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Encadré 1.3 – Limites méthodologiques des études sur l’atmosphère

2.2. L’approche par la satisfaction : enjeux et limites

Comme de nombreux construits, la satisfaction est complexe et difficile à appréhender (Czepiel et Rosenberg, 1977).

2.2.1. Principales caractéristiques

Nous faisons le choix de retenir la proposition de Plichon (1999, p.15) qui la conçoit comme « un état psychologique provenant d’un processus d’évaluation affectif et cognitif qui survient lors d’une transaction spécifique ». Selon le paradigme de disconfirmation des attentes (Oliver, 1980), l’évaluation de la satisfaction résulte de la comparaison entre la performance attendue et celle qui est perçue. Si la performance rejoint les attentes, la confirmation est atteinte. En revanche, lorsqu’elle excède (se trouve en deçà) les attentes du consommateur, on parle de disconfirmation et celle-ci augmente (réduit) la satisfaction. Le développement d’internet a amené dans son sillage de nouvelles définitions. La satisfaction se définit ainsi parfois « comme le contentement du consommateur en ce qui concerne sa dernière expérience d’achat chez un commerçant électronique donné » (Anderson et Srinivasan, 2003, p.125). Elle n’est que la simple transposition du concept de satisfaction au canal virtuel.

67 Dans la majorité des études, la satisfaction est vue comme un concept unidimensionnel et une mesure holistique ou globale permet de la capter (Oliver, 1980 ; Westbrook et Oliver, 1991). Elle est néanmoins parfois considérée comme une fonction des évaluations sur un ensemble d’attributs (LaTour et Peat, 1979). Cette satisfaction de type multi-attributs (ou analytique) considère le produit, le service ou l’expérience comme une somme de caractéristiques. Selon Hawkins et Mothersbaugh (2012) par exemple, la satisfaction à l’égard d’une expérience est un construit bidimensionnel. Elle comprend la satisfaction ressentie durant le processus d'achat (qui est tributaire de l'information disponible, des prix, des produits, de l'interaction avec le personnel de vente, etc.), et de la satisfaction à l'égard du magasin. Cette conceptualisation de la satisfaction repose sur une mesure multi-attributs de la satisfaction au contraire d’une mesure globale.

D’un point de vue conceptuel, la satisfaction peut tout aussi bien être appréhendée de manière transactionnelle et statique que de manière relationnelle et dynamique. La satisfaction est transactionnelle lorsqu’elle porte sur l’évaluation que fait un individu d’une expérience particulière (Olsen et Johnson, 2003). Elle est contingente, situationnelle, attachée à des éléments précis, et transitoire (LaBarbera et Mazursky, 1983 ; Westbrook et Oliver, 1991). La satisfaction est relationnelle lorsqu’elle repose sur un ensemble de transactions survenues au cours de la période étudiée. Elle reflète l’évaluation générale d’un produit ou d’un fournisseur de service (Collin Lachaud, 2003 ; Evrard et Aurier, 1996 ; Fornell, 1992 ; Garbarino et Johnson, 1999 ; Johnson, Anderson et Fornell, 1995 ; Oliver, 2010 ; Rust et Zaborik, 1993). En d’autres termes, elle équivaut à une évaluation cumulée et cognitive de l’ensemble des expériences que le consommateur a pu avoir avec eux (Ngobo, 1997). Elle a un pouvoir explicatif plus fort que la satisfaction transactionnelle sur les variables de sortie, telles que les intentions d’achat (Homburg, Koschate et Hoyer, 2005 ; Olsen et Johnson, 2003 ; Rust, Zahorik et Keiningham, 1995). La littérature sur le marketing relationnel, et notamment celle sur la satisfaction, estime qu’il convient d’étudier le comportement du consommateur dans une perspective post-achat ou post-consommation, globale et cumulée car l’évaluation d’une visite en magasin repose également sur l’agrégation de l’ensemble des satisfactions éprouvées par le passé (Evrard et Aurier, 1996).

Comme la littérature l’a soutenu à de nombreuses reprises, la satisfaction serait un antécédent de la fidélité (Anderson et Sullivan, 1993 ; Fornell, 1992 ; Mittal et Kamakura, 2001 ; Oliver, 1980, 1997).

68 2.2.2. Un pouvoir prédictif critiqué

La validité prédictive de la satisfaction a été contestée à de multiples occasions. Filser (2008) explique ce résultat en repartant de la définition de la satisfaction. Celle-ci est un état individuel résultant conjointement de l’interaction du consommateur avec le contexte expérientiel et de son état psychologique, notamment son état affectif, au moment de celle-ci. Or, ces états émotionnels au moment de l’interaction sont par nature transitoires.

