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Les conditions spécifiques du contrat de cautionnement

L'utilité du capital social au sein des garanties de droit commun

B. Les conditions spécifiques du contrat de cautionnement

198. Le non-respect des conditions spécifiques du cautionnement entraîne-t-il des conséquences sur la protection du créancier ? En effet, en plus des conditions de droit commun, le législateur soumet le contrat de cautionnement à deux obligations spécifiques à

savoir la vérification du créancier de la solvabilité de la caution (1) et l'information de la caution sur l'étendue de ses engagements (2).

1. La vérification de la solvabilité de la caution

199. La consécration jurisprudentielle de l'obligation d'information portant sur le

patrimoine privé de la caution. Contrairement à l'obligation d'information sur la dette de la

caution que nous verrons dans le point suivant, l'information sur le patrimoine privé de la caution reste une consécration jurisprudentielle. En effet, c'est la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 17 juin 1997 qui est venue renforcer la protection de la caution493. Dans les faits, le président du conseil d'administration d'une société s'était porté caution envers une banque à hauteur d'un montant de 20.000.000 F monnaie de l'époque outre les intérêts, commissions, frais et accessoires. La société, placée en redressement judiciaire, la banque a alors assigné la caution en paiement de son engagement. La Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 8 février 1995 ne lui donna que partiellement satisfaction. Elle condamna la banque à payer 15 millions de francs au dirigeant à titre de dommages-intérêts et ordonna la compensation de cette somme avec celle des 20 millions de francs en vertu de son engagement de caution. La Haute Cour par décision du 17 juin 1997, approuva les juges du fond d'avoir estimé qu'" en raison de l'énormité de la somme garantie par une personne

physique, que, dans les circonstances de fait, exclusives de toute bonne foi de la part de la banque, cette dernière avait commis une faute en demandant un tel aval, sans aucun rapport avec le patrimoine et les revenus de l'avaliste". Les juges imposèrent alors une nouvelle

obligation pour le créancier de vérifier la proportionnalité entre la garantie demandée et les moyens du garant.

200. Le fondement juridique de l'obligation d'information jurisprudentielle. L'obligation de vérifier la solvabilité de la caution découle aussi des dispositions de l'article 2295 du Code civil. Selon ce texte : "Le débiteur obligé à fournir une caution doit en

présenter une qui ait la capacité de contracter et qui ait un bien suffisant pour répondre de

493 Cass. com. 17 juin 1997, JCP E 1997, II, p. 1007, note D. LEGEAIS ; Dr. Soc. 1997, comm. n° 8, obs. TH.

BONNEAU ; RTD Com. 1997, p. 662, obs. M. CABRILLAC,Solution contraire v. CA. Versailles, 15 mai 2008 Bull.

l'objet de l'obligation." Il ressort de ce texte que l'obligation de fournir une caution solvable

pèse sur le débiteur et non sur le créancier. Pour revenir à l'arrêt du 17 juin 1997, il a été souligné que la décision des juges posait un problème de fondement494. Au vrai la Cour de cassation fait une application extensive de l'article L341-4 du Code de la consommation modifié par l'ordonnance du 15 juillet 2009 qui prévoit qu' : "Un établissement de crédit…ne

peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement … conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus…". Or, ces dispositions sont intégrées au chapitre III relatif aux dispositions

communes aux chapitres Ier et II qui excluent des crédits à la consommation et immobiliers les financements destinés aux besoins d'une activité professionnelle495. Le droit à la

consommation gagne peu à peu l'ensemble du droit496. Toutefois, l'article 126 intégré au Code

de commerce à l'article L650-1 créé par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises reprend le contenu de l'article L341-4 du Code de la consommation. Le législateur institue ainsi l'obligation pour la banque de vérifier l'étendue du patrimoine de la caution avant de l'engager. Selon ce texte : "Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire

ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci." Le législateur institue l'irresponsabilité du

créancier en cas d'ouverture d'une procédure collectif ou de liquidation judiciaire. Ce principe ne s'applique pas dans trois cas. Il en est ainsi lorsque le concours consenti est frauduleux ou lorsque le créancier s'est immiscé dans la gestion des affaires sociales. Le créancier est déclaré responsable lorsqu'il exige une garantie disproportionnée par rapport à son concours. L'emploi au pluriel du terme "garantie" permet d'inclure toutes les garanties y compris la caution. L'article L650-1 précité ne s'applique que dans le cadre des procédures collectives mais vise tous les créanciers497.

494 B. LEGROS, La protection jurisprudentielle du dirigeant social caution, Rev. soc. 1998, p. 297. 495 Art. L311-3 et L312-3 C. cons. créés par la loi 93-949, 1993-07-26 annexe JORF 27 juillet 1993.

496J. CALAIS -AULOY, L'influence du droit de la consommation sur le droit civil des contrats, RTD civ. 1994, p.

