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Problématique, intérêt et plan du sujet

21. Problématique. Les entorses légales aux règles régissant le capital social103 et les

critiques proférées104 à l'encontre du capital social amènent à s'interroger sur l'utilité du

maintien du capital social. Cette notion familière est-elle réellement inutile ? Si oui, pourquoi alors une autre partie de la doctrine indique que le capital social reste une notion utile105?

Même au niveau européen, le Groupe à haut niveau d'experts en droit des sociétés du 4 novembre 2002 a reconnu l'utilité des fonctions du capital légal, telles que décrites par la théorie juridique et financière orthodoxe. À de nombreuses reprises, le capital légal a été

comparé à un chiffre témoin qui empêche les transferts illégaux d'actifs de la société vers ses membres. Pour résumer, dans leur très grosse majorité, les répondants considéraient que la protection des droits des créanciers et des actionnaires constituait la principale fonction assumée par le capital légal.

Est-ce vraiment le capital social en lui-même qui est inutile dans les missions qui lui sont assignées ? En effet, il a été dit que le capital social est devenu inutile aux Etats-Unis d'Amérique parce qu'il a été au préalable vidé de son contenu106. Ainsi, la question de savoir

si les modifications apportées à la loi du 24 juillet 1966 ont-elles vidé le capital social de sa substance au point où il n'est plus à même de remplir ses missions se pose. A cette question, un auteur a pu dire que "le législateur n'a toutefois pas encore franchi le rubicond qui

transforme le sceptique en non-croyant! … Si l'on a aujourd'hui très largement supprimé l'exigence légale d'un capital social minimum, tant dans le cadre des sociétés à responsabilité limitée que dans celui des sociétés par actions simplifiées ; si on a assoupli cette même exigence jusque dans le cadre des sociétés anonymes, l'exigence même d'un capital social paraît subsister"107. Et même que les auteurs qui ne sont pas très favorables au maintien du

103 V. n° V de cette introduction. 104 V. n° VI de cette introduction.

105 S. DANA -DEMARET, Le capital social, th. Litec Paris 1989, p. 257 ; R. MORTIER, Opérations sur capital

social, op. cit.; G. ANDRIEUX, Capital social et protection des créanciers. Approche comparative

France/Etats-Unis, Global Jurist Topics, 2002, vol. 2, issue 2, art. 3.

106 L. ENRIQUES and J. - R. MARCEY, Creditors versus capital formation : the case against the European

Legal Capital Rules : Cornell Law Review, vol. 86, p. 1169 cité par R. MORTIER, Opérations sur capital

capital social reconnaissent que le capital social "produit encore une lumière"108 voire qu'elle

ne gêne pas109. Il convient alors de vérifier tout ceci en analysant les règles applicables aux

sociétés.

Peut-on se passer du capital social alors même que l'incertitude du système américain a été dénoncée par la doctrine110 ? En effet, elle indique que contrairement au droit français, le système américain sacrifie les intérêts des créanciers en les obligeant à prendre des garanties conventionnelles111. Ainsi, le droit américain des sociétés ne prévoit pas des règles assurant la protection des créanciers. Pour cela, le professeur Le Nabasque s'est demandé "si le système

français, aussi artificiel et compliqué soit-il, n'est pas, si non le meilleur, du moins un système parmi d'autres, pas plus mauvais qu'un autre, et d'inspiration - certainement - extrêmement libérale, qui pourrait justifier qu'on le conserve encore un peu…"112.

Le capital social semble vivre encore et possède même un avenir ! Cet avenir a été prédit par le Président Sarkozy lors de son discours tenu à l'ouverture de la conférence "Nouveau monde, nouveau capitalisme". Il a déclaré publiquement qu'"on doit moraliser le capitalisme et pas le détruire…il ne faut pas rompre avec le capitalisme, il faut le refonder"113. Ainsi, n'est-ce pas

le moment de reconsidérer le capital social tel qu'il était édicté par la loi du 24 juillet 1966 ? N'est-ce pas le moment de réparer et de rénover les entorses effectuées aux règles régissant le capital social ? Comment faire pour permettre au capital social d'assurer efficacement ses missions ? Ces interrogations amènent à pister les règles régissant le capital social qui l'empêchent de remplir efficacement ses missions pour pouvoir apporter des solutions satisfaisantes.

107 G. J. BOUTE,La responsabilité financière des associés, contribution à l'étude du capital social, th., préc.

n° 7, p. 12 ; A. PIETRACOSTA, Capital zéro ou zéro capital, in Quel avenir pour le capital social ? op. cit., p. 133.

108 A. CAILLEMER DU FERRAGE, L'utilisation d'instruments financiers à terme dans le cadre de programmes de

rachat d'actions, Banque et droit 1999, p. 3.

109 G. PARLEANI, Le financement du capital. Réflexion sur l'utilité de la notion et son devenir, Rev. soc. 2005, p.

13.

110 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 32, p. 25. 111 R. MORTIER, Opérations sur capital social, op. cit., n° 32, p. 25.

