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EXPLORATOIRE SUR LE CONTENU DU

S ECTION 2 – M ISE EN PERSPECTIVE DE LA LITTERATURE GRACE A UNE « LECTURE FLOTTANTE » DES MICRO RECITS

1. Dimensions du souvenir de l’expérience

L’analyse des micro-récits nous conduit à supporter onze des douze dimensions qui avaient émergé de la revue de la littérature à savoir : [1]. une dimension ‘affective’ ; [2]. une dimension ‘sensori-perceptuelle’ ; [3]. une dimension ‘cognitive’ ; [4]. une dimension ‘praxéologique’ ; [5]. une dimension ‘sociale’ ; [6]. une dimension ‘symbolique’ ; [7]. une dimension ‘temporelle’ ; [8]. une dimension ‘richesse’ ; [9]. une dimension ‘accessibilité’ ; [10]. une dimension ‘cohérence’ ; et [11]. une dimension ‘reviviscence distanciatrice’.

La ‘perspective visuelle’ n’est pas retrouvée dans les discours. Plus précisément, les répondants n’ont que très rarement abordé cette dimension par eux-mêmes, et pour les autres, soit : [1]. ils ont éprouvé de nombreuses difficultés à s’approprier la question du guide d’entretien empruntée à Schacter (1996) ; [2]. soit leur réponse était ambiguë.

[1]. COP3-TOS3-F : « Je revois la visite. Je revois très bien la visite, même si aujourd’hui à l’instant précis je suis très loin du Chesnay et de Parly 2 ».

[2]. COP16-ASS3-F : « C’est bizarre, j’ai l’impression qu’il y a eu un peu des deux. J’ai eu l’impression qu’au début je voyais on va dire l’espace, la boutique avec mes yeux. Et qu’une fois que j’ai essayé de raconter les choses plus en détails, c'est-à-dire ce que j’ai choisi, ben je me suis plutôt vue discuter avec la vendeuse, je me suis vue essayer le produit ».

166 1.1. Dimension ‘affective’

La dimension ‘affective’ renvoie au plaisir et au déplaisir que le client a retiré de sa visite. Elle fait référence aux émotions activées pendant l’expérience de magasinage, que celles-ci soient positives ou négatives. Nous incorporons ainsi dans cette dimension les éléments du souvenir lié au plaisir/déplaisir global issu de l’expérience ou propres à certaines facettes du contexte expérientiel (les produits, le personnel, la foule). Parmi les principales émotions présentes dans le souvenir de l’expérience de magasinage, nous retrouvons, du côté des émotions positives, le plaisir, la surprise, l’émerveillement, la découverte ou bien encore le ludisme et, du côté des émotions négatives, le mécontentement et la frustration.

1.2. Dimension ‘sensori-perceptuelle’

La dimension ‘sensori-perceptuelle’ fait référence aux stimulations sensorielles perçues par le client et à ce qu’il a pu ressentir au cours de sa visite. En d’autres termes, elle correspond aux éléments du souvenir de l’expérience relatifs :

- A la stimulation des sens du consommateur

Le souvenir peut faire état d’une synesthésie ou être propre à une stimulation visuelle, auditive, olfactive, tactile ou gustative.

- A diverses sensations

Le chaland peut retirer de son expérience toute une série de sensations comme du bien-être, une certaine forme de quiétude, du stress, un sentiment de sécurité, etc.

NCE5-BAS2-H : « J'étais un petit peu mal à l'aise quand je suis rentré ». - Aux changements corporels perçus par le consommateur

Certaines des sensations éprouvées par le consommateur sont parfois en lien avec des changements corporels (exemples : chaleur, humeur, etc.)

NCE18-SAM2-F : « J'ai voulu me prendre un petit café chez Nespresso qui se trouvait juste à côté de chez Orange pour pouvoir me détendre après la tension que j'avais eue suite au petit problème. […] nous nous sommes détendues en buvant notre petit café ».

