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Les modalités des sociétés à risque illimité

Variations du capital social

A. Les modalités des sociétés à risque illimité

127. La règle de l'unanimité. Les sociétés à risque illimité sont composées de sociétés en commandite simple, en nom collectif et de sociétés civiles. Les associés sont tenus personnellement sur leur patrimoine privé pour garantir les dettes sociales. Certes, le législateur n'impose aucun capital social minimum dans ces formes sociales, mais elles sont tenues de respecter un certain formalisme lorsqu'elles décident de l'augmentation de leur capital social fixé statutairement. L'article 1835 du Code civil énumère les mentions obligatoires des statuts dont le capital social fait partie. Et l'alinéa 1 de l'article 1836 du même Code applicable à toutes les formes sociales dispose que : "Les statuts ne peuvent être

modifiés, à défaut de clause contraire, que par accord unanime des associés." Le principe de

majorité pour modifier les statuts dans toutes les formes sociales demeure l'unanimité. Toutefois, le législateur semble admettre des dérogations compte tenu de l'emploi de l'expression : " à défaut de clause contraire". Ce principe s'applique à toutes les modifications apportées au capital social. Le capital social fixé statutairement à la formation de la société pourrait alors être modifié. Le principe et l'exception institués à l'alinéa 1 de l'article 1836 précité sont repris à l'article L221-6 Code de commerce applicable à la société en nom collectif. Le principe est formulé de la manière suivante : "Les décisions qui excèdent les

pouvoirs reconnus aux gérants sont prises à l'unanimité des associés." Et l'exception : "Toutefois les statuts peuvent prévoir que certaines décisions sont prises à une majorité qu'ils fixent." Dans le silence des statuts ou lorsque les associés décident expressément d'appliquer

le principe, l'augmentation du capital social d'une société en nom collectif n'est valable que si tous les associés se mettent d'accord sur la nécessité d'augmenter le capital social. Cette règle s'étend également aux sociétés civiles. En effet, l'article 1852 du Code civil précise que : "Les

décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés."

128. La règle de l'unanimité dans les sociétés en commandite simple. Cette règle s'applique différemment à cette forme sociale. L'article L222-9 du Code de commerce indique que : "Les associés ne peuvent, si ce n'est à l'unanimité, changer la nationalité de la société.

Toutes autres modifications des statuts peuvent être décidées avec le consentement de tous les commandités et de la majorité en nombre et en capital des commanditaires." Ainsi,

l'application de la règle de l'unanimité à l'ensemble des associés reste limitée au changement de nationalité. Pour le reste des décisions, les modalités manquent d'homogénéité et cela même au sein d'une assemblée. En effet, il convient de souligner que la société en commandite simple regroupe deux catégories d'associés à savoir les commanditaires et les commandités. A une assemblée décidant de la modification du capital social, la règle de l'unanimité ne s'applique uniquement qu'aux commandités puisqu'ils sont indéfiniment et solidairement responsables. Ce qui n'est pas le cas des commanditaires qui sont tenus des dettes de la société qu'à hauteur de leurs apports. Et pour cette catégorie d'associé, c'est la règle de la majorité qui s'applique. Le législateur semble même leur interdire l'unanimité comme modalité puisque l'alinéa 3 de l'article L222-9 précité indique que : "Les clauses

édictant des conditions plus strictes de majorité sont réputées non écrites."

129. Justification de la règle de l'unanimité. La mise en œuvre de cette règle pourrait s'avérer dangereuse pour la survie de la société308. Si l'augmentation du capital social

est nécessaire pour poursuivre l'activité sociale, le refus d'un seul des associés suffit pour invalider cette décision. Alors, pourquoi cette règle est-elle instituée dans les sociétés à risque illimité ? Dans ces formes sociales, les associés sont responsables de manière illimitée des dettes sociales. Après avoir vainement attaqué la société, le créancier est en droit de mettre en œuvre la responsabilité de l'associé. Dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple pour les commandités, la solidarité de l'associé le condamne pour le paiement de toute la créance. Le condamné bénéficie tout de même d'une action récursoire contre les autres membres. C'est à ce niveau que les juges appliquent la responsabilité indéfinie. En effet, contrairement aux sociétés commerciales à risque illimité, les associés de sociétés civiles sont responsables indéfiniment. Aucune solidarité n'est instituée entre eux puisque l'article 1857

308 H. MATSOPOULOU, La dissolution pour mésentente entre associés, Rev. soc. 1998, p. 21 ; H. MATSOPOULOU,

La simple mésentente ne constitue pas à elle seule une cause de dissolution, note sous Cass. com. 21 oct. 1997,

Rev. soc. 1998, p. 310 ; D. BUREAU, La mésentente entre associés : dissolution pour justes motifs et exclusion

Code civil dispose que : "A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes

sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements." La mise en œuvre de la responsabilité indéfinie suppose alors

que l'associé ne paie la dette sociale sur son patrimoine que dans la limite de sa participation au capital social. Le créancier doit alors fractionner ses recours en fonction du nombre d'associé et par rapport à leur participation au capital social. Pour revenir aux sociétés commerciales à risque illimité, il revient alors à l'associé en nom ou le commandité de fractionner les recours entre les autres membres pour faire jouer leur responsabilité. Dans tous les cas, les associés de sociétés à risque illimité n'engagent leur patrimoine privé que dans la limite de leur participation au capital social. Ici se trouve l'importance de la règle de l'unanimité par rapport à l'augmentation de capital social. En accroissant le capital social, l'associé responsable sur son patrimoine personnel augmente ses engagements. D'ailleurs, l'associé qui s'oppose à l'augmentation de capital social se protège en mettant en application l'article l'alinéa 2 de l'article 1836 Code civil qui prévoit que : "En aucun cas, les

engagements d'un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci." Ainsi,

l'unanimité est instituée comme principe pour décider de l'augmentation de capital social dans les sociétés à risque illimité pour permettre à tous les associés d'approuver l'augmentation de leur engagement. L'associé n'ayant pas approuvé l'augmentation du capital social ne verra pas sa responsabilité s'accroître lorsque les statuts ont opté pour l'application de l'unanimité ou en l'absence de précision des statuts. En effet, en cas de refus d'un associé, le capital social ne sera pas augmenté.

