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Distinction entre l'apport en numéraire et les sommes laissées dans les comptes de la société

Les apports concernés par la formation du capital social

A. Distinction entre l'apport en numéraire et les sommes laissées dans les comptes de la société

62. Toutes les sommes d'argent ne représentent pas des apports en numéraire. Certes, les apports en numéraire correspondent à des instruments monétaires184 et se présentent sous forme d'argent mais, eux seuls intègrent le capital social et sont régis par les règles relatives au dépôt et au retrait des fonds en cours de formation de la société (1). Ce n'est pas le cas des sommes d'argent laissées dans un compte courant ou encore des primes (2).

1. Dépôt et retrait de l'apport en numéraire

63. Le dépôt de l'apport en numéraire. Seuls les apports en numéraire dans les sociétés à risque limité sont soumis au régime obligatoire du dépôt. C'est pour éviter que les fondateurs ne soient tentés de mettre en échec la formation du capital en phase de constitution de la société. Le législateur s'assure ainsi que les apports en numéraire formeront le capital social. L'alinéa 4 de l'article L223-7 du Code commerce dispose que : "Les fonds provenant

de la libération des parts sociales sont déposés dans les conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat." La même idée s'entrevoie à l'article L225-5 du même Code sous les

termes suivants : "Les fonds provenant des souscriptions en numéraire…font l'objet d'un

dépôt dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat". L'application de ce texte

s'étend aux sociétés en commandite par actions et par actions simplifiées compte tenu des articles L226-1 alinéa 2 et L227-1 alinéa 3 du même Code qui n'excluent pas cet article. Le dépôt doit être effectué dans les huit jours suivant la date de réception des fonds avant l'immatriculation de la société. En effet l'alinéa 2 de l'article L225-5 précité indique que : "A

l'exception des dépositaires visés par le décret prévu à l'alinéa précédent, nul ne peut détenir plus de huit jours les sommes recueillies pour le compte d'une société en formation." La

formulation du texte est impérative compte tenu de l'emploi de l'expression "nul ne peut" En outre, ce texte permet de penser que ce délai de huit jours court à partir de chaque libération et non pas à la date du dernier versement185. En effet, il est fort possible que les associés ne

184 J. HAMEL, Réflexion sur la théorie juridique de la monnaie in Mélanges dédiés à M. SUGIYAMA, 1940, p. 83. 185 Mémento pratique Francis LEFEBVRE, Droit des affaires, sociétés commerciales, édit. 2009, n° 5076, p. 394.

libèrent pas tous en même temps le cinquième ou la moitié de l'apport en numéraire. Cela dit, chaque fois qu'un associé libérera son apport, le responsable de la société en formation devra effectuer le dépôt au plus tard dans huit jours suivant cette libération. Le même délai est imposé par l'article R223-3 du même Code applicable à la société à responsabilité limitée. Quels sont les personnes habilitées à recevoir les apports en numéraire ? Ce sont les articles R223-3 et R225-6 du Code de commerce applicables respectivement aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés par actions qui apportent des précisions. L'application de l'article R225-6 précité s'étend aux sociétés en commandite par actions compte tenu de l'article R226-1 alinéa 2 qui n'exclut pas cet article. En ce qui concerne la société par actions simplifiées, le législateur est muet sur l'applicabilité de l'article R225-6 précité. Mais comme l'article L227-1 n'exclut pas l'application de l'article L225-5, cela laisse entendre que l'article R225-6 précité s'impose aux sociétés par actions simplifiées. Selon les articles R223-3 et R225-6 contenant les mêmes idées : "les fonds provenant" "de la libération des parts

sociales" ou "des souscriptions en numéraire" "sont déposés pour le compte de la société en formation et par les personnes qui les ont reçus à la Caisse des dépôts et consignations, chez un notaire ou dans un établissement de crédit." Le législateur donne la possibilité aux

associés de choisir le lieu pour déposer la totalité des apports en numéraire libérés partiellement. Le dépôt des fonds à la caisse de dépôt et de consignation est non seulement gratuit mais en plus l'argent laissé bénéficie d'une rémunération186. Mais il peut aussi être

effectué chez un notaire dans ce cas, il pourrait être facturé. En ce qui concerne les banques, elles ne sont pas tenues d'accepter la demande des associés dans ce cas, les responsables de la société en formation peuvent rechercher une autre banque.

