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La compensation judiciaire de la dette d'apport avec une créance sur la société

Les étapes de la formation du capital social

B. La compensation judiciaire de la dette d'apport avec une créance sur la société

57. L'absence de connexité entre la dette d'apport de l'associé et la dette de la

société. Les juges sont hostiles à la compensation entre le solde créditeur d'un compte courant

d'associé et la dette d'apport. Dans un arrêt datant de 1977, la Cour d'appel de Paris considère que : "le souscripteur d'une action de numéraire à la constitution d'une société comme lors

d'une augmentation de capital, ne peut effectuer son apport par l'effet de la compensation légale aussi bien pour les versements complémentaires sur cette action que sur le premier versement" 172. L'interdiction des juges est assez claire et circonscrite. Un associé ne peut se

prévaloir de la technique de la compensation pour libérer son apport en numéraire avec une

170 Possibilité de sanction en cas de défaut d'appel pour libérer les apports en numéraire, v. infra n° 421 et s. 171 Infra n° 392 et s.

créance qu'il possède sur la société aussi bien à la formation du capital social qu'à son augmentation. Pour refuser d'admettre la compensation entre le solde créditeur d'un compte courant et la dette d'apport, les juges mettent en avant la connexité des obligations respectives. La connexité est constatée lorsque des créances réciproques résultent d’un même contrat ou ont pris naissance à l’occasion de la même convention173. Or, la jurisprudence considère que la créance de l'associé est née du prêt consenti à la société, tandis que la dette d'apport dérive du contrat de société174. Ces deux contrats distincts ne peuvent être reliés par une connexité qui permettrait une éventuelle compensation judiciaire. La doctrine confirme cette position en indiquant que les deux relations qui s'établissent entre la société et l'associé sont régies par des règles différentes. En tant qu'associé, la dette d'apport dérive du contrat de société, alors qu'en tant que titulaire d'un compte créditeur, l'associé est un créancier dont les prérogatives sont régies par le droit commun des obligations175.

Certes, le législateur n'interdit pas expressément la compensation d'une dette d'apport avec une créance de l'associé sur la société mais, il est difficile d'admettre cette solution lorsque la société n'a pas encore d'existence juridique. En effet, la société ne disposant pas encore de patrimoine propre, on voit mal comment l'opération pourrait se réaliser. A supposer que la société soit dotée de la personnalité juridique, la libération du capital social par compensation pourrait être une source de sa fictivité lorsque la société ne dispose pas à l'actif le montant de l'apport à intégrer au capital social. Cela pourrait être le cas en phase de constitution de la société puisqu'elle ne dispose que d'un capital social qui lui-même se trouve être en formation. Toutefois, on regrette que les textes n'interdisent pas ce mode de libération pour assurer la formation du capital social. En effet, la compensation de dettes d'apport avec une créance pourrait entraîner une libération artificielle du capital social.

173 La jurisprudence a étendu de manière décisive la notion de connexité en la libérant des relations

contractuelles strictement synallagmatiques. Elle a admis la compensation renforcée des dettes connexes alors, pourtant, que celles-ci n’étaient pas nées d’un même contrat. C’est ainsi qu’il peut y avoir compensation dès lors que les créances et les dettes nées de plusieurs conventions, constituent les éléments d’un ensemble contractuel unique, servant de cadre général aux relations d’affaires entre les parties : Cass. com. 14 mars 2000, n° 97, p. 75. Arrêt cassé par la Cour de cassation, v. Cass. Com. 8 janv. 2002, Bull. Joly 2002, p. 102, note F.- X. LUCAS ;

Cass. com. 18 janv. 2000, Bull. Joly 2000, p. 527, note A. COURET ; Banque et droit, juill. - août 2000, p. 51,

obs. I. RIASSETTO.

175 I. URBAIN -PARLEANI, note sous Cass. com. 18 nov. 1986, Rev. soc. 1987, p. 581 ; contra Cass. com. 8 janv.

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58. En somme les règles applicables à la formation du capital social des sociétés sont hétérogènes. Aucune harmonie n'est faite au sein des sociétés n'offrant que le patrimoine social en garantie des dettes sociales. Cela est regrettable. Pour les sociétés de capitaux à savoir les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions, la formation du capital social est assurée par les règles d'un capital social minimum impératif, la souscription intégrale et la libération intégrale des apports en nature. Mais s'agissant des apports en numéraire, la rigueur absolue n'existe pas puisque le principe de libération fractionnée institué par la loi du 24 juillet 1966 a été maintenu.

Même si les règles de souscription intégrale du capital social et de libération intégrale des apports en nature s'appliquent aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés par actions simplifiées, nous regrettons tout de même la suppression du capital social minimum impératif. Cette suppression rapproche un peu plus les règles régissant la formation du capital social de ces formes sociales de celles que l'on observe pour les sociétés à risque illimité. Or, ce rapprochement n'est pas justifié dans un système qui institue le capital social comme étant la garantie des créanciers au sein des formes sociales qui n'offrent que le patrimoine social en garantie des dettes de la société.

Après avoir analysé les règles régissant les trois niveaux garantissant la formation du capital social, il convient maintenant de voir quels sont les apports qui sont concernés par la formation du capital social.

Section 2

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