130. La consultation des associés. La réunion d'une assemblée est obligatoire pour l'approbation des comptes annuels309 et lorsque l'un des associés en fait la demande310. En

dehors de ces deux situations visées par les textes applicables aux sociétés commerciales à risque illimité, le silence du législateur pourrait être interprété aussi largement que possible. Il revient alors aux statuts de préciser le mode de consultation des associés afin de décider de l'augmentation de capital. La modification des statuts qu'emporte cette décision n'entraîne donc pas systématiquement la compétence de l'assemblée générale extraordinaire. Les associés peuvent être consultés par écrit en ratifiant un acte sous-seing privé311. Cette absence

309 Art. L221-7 C. com. 310 Art. L221- 6 al. 2 C. com.

de rigueur des textes applicables aux sociétés commerciales à risque illimité s'étend également aux sociétés civiles. L'augmentation de capital social ne relève pas systématique de la compétence de l'assemblée générale extraordinaire. En effet, l'article 1853 du Code civil dispose que : "Les décisions sont prises par les associés réunis en assemblée. Les statuts

peuvent aussi prévoir qu'elles résulteront d'une consultation écrite." L'article 1854 suivant

précise que : "Les décisions peuvent encore résulter du consentement de tous les associés

exprimé dans un acte."

131. L'exclusion des formalités des assemblées au sein des sociétés commerciales à

risque illimité à capital social variable. Les textes qui ont procédé aux refontes successives

du droit des sociétés ont laissé subsister la faculté d'insérer une clause statutaire de variabilité au sein d'une société312. Alors qu'on pouvait s'appuyer sur la loi de 1867 pour mettre en échec la variabilité du capital social313, le principe est dorénavant celui de la validité de telles clauses depuis le 30 décembre 1981314. La possibilité d'insérer une clause de variabilité au sein des statuts s'offre à toutes les formes commerciales à risque illimité compte tenu de l'emplacement des articles L231-1 à L231-8 du Code de commerce. En effet, ces articles sont insérés dans un chapitre 1er lui-même intégré au titre III du Code de commerce intitulé : "dispositions communes aux diverses sociétés commerciales". Il peut être stipulé dans les

statuts des sociétés commerciales à risque illimité que "le capital social est susceptible

d'augmentation par des versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux…"315 Dans les sociétés commerciales à risque illimité, l'augmentation du capital social reste soumise aux conditions précédemment étudiées dont l'inobservation pourrait invalider l'opération. Ces formalités ne s'appliquent pas aux sociétés à capital variable

311 Mémento pratique Francis LEFEBVRE, Droit des affaires, sociétés commerciales, op. cit., n° 4020, p. 345. 312 La réglementation de la société à capital variable se trouve le chapitre premier du titre III du livre II du Code

de commerce consacré aux dispositions communes aux diverses sociétés commerciales. Sur la question, v. notamment J.-P. BERTREL, La variabilité du capital social, DP. 1998, p. 78 ;J.-L. TROUSSET, De l'utilisation de

la société à capital variable, JCP E 1999, p. 16 ; G. BARANGER, Joly Sociétés, Traité, v.Capital variable.

313 P. LE CANNU, SARL à capital variable et libération des parts, Bull. Joly 1995, p. 1034, § 373.

314 En ce qui concerne la pratique de la variabilité du capital social v. M.-H. MONSERIE -BON, Enc. D. Rép. Soc.

v. Capital variable ; G. BARANGER, Joly Sociétés, Traité, v. Sociétés à capital variable ; M. JEANTIN, Juris.

Class. Soc.Traité, v. Sociétés à capital variable, fasc. 167-10 et 167-20, refondus par G. DURAND -LEPINE ;D.

SARRUT et C. CHAMPAUX, Sociétés à capital variable, Dict. perm. Dr. aff. ; J.-P. BERTREL, La variabilité du

capital social, DP. 1998, p. 78 ; G. GOURLAY, Sociétés à capital variable, Dr. Soc. 1995, no 24.

soumises à un régime de droit commun dérogatoire316. En effet, le statut juridique de cette

société engendre des opérations fréquentes sur le capital social qu'il n'est pas nécessaire d'alourdir son fonctionnement en imposant des exigences. Ainsi, les conditions validant l'augmentation de capital social ne concernent que les sociétés classiques.

Nous constatons que les modalités de prise de décisions sont hétéroclites au sein des sociétés à risque illimité. Cette hétérogénéité dépend de l'étendue de la responsabilité des associés. Toutefois, la règle de l'unanimité reste une mesure souhaitée pour les opérations de capital dans la mesure où le seul refus d'un des associés reste suffisant pour empêcher ces opérations. Cette règle pourrait alors contribuer à maintenir l'intégrité du capital social. Qu'en est-il des sociétés à risque limité dans lesquelles tous les associés ne sont responsables que dans la limite de la valeur de leurs apports ?

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