112 H. LE NABASQUE, La fin de la connexion apports/capital, in Quel avenir pour le capital social ? Sous la

direction de A. COURET etH. LE NABASQUE, Dalloz 2004, p. 103.

113 N. SARKOZY, Président de la République française, Nouveau monde, nouveau capitalisme, discours du 8 et 9

22. Intérêt du sujet. Le capital social comporte un intérêt certain. En effet, peut-on réellement se lancer dans les affaires "avec son seul enthousiasme" ou "avec simplement une

fleur au fusil"?114 La réponse à cette question ne peut-être que négative du moins si

l'entrepreneur veut donner une image sérieuse à son affaire. Dans ce sens, n'a-t-il pas été dit que "sans argent, tout est mort, tout est perdu"115. L'"argent" pris dans un sens plus large, regroupe l'ensemble des moyens de subsistance dont une personne "titulaire de la

personnalité juridique" a besoin pour vivre. Ainsi, tout comme les personnes physiques,

l'individualisation de la société, personne morale, implique nécessairement celui de son patrimoine. Bien que le capital social ne puisse se confondre au patrimoine social, il reste tout de même la première composante essentielle dès le démarrage des activités et en cours de vie sociale son maintien peut s'avérer utile. Ainsi, tout comme les personnes physiques, l'individualisation de la société, personne morale, implique nécessairement celui de son capital social qui à cet effet regroupe les premiers moyens de subsistance. On peut dès lors dire qu'une société ne peut se constituer et fonctionner sans capital social. Elle a besoin d'argent, du capital social pour faire face à ses dettes. Sans capital social, la société risque de ne pas avoir de considération auprès des créanciers or, elle a besoin des créanciers pour accomplir ses objectifs. Les créanciers sont les cocontractants de la société. Ils sont comme les créanciers d'une personne physique sans activité économique116. Ainsi, ils ont un droit de

créance sur la société. Il s'agit donc des prêteurs, des fournisseurs et des consommateurs117.

23. Plan du sujet. Le capital social constitue un élément de sécurité pour les intérêts divers réunis au sein de la société à savoir ceux de la société, des créanciers sociaux tout comme ceux des associés. En effet, la société profite du capital social en ce qu'il l'assure un financement. L'exigence d'un capital social contribue certainement au financement de la société grâce aux apports effectués par les associés en phase de constitution et en cours de vie sociale lors des opérations d'augmentation de capital. Cette fonction "dérivée"118 du capital

114 Phrase affirmative exprimée par M. COZIAN,A. VIANDIER et FL.DEBOISSY, Droit des sociétés, op. cit., n°

236.

115 M. VASSEUR, L'entreprise et l’argent, D. 1982, chron. p. 12.

116 N. MATHEY, Recherche sur la personnalité morale en droit privé, th. Paris 2001, n° 369, p. 157. 117 Ibidem.

118 G. J. BOUTE,La responsabilité financière des associés, contribution à l'étude du capital social, th., préc.

social ne sera traitée qu'implicitement puisqu'elle conduit aux deux autres fonctions. En finançant le capital social, la société offre la première protection des créanciers. Aussi, en investissant au capital social, les associés s'assurent un équilibre grâce au mode de répartition rattaché au capital social. En effet, grâce au principe de proportionnalité119, le capital social assure un équilibre dans la répartition des droits et des obligations inhérents à la qualité d'associé.

Le travail consistera à sonder les textes régissant le capital social, garantie des créanciers et clé de répartition des associés afin d'identifier ceux qui ne permettent pas au capital social de remplir ses deux principales missions. Au regard de ce qui précède, il est alors clair que nous n'entendons pas défendre l'idée de suppression du capital social. Portalis, affirmait dans son discours préliminaire du Code civil qu': "Il est utile de conserver tout ce qu'il n'est pas

nécessaire de détruire.". L'idée de conserver le capital social pourrait venir du fait qu'il ne soit

pas nécessaire de le détruire compte tenu de son utilité comme élément de sécurité pour les intérêts tant des créanciers que des associés. L'accent sera particulièrement mis sur les règles régissant la formation et le maintien du capital social et donc les textes permettant à la notion de remplir sa mission de garantie des créanciers. Ce choix découle du fait que non seulement cette mission constitue "le rôle premier du capital"120 mais en plus c'est la mission du capital

social la plus contestée. Ainsi, le découpage du plan ne nous permettra pas de traiter les deux fonctions choisies dans chaque partie. Plus exactement, la fonction de garantie des créanciers réapparaîtra au sein de la seconde partie. Cela dit, la première partie sera consacrée à démontrer l'utilité du capital social comme moyen de protection des créanciers (Partie 1) et la seconde partie nous permettra de démontrer la protection du capital et l'utilité de la notion au profit des associés (Partie 2).

119 Art. 1843-2 et 1844-1 C. civ ; P. DIDIER, Le capital social et la protection des créanciers sociaux, Livre du

Bicentenaire, Université Paris II, D. 2007, p. 199 et s.

PARTIE I

L'UTILITE DU CAPITAL SOCIAL DANS LA PROTECTION DES

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