1.3. Dimension ‘cognitive’

La première dimension constitutive du souvenir de l’expérience fait référence à ce à quoi le consommateur a pensé, réfléchi, décidé et appris au cours de son expérience. Elle correspond

167 donc à l’interprétation de sa capacité à comprendre son expérience. Parmi les principaux verbatim, certains font référence à :

- L’attention portée ou l’évaluation d’un ou plusieurs aspects du contexte expérientiel

COL5-DEL1-F : « Je me suis rendu-compte que comme le Louvre est assez touristique, qu’il y avait pas mal de japonais, et j’avais l’impression que c’est une marque à laquelle ils pouvaient être sensibles et parce que c’est français ».

- L’état de concentration du consommateur CUB8-ROU2-H : « J'étais un peu concentré ».

- La comparaison de l'expérience à d'autres expériences

Le souvenir de l’expérience de magasinage comprend de nombreuses comparaisons (d'un aspect) de l'expérience à d'autres expériences (même enseigne, enseigne différente, autre type d'expérience), ainsi que des comparaisons portant sur l’évolution (d'un aspect) de l'expérience dans le temps (stabilité vs. changement).

NM8-AOU3-F : « La visite a été identique à part qu’il y avait plus de monde […]. C’est un petit rituel, c’est toujours un petit peu pareil ».

COV8-DUA3-F : « Ce n’est pas le brouhaha de Toys’R’Us. Le magasin est propre, ça sent bon, voilà, on se sent quelqu’un, je ne sais pas, le magasin a une bonne…, ça donne une impression d’agréable quand on y est ».

- La compréhension du fonctionnement du contexte expérientiel (exemples : services, signalétique)

NS9-SAG1-H : « Le magasin est un peu désorientant quand on rentre parce que je n’ai pas vu tout de suite d'employé […] Mais une fois qu’on sait, l’automatisation est très simple ».

- Au processus de décision d'achat ou de non achat ainsi qu’à celui de déplacement dans le point de vente

DNO24-KIN1-F : « Je n’ai pas regardé les sacs. Ce n’était pas ce que je recherchais aujourd’hui. Donc quand j’ai vu un sac, j’ai détourné le regard, je ne voulais pas les sacs ». Le processus de décision d’achat inclut des thématiques liées au plaisir, à la réduction du risque, au regret, etc., tandis que le processus de décision de déplacement met avant tout en lumière la stratégie adoptée par le client.

- A diverses pensées

Pendant sa visite, le chaland est amené à développer des pensées qui s’insèrent toutes dans un cadre spatio-temporel plus ou moins défini comme le fait de se concentrer sur la tâche à

168 accomplir, celui de se projeter dans le futur en se voyant utiliser le(s) produit(s) acheté(s), celui de repenser à un événement passé, etc. ;

DNO1-PET1-F : « Quand on va dans un magasin, on s’imagine, tiens je vais porter telle chose avec tel vêtement, se dire pour tel événement ».

- Apprentissage

Une expérience de magasinage est aussi un moment où le client apprend des choses sur l’enseigne, ses produits, son magasin ou même sur lui-même.

NS9-SAG1-H : « Le magasin est un peu désorientant quand on rentre parce que je n’ai pas vu tout de suite d'employé et à ce moment-là, on ne sait pas bien comment le magasin fonctionne. […] Et une fois qu’on a compris, le magasin est hyper génial ».

1.4. Dimension ‘praxéologique’

La dimension ‘praxéologique’ rend compte des actions entreprises par le client aussi bien à destination du magasin que des produits. Nous retrouvons :

- Des actions neutres

Ces actions, principalement sur le lieu de l’expérience, touchent au parcours client, à sa ritualisation et à l’attente.

DOF11-ANN1-F : « J’ai pris l’ascenseur ». - Des actions instrumentales

Ces actions, majoritairement orientées vers les produits, font référence aux produits vus, essayés et achetés.

