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La méthode d’évaluation des apports en nature

Les apports concernés par la formation du capital social

B. La méthode d’évaluation des apports en nature

89. L'évaluation des apports en nature en fonction de leur valeur réelle. L’évaluation des apports consiste, à partir d'une méthode, à donner une valeur exacte aux apports en nature. Quelle est la méthode d'évaluation des apports en nature recommandée notamment aux associés qui ne sont pas nécessairement des professionnels de l'évaluation des biens ? Dans la première section intitulée "Des infractions relatives à la constitution" du chapitre II du titre IV titré "Dispositions pénales" du Livre II du Code de commerce, il est fait référence de la notion de valeur réelle. En effet, l'article L241-3 applicable à la SARL dispose qu" : "Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros :1° Le

fait, pour toute personne, de faire attribuer frauduleusement à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle". La même recommandation existe pour les sociétés

de capitaux236. L'évaluation des apports en nature à leur valeur réelle s'impose aux associés des SARL au risque de subir une sanction.

Mais que faut-il entendre par valeur réelle ?

Le législateur vise cette notion que pour définir le cas dans lequel la sanction pénale pourrait être prononcée. Cela dit, il n'y a aucun article qui définit la notion de valeur réelle. L'absence de précision des textes s’explique par le fait que l’évaluation d’un apport en nature reste une tâche très complexe et technique. Il parait difficile de fixer dans la loi des règles trop rigides et des méthodes uniformes d’évaluation qui iraient à l’encontre du but de la protection des associés et des tiers237.

90. La contribution jurisprudentielle sur la définition de la valeur réelle. La jurisprudence considère d'abord que l’apport en nature doit être estimé selon un critère objectif c'est-à-dire une valeur aussi proche que possible de la valeur vénale ou du marché. Celle-ci correspond au prix de vente que l’apporteur aurait obtenu du bien s’il l’avait vendu au lieu de l’apporter238. Cependant, cette valeur doit être corrigée car l’apporteur ne reçoit pas

un prix dont il peut disposer, mais des droits sociaux dont la valeur dépendra de la prospérité de la société. Ensuite, l'évaluation des apports en nature pourrait également être déterminée en

236 Art. L242-2, 4° C. com.

237 Rép. Min., RTD com. 1974, p. 302, n° 2.

fonction des critères subjectifs239. Par exemple, lors d’une prise de contrôle d’une société par

une autre, il reste difficile de prétendre qu’il y a marché. En effet, lorsqu’une société se laisse contrôler par une autre, elle lui vend une partie de son capital social, mais en revanche, elle retire certains avantages qui ne sont pas forcément monnayables. Dans cette hypothèse, préconise le député CHAMBON : "Il faut alors tenir compte de l’intérêt que peuvent avoir les apports pour la société contrôlée"240. Pour cela, il faudra faire confiance aux dirigeants des

sociétés qui sont des hommes dynamiques, possédant non seulement le sens des affaires mais également l’expérience et le savoir-faire. Le Tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire des frères WILLOT, n’a pas rejeté cette conception dite subjective. En effet, il affirmait que : "Si les dirigeants de la société apporteuse et de la société réceptrice ont débattu contradictoirement et librement de la valeur de ces apports et de leur rémunération, on ne saurait leur faire grief de les avoir valorisés en considération de l’intérêt économique né du rapprochement des deux entreprises, surtout s’agissant d’entreprises industrielles"241. Ainsi la conception subjective

se fonde sur l’observation que les apports sont effectués à l’occasion d’une opération déterminée, spécifique, réalisée dans la perspective le plus souvent d’un rendement ou d’une rentabilité accrue. En conséquence, les motivations de l’opération permettent légitimement de valoriser ces apports de façon sensible. La prise en compte des critères objectifs puis subjectifs révèle la difficulté de chiffrer un apport en nature. Peu importe la formule utilisée pour le calcul de la valeur d’un bien, il demeure impossible de déterminer avec certitude la valeur exacte d’un bien étant donné le caractère relatif et aléatoire de la valeur d’un bien. En effet, les apports en nature représentent le plus souvent des biens qui comme les immeubles ou le fonds de commerce, ne font pas l’objet d’un prix de marché indiscutable242. C'est la

raison pour laquelle la Haute juridiction laisse toute liberté aux évaluateurs de choisir leur méthode d’évaluation tout en préférant tout de même le critère objectif renvoyant à la valeur vénale ou marchande des biens apportés243.

239 Cass. crim. 12 avr. 1976, JCP 1977, II, 18523, note Y. GUYON ; Rev. soc. 1977, p. 293, note B. BOULOC. 240 Rép. Min., RTD com. 1974, op. cit., n° 15.

241 TGI. Paris, 16 mai 1974, Rev. soc. 1975, p. 657, note B. O. ; RTD com. 1976, p. 579, obs. R. HOUIN ; CA.

Paris, 3 mai 1975, Gaz. Pal. 1976, 1, p. 8, note A. P. S. ; J. LACOSTE, Les commissaires de sociétés dans l'affaire

Agache - Willot, JCP CI 1975, II, 11855.

242 Y. GUYON, Droit des affaires, op. cit., no 105.

Nous constatons que lorsque les associés décident d'évaluer les apports en nature, les textes imposent de prendre en compte sa valeur réelle et la jurisprudence recommande également cela bien qu'elle reconnaisse la difficulté à évaluer ces apports. Cette méthode évite que le capital social ne corresponde pas à une valeur fictive. Et il en est de même lorsque l'évaluation est faite par un expert.

§ 2. L'évaluation des apports en nature par un expert

91. Les apports en nature effectués au sein des sociétés à risque limité ne peuvent être évalués que par un expert. Le recours à un expert de l'évaluation pourrait permettre de diminuer les risques de surévaluation des apports en nature. En effet, c'est un technicien de l'évaluation doté de larges pouvoirs d'investigations244. En outre, il agit sous sa propre responsabilité245. Mais, son indépendant doit être garantie pour éviter qu'il ne favorise les

intérêts des associés apporteurs en nature au détriment des apporteurs en numéraire. Mais, également, cette indépendance assure la réalité du capital social. Or, nous verrons que les règles applicables à la désignation d'un commissaire aux apports ne garantissent pas toujours son indépendance. En effet, ces règles sont plus souples dans certaines formes sociales à risque limité (A) et plus contraignantes dans d'autres (B).

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