leur montant." Et l'article L225-3

du même code applicable à la société anonyme précise que : "Les actions de numéraire sont

libérées, lors de la souscription, de la moitié au moins de leur valeur nominale." L'application

de ce texte s'étend à la libération du capital social des sociétés en commandite par actions conformément à l'article L226-1 alinéa 2 du Code de commerce et également à celle des sociétés par actions simplifiées au regard des dispositions de l'alinéa 3 de l'article L227-1 du même Code. Même si aucun texte ne prévoit la libération échelonnée dans la formation du capital social des sociétés de personnes, on ne peut exclure l'application de ce principe. Il s'agit d'une souplesse accordée par le législateur aux sociétés à risque limité. Or, la liberté gouverne le fonctionnement de ces formes sociales. Elles peuvent alors opter pour une libération fractionnée des apports en numéraire.

52. Le minimum libéré dès l'immatriculation. Après avoir institué le principe de libération fractionnée des apports en numéraire, le législateur n'a pas laissé une grande liberté aux sociétés soumises à cette règle. En effet, il maintient la rigueur dans ces formes sociales en imposant un minimum. Ce minimum est différent selon qu'il s'agisse de libérer le capital social d'une société à responsabilité limitée ou d'une société anonyme. Dans une société à responsabilité limitée, l’article L223-7 du Code de commerce dispose que : "Les parts

représentant des apports en numéraire doivent être libérées d'au moins un cinquième de leur montant.". Pour la mise en application de cette règle, il faut considérer que chaque

souscripteur des apports en numéraire doit libérer le cinquième du montant promis. S'il promet d'apporter 5000€, il doit alors libérer 1000€. C'est une obligation légale qui découle de l'emploi du verbe "devoir". Les statuts d'une société à responsabilité limitée ne peuvent y déroger en prévoyant un minimum inférieur. Alors que dans les sociétés de capitaux, l'article L225-3 du même code précise que : "Les actions de numéraire sont libérées, lors de la

souscription, de la moitié au moins de leur valeur nominale." Le minimum à libérer semble

plus rigoureux. Prenons le même exemple, si l'un des actionnaires promet d'apporter 5000€, il doit libérer 2500€. Ici également, les statuts d'une société de capitaux ne peuvent indiquer un

minimum inférieur à la moitié. Cette rigueur ne s'applique pas aux sociétés de personnes. Elles peuvent aménager librement le montant minimum à libérer.

53. Les conditions de la libération du surplus. Quelles sont les conditions du versement des montants non libérés ? Afin de garantir la formation du capital social face au principe de libération fractionnée qui demeure une souplesse au profit des associés, le législateur limite la durée pour libérer intégralement le numéraire. Ce délai est prévu aux articles L223-7 et L225-3 du Code de commerce. On retrouve la même formulation : "La

libération du surplus intervient en une ou plusieurs fois sur décision…, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés." Seule l'appellation de la personne en charge des affaires sociales est différente.

Alors que l'article L223-7 vise la décision "du gérant", l'article L225-3 vise la décision "du

conseil d'administration ou du directoire selon le cas". Il ressort de ces deux articles que la

cinquième année, à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, constitue la date limite pour libérer entièrement le numéraire. A l'intérieur de ce délai, les statuts peuvent aménager librement la libération intégrale du numéraire. Les statuts peuvent par exemple prévoir que les apporteurs en numéraire libéreront entièrement leurs engagements dès la troisième année. Mais ils ne peuvent pas prévoir que cette libération se fera à la septième année à compter de l'immatriculation de la société. En effet, la formulation légale "un délai qui ne peut excéder cinq ans" interdit aux statuts de prévoir une durée supérieure à cinq ans.

