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Les règles contraignantes de désignation du commissaire aux apports

Les apports concernés par la formation du capital social

A. Les règles contraignantes de désignation du commissaire aux apports

92. Les conditions de majorité au sein des SARL. La loi du 7 mars 1925 instituant les sociétés à responsabilité limitée ne prévoyait nullement l'intervention d'un professionnel aux apports dans ce type de société. C'est la loi du 24 juillet 1966 qui établie une procédure d'évaluation analogue à celle prévue pour la constitution des sociétés anonymes ne faisant pas offre au public246. Le législateur recommande l'évaluation des apports en nature par un

244 CA. Aix, 14 mars 1984, Bull. cons. nat. com. cptes. 1984, p. 334, note E. Du PONTAVICE cité par Y. GUYON,

ouvrage préc., no 105, p. 106.

245 Cass. com. 26 mai 1983, Bull. civ. IV, n° 153, p 134. 246 H. BLAISE, Rép. soc. 1990, v. Apports, n° 480.

commissaire dans cette forme sociale. C'est une prescription de l'article L223-9 du Code de commerce qui dispose que : "Les statuts doivent contenir l'évaluation de chaque apport en

nature. Il y est procédé au vu d'un rapport annexé aux statuts et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux apports désigné à l'unanimité des futurs associés ou à défaut par une décision de justice à la demande du futur associé le plus diligent." Le recours d'un commissaire aux apports pour l'évaluation des apports en nature est une recommandation. Si cette option est choisie, les associés désignent l'expert à l'unanimité. Tous les associés doivent approuver ce choix, on parle de la règle de l'unanimité. Cette nomination évite le recours d'un expert complaisant. Le législateur s'assure ainsi que les valeurs attribuées aux apports en nature ne seront pas frauduleuses. La réalité du capital social en dépend. Si le choix du commissaire est contesté par l'un des associés, la nomination ne relève plus de la compétence des associés. N'importe lequel des associés est habilité à saisir les juges afin qu'ils puissent procéder à la nomination de l'expert. Cette procédure évite aussi la désignation d'un commissaire aux apports de complaisance. Même dans une société à responsabilité limitée, les conditions de nomination du commissaire aux apports garantissent sa neutralité et réduisent les risques de surévaluation.

Dans le cas d'une société unipersonnelle à responsabilité limitée, le législateur recommande l'évaluation des apports en nature par un commissaire. L'associé unique désigne l'expert conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article L223-9 précité247.

93. Les sociétés offrant leurs titres au public. Les sociétés par actions sont celles dont le capital social est divisé en actions248. Dans les sociétés par actions, les règles

applicables à l'évaluation des apports en nature dépendent de la notion d'offre au public. Cette notion d'offre au public a été introduite par l'ordonnance du 22 janvier 2009 pris en application de la loi dite LME du 4 août 2008. La notion d'appel public à l'épargne supprimée comprenait, à la fois, l'admission aux négociations d'instruments financiers sur un marché réglementé et l'offre au public d'instruments financiers. La notion d'offre au public n'intègre désormais que les sociétés procédant à une simple offre au public. Elles ne se voient plus imposer d'obligations drastiques du régime à l'admission aux négociations de titres financiers

247 "Lorsque la société est constituée par une seule personne, le commissaire aux apports est désigné par

l'associé unique. Toutefois le recours à un commissaire aux apports n'est pas obligatoire si les conditions prévues à l'alinéa précédent sont réunies."

sur un marché réglementé. Seuls sont soumis à un statut permanent les émetteurs dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé249. Parmi les sociétés

par actions autorisées à faire une offre au public, il y a la société anonyme et la société en commandite par actions. La société par actions simplifiées est exclue. En effet, Cette interdiction est instituée par l'article L227-2 du Code de commerce qui dispose clairement que : "La société par actions simplifiée ne peut procéder à une offre au public de titres financiers

ou à l'admission aux négociations sur un marché réglementé de ses actions." Les règles sur

l'évaluation de l'apport en nature qui vont suivre ne s'appliquent donc pas à cette forme sociale. Le législateur prévoit qu' : "En cas d'apports en nature comme au cas de stipulation

d'avantages particuliers au profit de personnes associées ou non, un ou plusieurs commissaires aux apports sont désignés par décision de justice, à la demande des fondateurs ou de l'un d'entre eux.250" La nomination du commissaire aux apports à l'unanimité des

