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1. Présentation des systèmes de mémoire

1.4. Dissociation explicite – implicite

Il est admis que la mémoire est composée de deux systèmes distincts, l’un explicite et l’autre implicite (Graf et Schacter, 1985 ; Tulving et Schacter, 1990). La distinction entre les deux a

97 longtemps reposé sur des études sur des personnes amnésiques qui mettent en évidence le fait que bien qu’elles présentent des défaillances de la mémoire, elles parviennent toujours à mémoriser certains éléments.

1.4.1. La mémoire explicite

La mémoire explicite est observée « lorsque la performance à une tâche requiert la récupération consciente d’expériences passées » (Graf et Schacter, 1985, p.501). Elle est donc une mémoire à laquelle fait appel intentionnellement et consciemment l’individu pour se souvenir de ses expériences passées (Schacter, 1987). Elle nécessite la mise en place de stratégies de recherche active en mémoire. Elle reflète ce dont la personne se souvient à propos de l’événement remémoré (Lee, 2002).

1.4.2. La mémoire implicite

La mémorisation implicite repose sur la récupération non intentionnelle et non consciente d’informations précédemment encodées en mémoire (Schacter, 1987). Elle implique le stockage d’informations de manière inconsciente qui sont par exemple utilisées par la suite dans des tâches de décision sans récupération conscience du contexte d’exposition (Estelami et Lehmann, 2001). Elle est ainsi observée « lorsque la performance à une tâche est facilitée en l’absence de récupération consciente » (Graf et Schacter, 1985, p.501). Les expériences passées de l’individu favorisent la performance, sans qu’il y ait un rappel délibéré ou intentionnel de sa part (Schacter, 1987). En plus de se faire de manière non intentionnelle, automatique et non consciente comme le suggère Schacter, la récupération en mémoire des informations préalablement stockées se fait également sans référence directe à la situation d’exposition (Butler et Berry, 2002) et à l’information apprise (Duke, 1995). Pour prendre un exemple simple, on peut parler de mémorisation implicite dès lors qu’une personne exposée à un mot sans le savoir est capable de le lire ou de l’épeler plus rapidement qu’une autre personne n’ayant pas été initialement exposée à ce mot. La mémoire implicite a été au centre de nombreuses recherches dans le domaine de la communication (exemples : Herrmann et al., 2014 ; Lee, 2002).

Si la mémoire déclarative peut être implicite ou explicite, la mémoire procédurale quant à elle tend à être le plus souvent implicite.

98 1.5. Les modèles de la mémoire

Plusieurs classifications de la mémoire coexistent. Nous faisons le choix d’en présenter trois, celle de Cohen et Squire (1980), celle de Tulving (1984, 1985, 1995) et celle de Conway (Conway, 1992, 1996 ; Conway et Bekerian, 1987 ; Conway et Pleydell-Pearce, 2000).

1.5.1. Le modèle de Cohen et Squire

Cohen et Squire (1980) proposent un modèle de la mémoire qui considère que l'information peut être stockée dans deux systèmes parallèles que sont la mémoire procédurale et la mémoire déclarative. Comme nous l’avons vu, la première, indissociable de l’action, permet d’acquérir et de récupérer l’information de manière relativement inconsciente. La seconde s’exprime consciemment sous forme de langage ou d’images mentales. Elle se subdivise en mémoires épisodique et sémantique. Le modèle est présenté dans la Figure 2.3.

Figure 2.3. – Le modèle de la mémoire de Cohen et Squire (1980)

1.5.2. Le modèle multi-système de la mémoire de Tulving

A la même période que Cohen et Squire (1980), Tulving (1984, 1985) propose un découpage « par emboîtement » dans lequel la mémoire épisodique est un sous-système de la mémoire sémantique, elle-même considérée comme un sous-système de la mémoire procédurale. La mémoire épisodique se trouve en haut de la hiérarchie et s’impose comme la forme de mémoire la plus évoluée, mais aussi, comme étant la plus fragile. Par la suite Tulving (1995) enrichit son modèle (voir Figure 2.4) en lui intégrant le système de représentations perceptives, qui est à la

99 base des effets d’amorçage (Tulving et Schacter, 1990), et le système de mémoire de travail, dont la vocation est d’assurer le stockage temporaire des informations nécessaires pour mener à bien une tâche cognitive complexe.

Figure 2.4. – Adaptation du modèle structural hiérarchisé de Tulving (1995) proposée par Froger (2010)

.

Les cinq systèmes de mémoire travaillent conjointement pour encoder, stocker et récupérer les informations. L’encodage s’effectue de façon sérielle à partir du système de représentations perceptives. A la suite de quoi, l’information peut être relayée à la mémoire sémantique, voire à la mémoire épisodique (Eustache, 2003). Autrement dit, l’encodage de l’information dans un système affecte le niveau d’encodage dans le système supérieur (Tulving, 1995). En revanche, l’information est stockée en parallèle dans les différents systèmes de mémoire et récupérée de façon indépendante (Tulving, 1995, 2001 ; Tulving et Markowitsch, 1998). Le système de représentations perceptives et la mémoire procédurale interviennent de manière implicite, la mémoire sémantique peut se manifester de manière implicite ou explicite, tandis que la mémoire de travail et la mémoire épisodique supposent un rappel volontaire et dépendent du système de mémoire explicite.

100 1.5.3. Le modèle architectural de la mémoire autobiographique de Conway

Le modèle de Tulving est souvent mis en opposition au modèle architectural de la mémoire autobiographique de Conway et de ses co-auteurs (Conway, 1992, 1996 ; Conway et Bekerian, 1987 ; Conway et Pleydell-Pearce, 2000). Il repose sur le postulat que les souvenirs autobiographiques sont des constructions mentales, dynamiques et transitoires, issues d’une base de connaissances sous-jacente, et ce, en fonction d’un modèle d’intégrité de soi (Conway et Pleydell-Pearce, 2000). L’intérêt de ce modèle réside dans le fait qu’il intègre à la fois les différents types de contenus constitutifs de la base de connaissances autobiographiques spécifiques (les périodes de vie, les événements généraux et les événements spécifiques), et les processus qui permettent d’y accéder (un processus de récupération intentionnel et contrôlé, et un processus direct automatique et involontaire). Dans un travail plus récent, Conway (2009) intègre le concept de souvenir épisodique qui était jusque-là absent du modèle. Il les conçoit comme la base des souvenirs autobiographiques.

De nombreux points de convergence existent entre le modèle de Tulving et celui de Conway. Si la vision de Conway permet de mieux rendre compte des événements personnellement vécus par l’individu, nous lui préférons celle de Tulving qui mobilise explicitement les systèmes de mémoire traditionnellement utilisés.

Cette première partie nous aura permis de prendre conscience que les différentes mémoires de l’homme sont imbriquées les unes dans les autres, rendant leur étude encore plus complexe. Après avoir présenté les principaux types de mémoires utilisés par les chercheurs, intéressons- nous désormais aux différents processus mémoriels.