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S ECTION 1 – R ETOUR SUR LA NOTION D ’ EXPERIENCE : DEFINITION , ENJEUX ET

1.2. Un levier stratégique devenu incontournable pour les entreprises

D’un point de vue stratégique, l’expérience est un outil de différenciation (Hetzel, 2002 ; Pine et Gilmore, 1999 ; Schmitt, 1999) permettant aux entreprises de délivrer de la valeur à leurs clients en jouant sur les dimensions affectives et émotionnelles que la consommation peut susciter. Cette vision n’est ni plus ni moins celle de Porter (1985) qui explique que pour résister à la concurrence, une entreprise se doit de posséder un avantage concurrentiel durable qui lui permette a minima de défendre sa position concurrentielle, et a maxima de l’accroître, et ainsi de gagner des parts de marché. « Ce n’est pas dans la rareté du produit qu’il faut chercher la valeur de l’objet mais dans la rareté du producteur » (Bourdieu, 1975, cité dans Hetzel, 2002, p.184).

Comme l’explique Bonnin (2000) dans son travail doctoral, pour faire face à la faible différence perçue entre les enseignes et à l’intensification de la concurrence – notamment de la part des hard discounters – les distributeurs cherchent à développer des positionnements originaux destinés à faire « du passage en magasin un temps de plaisir, une expérience gratifiante ». L’expérience devient donc un moyen d’obtenir un avantage compétitif (Gentile et al., 2007 ; Schmitt, 2003) en palliant les difficultés rencontrées dans la différenciation des biens et des services sur leurs caractéristiques intrinsèques (Carbone et Haeckel, 1994). L’expérience répond également à une prise de conscience de son rôle tout aussi important, si ce n’est plus que les produits, dans l’adoption par le consommateur d’un comportement d’ambassadeur de la marque (Allen, Reichheld et Hamilton, 2005).

Pour Filser (2002), la perspective expérientielle n’est rien d’autre qu’un enrichissement du positionnement. En effet, dans cette optique, l’entreprise cherche à mettre en avant les composantes expérientielles de l’offre en lieu et place de la mise en exergue de l’attribut qui

30 fait la spécificité de son offre de produits ou de services. Deux alternatives stratégiques sont à la disposition des entreprises à la recherche de parts de marché : [1]. la stratégie de création d’une offre d’expérience ; et [2]. la stratégie de différenciation par l’expérience. Voss, Roth et Chase (2008) proposent un continuum de la profondeur de l’utilisation de l'expérience par les entreprises. Du niveau de profondeur le plus faible au plus élevé, ils identifient : « experience- based marketing », « experience-enhanced products/service », « experience portfolio » et « experience destination ». Nous préférons la vision de Filser (2001) pour deux raisons : [1]. d’une part, ils n'étudient pas exclusivement des expériences de magasinage ; et [2]. d’autre part, les frontières entre les catégories identifiées nous semblent poreuses. Nous allons aborder successivement les deux stratégies avancées par Filser (2002). Que ce soit l’une ou l’autre, ces stratégies visent l’atteinte d’une forme de ré-enchantement du point de vente, et si possible de l’échange marchand.

1.2.1. Stratégie de création d’une offre d’expérience

La stratégie de création d’une offre d’expérience s’adresse particulièrement aux entreprises dont le fonds de commerce est la production ou la commercialisation d’expériences. L’artifice utilisé réside dans la mise en scène d’une hyperréalité au sens de Baudrillard (Badot et al., 2007), se traduisant par la création par l’entreprise d’environnements thématisés. La thématisation de l’espace commercial, constitue le point névralgique de la démarche. Les exemples d’enseignes ayant adopté une telle manœuvre sont nombreux. Evoquons les parcs Disney, les casinos de Las Vegas (Badot et al., 2007) ou à moindre échelle les Hard Rock Cafés (Gottdiener, 1997), les cafés Starbucks, Abercrombie & Fitch (Lemoine et Badot, 2008) et l’ESPN Sports Networks (Kozinets et al., 2002).

1.2.2. Stratégie de différenciation par l’expérience

La stratégie de différenciation par l’expérience s’attache à exprimer la dimension expérientielle dans le positionnement d’une offre (Filser, 2002). C’est l’action sur la dimension expérientielle des produits et des services, quels qu’ils soient, à travers la prise en compte de l’ensemble des variables du marketing mix, qui conditionne le succès d’une telle stratégie. Finalement, dans la stratégie de différenciation par l’expérience, au contraire de ce qu’il est possible de voir avec un parc d’attraction qui suit une stratégie de création d’offre d’expérience, l’expérience en soi ne constitue pas l’offre de l’entreprise. L’expérience est conceptualisée comme un outil de

31 différenciation dont le leitmotiv est la délivrance de plus de valeur au consommateur en jouant sur la transcendance des attributs fonctionnels de l’offre.

Le positionnement de la marque implique d’établir des associations clés dans l’esprit des consommateurs (Keller, 2002). Il est suggéré qu’un environnement thématisé, unique et nouveau, augmente la différenciation perçue par rapport à la concurrence. Dans un tel point de vente, le consommateur peut facilement se connecter à la marque et se souvenir de plus de choses à son égard que lorsqu’il se trouve dans un point de vente indifférencié (Foster et McLelland, 2015). La différenciation perçue exerce une influence positive sur l’attachement des consommateurs au centre commercial (Allard, Babin et Chebat, 2009).

La différenciation par l’expérience n’est pas l’apanage des produits à fort contenu expérientiel. Cette stratégie s’adresse aussi aux produits à contenu fonctionnel dont le positionnement peut être façonné au gré de la mise en œuvre d’un « habillage expérientiel » au produit (Filser, 2002). Le développement de Carrefour Planet a été un exemple dans le domaine des grandes surfaces alimentaires. Ce concept avait d’ailleurs pour vocation de « ré-enchanter l’hypermarché5 ».

La voie de l’expérience permet à l’entreprise de se différencier et le succès d’une stratégie expérientielle repose en partie sur le caractère différenciant de l’avantage qu’elle apporte au client par rapport à la concurrence et qui va le fidéliser. Foster et McLelland (2015) ont validé empiriquement le lien entre l’environnement thématisé du détaillant et la différenciation perçue de celui-ci par le consommateur.