239.

497 J. MOURY, La responsabilité du fournisseur de "concours" dans le marc de l'article L650-1 du Code de

201. La sanction du créancier en cas de concours démesuré. La banque peut être sanctionnée si son concours est disproportionné par rapport au patrimoine de la caution. En effet, l'alinéa 2 de l'article L650-1 précité dispose que : "Pour le cas où la responsabilité d'un

créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge." Les juges retiendront la responsabilité du créancier dès que

le lien de causalité entre le préjudice de la société et le concours est établi498. Le préjudice doit alors découlé d'un concours disproportionné. Le caractère démesuré du concours est apprécié au moment où le contrat est conclu. Cela dit, la protection qu'offre la caution n'est donc pas totale. Le créancier n'est donc pas à l'abri de perdre sa protection. La meilleure solution consiste pour lui de traiter avec une société qui dispose d'un capital social important.

202. L'importance d'un capital social élevé dans les sociétés à risque limité. Lorsque les associés sont responsables personnellement des dettes de la société, les créanciers peuvent les actionner pour obtenir le remboursement des dettes sociales. Ils offrent ainsi leur patrimoine privé en garantie supplémentaire aux créanciers après le patrimoine social de la société. Il n'est donc pas utile au créancier d'exiger un cautionnement comme garantie aux associés responsables des dettes de la société. Dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple, les associés et les commandités répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales499. Autrement dit, un seul des associés peut être condamné par le juge pour

le paiement de toute la dette sociale. Le créancier n'a donc pas à fractionner son recours entre les différents associés. Les associés de sociétés civiles sont responsables indéfiniment. Aucune solidarité n'est instituée entre eux par l'article 1857 Code civil. La mise en œuvre de la responsabilité indéfinie suppose alors que l'associé ne paie la dette sociale sur son patrimoine privé que dans la limite de sa participation au capital social. Le créancier doit alors fractionner ses recours en fonction du nombre d'associé et par rapport à leur participation au capital social. Les créanciers de sociétés à risque illimité ont donc de solides garanties en dehors du capital social. Ce qui n'est pas le cas au sein des sociétés à risque limité puisque les associés ne sont responsables que dans la limite du montant de leurs apports. Cette limitation de responsabilité est instituée par les articles L225-1, L227-1, L223-1 et L226-1 du Code de commerce. Toutefois, le dernier texte apporte une distinction entre les commandités qui sont

498 Cass. com. 10 mai 1994, 92-15881 Lex- base A8048AHK. 499 Art. L221-1 et L222-1 C. com.

responsables indéfiniment et solidairement et les commanditaires qui "ne supportent les

pertes qu'à concurrence de leurs apports". Cette limitation de responsabilité n'est pas source

de préjudice pour les créanciers lorsque la société dispose d'un capital social important. Dans ce sens M. le professeur Mortier affirme "sans crainte de se tromper"500 "l'utilité d'un capital

social élevé"501. Mais, lorsque le capital social est faiblement déterminé, les créanciers

craignent qu'il ne puisse garantir leur protection. C'est la raison pour laquelle, ils essayeront de contourner la limitation de responsabilité en exigeant soit du dirigeant soit des associés une garantie personnelle c'est-à-dire une caution. Toutefois, compte tenu des conditions drastiques imposées au contrat de cautionnement, les créanciers ont tout intérêt à ce que la société dispose d'un capital social important pour éviter que leur protection ne disparaisse.

2. L'information de la caution

203. Les obligations du créancier pendant l'exécution du contrat de

cautionnement. L'article 48 devenu L313-22 du Code monétaire et financier prévoit une

obligation d'information de la banque au profit de la caution en matière de contrat de prêt. Selon ce texte : "Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une

entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée."

Le champ d'application de cet article est tout de même restreint puisque l'obligation d'information s'impose uniquement à un seul type de créancier : les établissements de crédit. En outre, tous les concours bancaires ne déclenchent pas l'obligation de l'article L313-22 précité. Seuls les prêts accordés sous la condition d'une caution engendrent cette obligation. Le créancier de l'obligation d'information reste la caution personne physique ou personne morale. Toutefois, le problème de l'exclusion des cautions professionnelles du champ

500 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 46, p. 35. 501 Ibidem.

d'application de l'article L313-22 précité s'est bien posé puisque les solutions jurisprudentielles sont controversées. En effet, la Cour d'appel de Dijon dans un arrêt rendu le 24 juin 1993 avait refusé d'accorder à la caution professionnelle ce droit. Alors que la Haute juridiction en 1995 a eu une approche permissive et extensive. Elle considère que : "Les

dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 sont applicables jusqu'à l'extinction de la dette, à toute caution sans distinction, fût-elle dirigeante de la société cautionnée"502.