Nous constatons que le législateur soumet les apports intégrables au capital social à deux régimes juridiques. Ainsi, seuls les apports en nature sont soumis à une règle assurant au capital social sa formation réelle à savoir la libération intégrale. Nous regrettons que cette règle ne soit pas étendue aux apports en numéraire. Certes, la libération fractionnée reste un avantage pour les associés qui n'ont pas à libérer immédiatement le capital promis mais, cette règle n'assure qu'une formation partielle du capital social dès l'immatriculation de la société. De manière générale, nous remarquons que les normes régissant la formation du capital social varient entre des règles rigoureuses et libérales. Or, il nous semble que l'efficacité du capital social dans son rôle de garantie des créanciers dépend plus de la première catégorie des règles.

Qu'en est-il de la compensation ? Les associés sont-ils admis à libérer par compensation le capital promis sachant que l'opération n'entraîne pas un transfert de bien externe ?

§ 2. La libération du capital social par compensation

54. L'article 1289 dispose que : "Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une

envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes..." Ce mode

de paiement permet au créancier de se mettre à l'abri de tout risque d'insolvabilité soit par la volonté légale soit par la volonté des parties ou celle des juges. Il existe trois sortes de compensation. D'abord la compensation légale mise en œuvre en dehors de la volonté des parties. Pour ce faire, il suffit que les conditions de fongibilité, de liquidité, et d'exigibilité de chacune des obligations soient remplies163. Ensuite la compensation conventionnelle résultant

d'un accord par lequel les parties fixent en totale liberté les conditions dans lesquelles leurs dettes réciproques pourront s'éteindre simultanément. Enfin, il y a la compensation judiciaire prononcée par un juge. Le mécanisme s'opère par l'intervention du juge du moment où le débiteur poursuivi en paiement d'une dette oppose la créance qu'il détient sur le demandeur à l'instance. Il n'est pas nécessaire que les conditions de liquidité et d'exigibilité de la compensation légale soient remplies. Le critère retenu par les juges pour faire jouer la compensation judiciaire est la connexité des obligations respectives. Toutefois, le principe de compensation de créances connexes est apparu suffisamment légitime aux yeux du législateur pour qu'il le valide expressément dans l'alinéa 1 de l'article L622-7 du Code de commerce applicable à la procédure de sauvegarde introduite en droit français par la loi du 26 juillet 2005. En effet, ce texte dispose que : "Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein

droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes". La connexité des

obligations réciproques doit être démontrée sans quoi la compensation ne peut jouer. Si la loi a validé le principe de compensation entre dettes et créances connexes, elle a laissé le soin à la Cour de Cassation de définir les contours de cette notion. L'absence de définition claire et précise explique le large contentieux et l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent encore les créanciers débiteurs164.

163 En effet, l'article 1290 du Code civil dispose que : "La compensation s'opère de plein droit par la seule force

de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives."

164 Il peut y avoir compensation dès lors que les créances et les dettes nées de plusieurs conventions, constituent

les éléments d'un ensemble contractuel unique, servant de cadre général aux relations d'affaires entre les parties : Cass. Com. 14 mars 2000, n°97-16.752.

La compensation est considérée comme un mode de paiement de dettes réciproques. Mais, la question qui se pose ici est celle de savoir si un associé peut compenser sa dette d'apport avec une créance qu'il a sur la société ? La technique pourrait être intéressante pour toutes les personnes intervenant au sein de la société. Pour l'associé, la compensation pourrait lui permettre de se libérer de son engagement d'apport envers la société165 sans opérer un transfert concret de patrimoine à patrimoine. Pour la société également, le mécanisme la libère du paiement de la créance de l'associé. Pour les créanciers, le créancier/associé dont la dette a été compensée n'est plus un concurrent sur le capital social. Mais, il se pose un problème sur la réalité de la libération de l'apport surtout lorsque la société ne dispose pas à l'actif le montant de l'apport à intégrer au capital social. Pour cela, il convient de voir si les compensations conventionnelle (A) et judiciaire d'une dette d'apport avec la créance d'un associé sont autorisées (B).

A. La compensation conventionnelle d'une dette d'apport avec une créance sur

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