64. Le retrait de l'apport en numéraire. Nous venons d'indiquer l'obligation faite aux responsables des sociétés à risque limité de déposer les fonds reçus des associés auprès des trois personnes habilitées légalement. Avant l'immatriculation, ces fonds demeurent indisponibles auprès des dépositaires187. Cela dit, aucune compensation n'est tolérée entre une

dette de l'apporteur à l'égard du dépositaire188. Si par exemple, le dépôt est effectué auprès

186 Mémento pratique Francis LEFEBVRE, Droit des affaires, sociétés commerciales, op. cit., n° 5076, p. 395 ;

Rep. Bruno, AN 20 juin 2006, p. 6639, n° 89139.

187 A propos d'une société à responsabilité limitée mais transposable aux sociétés de capitaux : Cass. com. 19 mai

1998, RJDA oct. 1998, n° 1144 ; Mémento pratique Francis LEFEBVRE, Droit des affaires, sociétés

d'une banque et que l'associé possède un compte personnel à découvert, la banque ne peut faire jouer la compensation légale pour éteindre ce découvert par les fonds effectués par l'associé pour le compte de la société en formation. Les fonds déposés sont rendus indisponibles pour permettre à la société de constituer le capital social. En effet, les alinéas 1 des articles L223-8 et L225-11 du Code de commerce applicables respectivement aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés par actions formulent la même indisponibilité des fonds déposés sous forme d'interdiction de retrait. Selon ces textes : "Le retrait des fonds

provenant" "de la libération des parts sociales" ou "des souscriptions en numéraire" "ne peut être effectué par le mandataire de la société avant l'immatriculation de celle-ci au registre du commerce et des sociétés." Ce n'est qu'après l'immatriculation de la société que les

fondateurs sont autorisés à retirer les fonds. Cette autorisation est instituée aux mêmes articles. En effet, les articles R223-4 et R225-11 du Code de commerce applicables aux sociétés à risque limité indiquent que : "Le retrait des fonds" "est effectué" "par le mandataire de la société sur présentation du certificat du greffier attestant l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés.". Mais que se passe-t-il lorsque la société n'est pas

immatriculée au registre du commerce et des sociétés ? Lorsque la société n'est pas immatriculée, il faut considérer qu'elle ne s'est pas constituée dans les temps. Le législateur donne un délai de six mois à compter de la date du premier dépôt des fonds pour demander l'immatriculation de la société. A défaut de cette demande, le sort des fonds déposés semble être réglé par le législateur. L'alinéa 2 de l'article L223-8 du Code de commerce applicable aux sociétés à responsabilité limitée dispose que "les apporteurs peuvent individuellement

demander en justice l'autorisation de retirer le montant de leurs apports. Dans les mêmes cas, un mandataire, dès lors qu'il représente tous les apporteurs, peut demander directement au dépositaire le retrait des fonds." L'associé d'une société à responsabilité limitée peut

entreprendre une démarche individuelle pour retirer son argent auprès du dépositaire. Une procédure pour le retrait collectif est également prévue via un mandataire. Dans tous les cas, le retrait n'est pas direct dans le sens où il doit être autorisé par le juge. Dans les sociétés de capitaux, le retrait individuel semble impossible puisque le législateur ne vise que le retrait collectif. En effet, l'article L225-11 du Code de commerce indique que : "tout souscripteur

peut demander en justice la nomination d'un mandataire chargé de retirer les fonds pour les restituer aux souscripteurs, sous déduction des frais de répartition." La demande individuelle

de l'actionnaire au tribunal ne porte pas sur le retrait des fonds mais sur la désignation d'un mandataire chargé de récupérer l'argent pour une restitution aux associés.

2. Distinction entre l'apport en numéraire, le compte courant et les primes

65. Distinction entre l'apport en numéraire et les sommes laissées en compte

courant. L'apport en numéraire doit être distingué des avances en compte courant. En effet,

toutes les sommes d'argent effectuées en société ne sont pas systématiquement incorporées au capital social. Il en est ainsi des sommes abandonnées au sein des comptes courants d'associés. Un apport pourrait être rémunéré en partie par des droits sociaux c'est-à-dire des parts ou des actions et l'autre partie par la création d'un compte courant au profit de l'apporteur189. Les sommes déposées en compte courant ont la nature de prêt et non d'apport en numéraire intégrable au capital social190. En effet, les avances en compte courant ne sont

pas mises en commun comme le prescrit l'article 1832 du Code civil. Elles participent certes à l'exploitation de l'entreprise commune des associés, mais elles n'intègrent pas le capital social. Elles sont plus proches des prêts que des apports du capital. Le détenteur d'un compte courant possède les mêmes droits qu'un prêteur à savoir le droit au remboursement de son capital à l'échéance et le paiement des intérêts. Alors que l'apport en numéraire est destiné à garantir la protection des créanciers. Ainsi, son remboursement n'est possible en fin de vie sociale que si la société ne possède aucune dette. Il y a là une différence de nature qui permet de distinguer les sommes laissées en compte courant et celles apportées au capital social. C'est ce qui justifie leur différence de poste d'un point de vue comptable. Alors que le montant du capital figurant dans l'acte de société est enregistré au compte 101 "Capital social", le compte

455 "Associés - Comptes courants" enregistre à son crédit le montant des fonds mis ou laissés temporairement à la disposition de l'entité par les associés.