associés n'est pas évoquée. Cela dit, les actionnaires ne sont donc pas autorisés à évaluer librement les apports en nature. Ils doivent impérativement faire intervenir un expert de plus désigné par les juges. La saisine judiciaire pourrait être effectuée par un fondateur. Le législateur n'exclut pas la demande collective des fondateurs. Le juge saisi a la possibilité de désigner un ou plusieurs commissaires aux apports. Certes, le recours de plusieurs experts pourrait être coûteux pour la société voire qu'il pourrait complexifier l'évaluation par la multitude des valeurs retenues mais il permet surtout de réduire les erreurs sur la valeur retenue des apports en nature. Plus, il y a d'évaluateurs, moins il y a d'erreur. L'erreur commise par un expert pourrait être corrigée par un autre. D'ailleurs, la valeur retenue n'est pas imposée aux actionnaires. En effet, l'article L225-8 du Code de commerce en son alinéa 3 indique que : "L'assemblée générale constitutive statue sur l'évaluation des apports en

nature." L'importance de la procédure applicable aux sociétés par actions offrant leurs titres

au public apparaît à ce niveau. Par exemple, cette étape n'apparaît pas dans la procédure instituée par l'article L223-9 précité. Au sein des sociétés par actions offrant leurs titres au public, le législateur donne la possibilité aux actionnaires de donner leur avis sur la valeur retenue par les experts de l'évaluation251. Les conditions de quorum et de majorité de

249 Sur ces points V.J.- J. DAIGRE et B.FRANÇOIS, Commentaire de l'ordonnance du 22 janvier 2009 relative à

l'appel public à l'épargne, Rev. soc. 2009, p. 3.

l'assemblée constitutive sont celles prévues pour les assemblées générales extraordinaires252.

Le quorum est atteint si les actionnaires possédant le quart des actions ayant droit de vote sont présents et la majorité est celle relative aux 2/3 des actionnaires ayant droit de vote. Cette procédure est intéressante car elle permet aux apporteurs en numéraire de donner leur avis sur l'évaluation. L'accord des associés est un gage de sécurité car les conditions de majorité aux assemblées générales extraordinaires n'est pas évident à atteindre à moins qu'un seul des actionnaires ne l'ait. La décision de l’assemblée présentera un caractère obligatoire et ne pourra en principe être remise en question253. Autrement dit, l'approbation vaudra fixation définitive de la valeur des apports. Toutefois, il faut souligner que les votes des apporteurs en nature ne sont pas pris en compte dans le décompte de la majorité ou encore du quorum254.

Cette exclusion est intéressante car cela évite que l'apporteur en nature n'influence la décision en sa faveur. La procédure d'évaluation des apports en nature dans les sociétés par actions procédant à une offre au public garantie une bonne formation du capital social. En effet, non seulement la nomination d'un commissaire aux apports de complaisance est écartée mais en plus l'accord des associés non intéressés par les apports en nature évite l'évaluation frauduleuse. D'ailleurs, si l'évaluation est contestée en assemblée, les actionnaires peuvent à l'unanimité décider d'une sous-évaluation en réduisant la valeur retenue. Une telle décision aura pour effet de réduire le capital social ou tout au moins, si l'on obtient de nouvelles souscriptions, de modifier la proportion initialement prévue entre les apports en nature et les apports en numéraire255. Mais, les apporteurs en natures peuvent aussi refuser cette nouvelle

évaluation. Dans ce cas, la mésentente pourrait avoir des conséquences sur la formation de la société. En effet, l'article L225-8 précité infine déclare que "la société n'est pas constituée." Le législateur subordonne ainsi la création d'une société par actions faisant offre au public à l'évaluation des apports en nature. Lorsqu'elle est contestée, il n'y a pas de société. La procédure instituée par l'article L225-8 précité sécurise aussi, les apporteurs en numéraire puisqu'ils peuvent rejeter la valeur retenue par le professionnel si celle-ci leur semble

251 Sur l’histoire de la vérification des apports en nature, voir J. HYBORD, Le problème de l’évaluation des

apports en nature dans les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée, th. Lyon 1931, p. 56 et

s.

252 M. COZIAN,A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, ouvrage préc., n° 488, p. 238. 253 H. BLAISE, Rép. soc. 1990, v. Apports, n° 456.

254 Ibidem. 255 Ibidem.

injustement attribuée. En vérifiant l'exactitude de la valeur de l'apport en nature, les apporteurs en numéraire se rassurent que les droits des apporteurs en nature seront déterminés à proportion de la valeur exacte de l'apport. En effet, si l’apport est frauduleusement surévalué, l'apporteur en nature détiendra injustement des droits au sein de la société ce qui est source d’injustice à l’égard des autres associés.

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