Toutefois, cette décision occulte ainsi totalement la qualité de la caution initiée par une interprétation large des dispositions de l’article L313-22 précité. Il y a là une protection totale des cautions au détriment des créanciers503. Sur la forme de la notification, aucune contrainte

n'est imposée ce qui veut dire qu'elle reste libre. Sur les délais, la banque est tenue d'informer la caution au plus tard avant le 31 décembre de chaque année. Tant que, le crédit n'est pas totalement remboursé, ce délai légal doit être respecté. En ce qui concerne le contenu de l'information, le montant du principal y compris les intérêts, commissions, frais et accessoires doivent être divulgués à la caution.

L'article 2293 du Code civil a un champ d'application plus vaste. Il vise tous les créanciers et toutes les cautions personnes physiques. Le débiteur de l'information reste le créancier. Il doit informer la caution "de l'évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires

au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat".

204. La sanction de l'inobservation des obligations du créancier pendant

l'exécution du contrat de cautionnement. L'alinéa 2 de l'article L313-22 dispose que : "Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette." C'est sur le terrain de la responsabilité civile que le non-respect des dispositions de

l'article L313-22 précité est sanctionné. Les juges ont déjà prononcé cette sanction504. La

502 Cass. com. 20 juin 1995, Bull. Joly 1995, p. 957, § 347, note P. DELEBECQUE ; Cass. civ. 1er, 27 février 1996,

Bull. civ. 1996, n° 109, p. 76.

banque est tenue de respecter scrupuleusement le contenu de l'information. Cela dit, elle est sanctionnée si son action se limite à une simple lettre d'invitation à demander ces informations. En effet, dans un arrêt du 2 février 1996 rendu par la Cour d'appel, les juges ont estimé que : "ne constitue pas une information conforme aux dispositions de l'article 48 de la

loi du 1er mars 1984, la lettre simple par laquelle une banque fait savoir à la caution qu'elle

tient à sa disposition, "sur simple demande écrite de sa part", le montant au 31 décembre de l'exercice écoulé des différents engagements garantis"505. Dans ces conditions la caution

bénéficiant de la déchéance des intérêts prévue par ces dispositions ne peut être tenue. Les intérêts dus au créancier ne pourront plus être réclamés à la caution s'il arrivait que le débiteur soit insolvable. Dans ces conditions, le contrat de cautionnement sollicité par les banquiers pour compléter l'insuffisance du capital social pourrait ne pas être satisfaisant. D'où l'importance du capital social.

Nous constatons que l'efficacité de la garantie personnelle reste incertaine. Il a été d'ailleurs dit que : "Les sûretés personnelles constituent un mauvais palliatif à l'absence de

capitaux propres pour une société donnant exclusivement son propre patrimoine en garantie"506. Face aux inconvénients de la garantie personnelle révélés dans cette étude, la

meilleure solution reste la constitution d'un capital social suffisant pour les créanciers. Les créanciers ont donc intérêt à ce que les sociétés à risque limité disposent d'un capital social important pour espérer ne pas avoir à prendre une garantie personnelle.

Si le contrat de cautionnement reste soumis à des conditions strictes susceptibles de mettre en danger le créancier, qu'en est-il des garanties réelles ?

§ 2. Les garanties réelles

205. Les sûretés réelles permettent au créancier d'affecter prioritairement une partie ou tout le patrimoine social du débiteur pour garantir le remboursement de sa créance. Ces

504 Cass. com. 17 juin 1997, D. P. nov. 1997, n° 54, p. 77, note B. SAINT-ALARY ; Cass. com 27 nov. 1991, JCP

G 1992, IV, p. 40 ; Cass. com. 20 juin 1995, Bull. Joly 1995, 2, p. 957, § 347, note P. DELEBECQUE ; Cass. civ. 1er, 27 févr. 1996, Bull. civ. 1996, n° 109, p. 76.

505 CA. 2 févr. 1996, RJDA 5/96, n° 675.

506 L'auteur souligne les inconvénients des garanties réelles v. S. SCHILLER, Les limites de la liberté

garanties lui permettent également de s'affranchir de la loi du concours par un droit de préférence sur le patrimoine social. Pour ces deux raisons, les sûretés réelles peuvent constituer des garanties intéressantes. Mais le capital social a sa place au sein de ces garanties. En effet, il garantit en première ligne, la formation du patrimoine dans lequel les créanciers pourront prendre divers supports répertoriés à l'actif pour se prémunir du risque d'insolvabilité de la société (A). En outre, l'efficacité des garanties réelles reste incertaine dans la mesure où le bien sur lequel la garantie des créanciers repose est susceptible de variation. En outre les procédures collectives peuvent mettre en échec la protection individuelle du créancier. Cela dit, les garanties réelles sont risquées (B).

A. Le capital social : première ligne garantissant la formation du patrimoine sur

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