66. Distinction entre l'apport en numéraire et les primes. Ce sont des sommes d'argent réclamées aux associés en cours de vie sociale lors des opérations d'augmentation de

189 Lamy, Sociétés commerciales, op. cit., n° 242, p. 111.

190 Cass. civ. 3 février 1999, n° 259, note P. B. ; I. URBAIN -PARLEANI, Les comptes courants d’associés, th.

capital191. Elles peuvent aussi être exigées lors des opérations de fusion et de scission192. La

prime exigée au nouvel associé constitue le paiement d’un " droit d’entrée" et d’un droit de

"rester" en guise d’adhésion au "club social" pour pouvoir bénéficier des réserves. Elle

pourrait se confondre avec une indemnité due par les nouveaux actionnaires à raison du préjudicie subi par les anciens actionnaires qui ne sont plus les seuls à avoir des droits sur les réserves. Peu importe, le nouvel associé reste tenu de verser une somme d'argent en plus de l'apport incorporé au capital social. En effet, l'article L225-128 du Code de commerce précise bien que : "Les titres de capital nouveaux sont émis" "à leur montant nominal" "majoré d'une

prime d'émission." Lorsque la prime est imposée aux nouveaux associés, les juges estiment

qu'elles s'apparentent à un complément d'apport193.

Cette obligation imposée au nouvel associé par les anciens semble être possible dans les sociétés par actions. En effet, l'article L225-128 précité prévu pour la société anonyme s'applique également aux sociétés en commandite par actions et par actions simplifiées compte tenu de l'absence d'exclusion des articles L226-1 alinéa 2 et L227-1 alinéa 3 du même Code. Cependant, en ce qui concerne la société à responsabilité limitée, elle emprunte son caractère fermé aux sociétés de personnes. Ainsi tout comme ces dernières formes sociales, le capital social n'est pas ouvert au public. L'adhésion des nouveaux membres reste conditionnée par la procédure d'agrément. La loi ne fait pas référence à la prime, ce qui ne signifie pas qu'elle soit interdite194. Les statuts de ces formes sociales pourraient donc prévoir une prime

en cas d'augmentation de capital.

L'apport en numéraire résulte d'une prescription légale. En effet, l'article 1832 du Code civil l'impose comme élément essentiel pour la formation de la société. Et les dispositions de l'article 1843-2 alinéa 2 du même Code laissent entendre qu'il compose le capital social. L'apport en numéraire est libéré partiellement à la formation de la société alors que la prime d'émission doit être intégralement libérée conformément aux dispositions de l'article L225- 144 du Code de commerce lors des opérations d'augmentation de capital. Cette libération immédiate et intégrale de la prime ne s'applique aux sociétés de capitaux. Mais bien que le

191 V. J.- F. ARTZ, Rép. soc. D. 2009, v. Prime d’émission. 192 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., p. 274.

193 Cass. Com. 9 juill. 1952, JCP G 1953, II, 7742, note D. BASTIAN ;J. CI MAY, La valeur nominale des

actions de sociétés, th. Paris 1980, p. 1. 560.

législateur n'impose pas la prime lors des opérations d'augmentation de capital de la société à responsabilité limitée, lorsque les associés décident d'imposer une prime, celle-ci doit être libérée intégralement195. Cette solution découle de la libération intégrale des apports lors d'une augmentation de capital d'une société à responsabilité limitée. La différence entre la prime et l'apport apparaît également en comptabilité. Le compte 104 "Primes liées au capital

social" enregistre les différentes catégories de primes alors que l'apport en numéraire est

inscrit au compte 101 "Capital social".

L'apport en numéraire se présente sous forme d'argent mais, se distingue des autres sommes d'argent dans la mesure où il est soumis au régime du dépôt et du retrait après l'immatriculation de la société et surtout lui seul intègre le capital social196.

Il convient maintenant d'apporter une distinction entre les apports et le bien rémunérée par un avantage particulier.

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