DOF8-FAV1-F : « J’ai dû échanger mon sac parce que l’arrière peluchait beaucoup ». S’ajoutent à ces deux catégories d’actions, des verbatim relatifs au contrôle perçu et à l’effort physique et attentionnel réalisé par le consommateur au cours de son expérience.

NM1-HER3-F : « Le fait de monter l’escalier, ce n’est pas très agréable. […] C’est sûr que déjà, vous faîtes l’effort de monter ».

1.5. Dimension ‘sociale’

La cinquième dimension identifiée fait référence aux interactions que le client a pu avoir tout au long de sa visite avec : [1]. le personnel en contact ; [2]. les personnes qui l’accompagnaient ; et [3]. les autres clients. Concernant les interactions avec le personnel, il ressort que le consommateur se souvient s’il a été proactif ou au contraire réactif. Autrement dit, il se

169 souvient si c’est lui qui a fait le premier pas ou non, et naturellement il se souvient de la convivialité et du professionnalisme du personnel en contact.

CUL19-PHA1-H : « Quelqu’un qui vienne vers moi. Bon après, il y en a qui n’aime pas, mais moi j’aime bien […]. Là c’est moi qui ai fait la démarche, c’est moi qui suis allé demander ».

1.6. Dimension ‘symbolique’

La dimension ‘symbolique’ traduit l’idée qu’une visite dans un magasin peut constituer un vecteur de signification pour le client. En d’autres termes, le point de vente, les produits vendus et l’acte de magasinage constituent des signes porteurs de sens à ses yeux. Cette dimension concerne donc le discours symbolique présent dans le récit de la visite. Le chaland attribue un sens à son expérience. L’expérience peut être :

- Importante aux yeux du consommateur pour diverses raisons qui lui sont propres NCE2-DON2-H : « La visite dans la boutique n'est pour moi d'aucun intérêt ».

- Le reflet de la personnalité du consommateur, de son style de vie et peut concourir à sa construction identitaire

RL2H-PIN1-H : « C’est un mode de vie, un style de vie qui me convient ». DOF8-FAV1-F : « Je sens aussi que l’univers me fait avancer aussi ».

- Source d’évasion

CUB8-ROU2-H : « J'étais un peu déconnecté du reste ». - Source de valorisation sociale

NCE2-DON2-H : « Pour certaines personnes, ça fait quelque chose d’aller chez Nespresso. Ce qui était vrai au début. J'y suis peut-être même allé pour cet aspect valorisation. Mais maintenant, ça ne m'amuse plus ».

- Un véritable moment de partage

NCE18-SAM2-F : « C'est un moment de complicité que l'on a partagé ensemble ». - Une contrainte, notamment lorsqu’il s’agit d’une corvée pour celui qui la vit NJ10-RC1-H : « J'ai un sentiment que ce n'est pas une corvée ».

1.7. Dimension ‘temporelle’

Cette dimension concerne le temps et la durée de la visite. Plus spécifiquement, nous retrouvons dans cette catégorie les verbatim relatifs à :

170 - La perte de la notion du temps

NJ15-FG1-H : « Il m’arrive de déguster une série que je connais après l’avoir achetée. C’est une façon comme une autre de prolonger l’espace temporel dans le magasin ».

- La conscience du temps

NF16A-VF1-H : « C’est un moment où on sait que l’on va y passer du temps parce que c’est tout le temps plein. Donc déjà on sait qu’on va faire un quart d’heure de queue ».

- La mesure et le contrôle du temps

COL6-PUI2-H : « Tout en pensant à surveiller l’heure parce que j’avais un rendez-vous dans le quart d’heure qui suivait, donc il ne fallait pas non plus que je traine ».

- L’optimisation du temps

NJ10-RC1-H : « J'ai vu […] les trois caisses à gauche en entrant et j'ai regardé combien il y a avait de personnes qui attendaient pour me donner une idée du temps d'attente ».

- Le temps comme durée à combler quand le chaland cherche à passer le temps COL4-POI1-F : « Je suis venue parce que j’ai du temps ».

1.8. Dimension ‘richesse’

Cette dimension permet d’apprécier la clarté et l’intensité visuelle du souvenir de l’expérience. Elle est l’une des dimensions les plus représentées. Elle se retrouve particulièrement lorsque le répondant explique qu’il se souvient parfaitement de sa visite ou, au contraire, à l’autre extrémité du continuum, qu’il ne s’en souvient plus.

CUL8-LEB3-F : « C'est très clair ».

1.9. Dimension ‘accessibilité’

Elle traduit la capacité de l’individu à pouvoir récupérer les informations stockées en mémoire. Elle est souvent liée à la difficulté associée au processus de récupération. Plus l’accès est difficile et plus les hésitations et les interjections sont nombreuses. L’individu a tendance à chercher une explication aux défaillances de sa mémoire.

NJ21-TAN3-H : « Là aujourd’hui c’est vrai que je dois aller chercher au fond de moi-même. C’est vrai que le souvenir a tendance à un petit peu partir.

Cette dimension intègre également la confiance du répondant quant à l’exactitude de ses souvenirs.

171 1.10. Dimension ‘cohérence’

Cette dimension porte sur l’inscription du souvenir dans une histoire logique et dans un contexte spatio-temporel bien défini.

GRA15-ANN3-F : « Je suis en train de remettre en ordre mes souvenirs ».

L’individu peut se baser sur ses expériences passées pour s’assurer que son souvenir est cohérent.

NM1-HER2-F : « Donc on entre, en principe un employé vous dit bonjour ».

1.11. Dimension ‘reviviscence distanciatrice’

Cette dimension traduit la prise de recul effectuée par le répondant entre son expérience et son souvenir. L’individu effectue un effort de réflexivité pour évaluer ce qu’il lui reste de sa visite :

- Coïncidences/écarts entre les pensées au moment de l’expérience et lors du rappel CUL3-ISA3-F : « J’ai eu exactement le même ressenti. Rien n’a changé ».

- Coïncidences/écarts entre les sensations et le plaisir ressentis au moment de l’expérience et lors du rappel

COV20-BOU2-F : « Je me sens comme quand je suis sortie du magasin, vous savez toute contente. […] Je me sens, ça m’a rappelé la sensation agréable que j’avais eue ce jour-là ».

- Rôle de renforcement

Repenser à sa visite peut permettre au client de renforcer le souvenir qu’il en a gardé et sa volonté de poursuivre sa relation avec l’enseigne.

GRA13-LOR2-F : « ça ne fait que conforter le fait que j’aime bien aller dans le magasin ».

- Reviviscence de l’expérience

Le fait de parler de sa visite peut donner au répondant l’impression de la revivre une seconde fois. Cette reviviscence semble plus prononcée chez les personnes ayant été capable de répondre à la question sur la perspective par laquelle elle s’était remémorée leur visite.

DOF8-FAV3-F : « ça fait revivre ce plaisir ».

Le souvenir peut aller jusqu’à donner envie au répondant de revivre physiquement son expérience.

172 NCE3-PEC3-H : « Et d’en parler, comme la dernière fois, c’est ce que je vous avais dit, ça me donne envie de prendre un café. Toujours. Mais là, le temps que j’arrive, je vais m’en faire un en arrivant de café ».

L’analyse manuelle des micro-récits supporte la structure du souvenir de l’expérience suggérée par la revue de la littérature (voir chapitre 2). Nous retrouvons ainsi sept dimensions qui constituent le contenu du souvenir de l’expérience (et qui sont accessoirement des dimensions de l’expérience) et quatre dimensions qui sont relatives à la nature du souvenir de l’expérience.