Reichheld (1996) constate que 65 à 85% des clients qui cessent d’être fidèles à une marque déclarent être satisfaits avant de mettre un terme à leur relation. Le client peut ainsi changer de marque même s’il est satisfait (Keaveney, 1995 ; Oliver, 1999 ; Reichheld, 1996), par exemple pour répondre à un désir de recherche de variété (Sánchez-García et al., 2012). Par opposition, des clients peuvent rester fidèles à une entreprise même s’ils sont partiellement insatisfaits, car changer induit des coûts de transfert élevés (Burnham, Frels et Mahajan, 2003 ; Oliva, Oliver et MacMillan, 1992 ; Patterson et Smith, 2003 ; Yang et Peterson, 2004) ou parce qu’ils ne trouvent pas de meilleure alternative (Colgate et Lang, 2001 ; Jones, Mothersbaugh et Beatty, 2000). Les coûts de transfert relationnels sont ceux qui sont les plus associés aux intentions et aux comportements de rachat comparés aux coûts financiers et procéduraux (Blut et al., 2015). Une méta-analyse révèle que la satisfaction n’expliquerait que 25% de la variance du comportement de rachat (Szymanski et Henard, 2001). Ce résultat s’explique par le fait que la relation entre la satisfaction et la fidélité dépend du secteur d’activité, du type de clientèle, ainsi que de nombreuses autres variables modératrices ou médiatrices. Selon le profil du consommateur, un même niveau de satisfaction déclaré n’implique pas un même taux de réachat (Mittal et Kamakura, 2001). La fidélité est fonction de la satisfaction (Ngobo, 1998), même si la relation entre ces deux variables n'est pas symétrique, une augmentation ou une baisse de la satisfaction, tant en termes de direction que d'amplitude, n'influence pas de la même manière la fidélité (Anderson et Mittal, 2000).

Les conclusions des recherches empiriques sur la satisfaction demeurent équivoques (Seiders et al., 2005) et les chercheurs peinent à comprendre pleinement pourquoi certains acheteurs insatisfaits continuent d’être fidèles au contraire de clients se déclarant satisfaits qui mettent fin à leur relation avec l’entreprise (Bendapudi et Berry, 1997 ; Ganesh, Arnold et Reynolds, 2000 ; Jones et Sasser, 1995 ; Keaveney, 1995). S’il est évident que les entreprises ne doivent pas se

69 focaliser uniquement sur la satisfaction pour fidéliser (Kamakura et al., 2002 ; Rust et al., 1995), celle-ci demeure néanmoins un bon « proxy » pour prédire les intentions comportementales.

2.2.3. Évolution de la satisfaction dans le temps et de son pouvoir prédictif

L'impact de la satisfaction sur les intentions évolue au cours du temps (Kumar et al., 2013). Deux explications peuvent être avancées : [1]. le souvenir peut se détériorer avec le passage du temps ; et [2]. d’autres variables peuvent entrer en jeu au moment de l’évaluation entre t et t+1.

Dans une étude Mazursky et Geva (1989) ont montré que la satisfaction transactionnelle à l’égard d’un système d’alarme est très corrélée aux intentions (d’achat et de recommander) lorsque ces deux construits sont mesurés après l’essai du produit. En revanche, cette même satisfaction n’est plus corrélée aux intentions mesurées quinze jours plus tard sur le même échantillon. Une autre recherche menée par Mittal et al. (1999) s’est intéressée à l’évolution de la satisfaction transactionnelle à l’égard du service et à celle à l’égard du produit acheté (par exemple, une voiture achetée chez un concessionnaire). Leurs résultats indiquent une stabilité de la satisfaction vis-à-vis du produit entre t et t+112 mais un déclin de la satisfaction à l’égard du service reçu. En t, la satisfaction à l’égard du service est un meilleur prédicteur des intentions que celle à l’égard du produit acheté. L’inverse est vrai en t+1. Les auteurs avancent comme explication le fait que le consommateur est plus souvent exposé à sa voiture qu’au prestataire de services, et donc qu’au fil du temps la satisfaction à l’égard de la voiture joue le rôle le plus important. Enfin, les auteurs montrent qu’il n’y a pas de lien direct entre la satisfaction en t et les intentions en t+1. Cette relation est médiatisée par les satisfactions à l’égard du produit et du prestataire de services en t+1.

La relation entre satisfaction et intention peut être modifiée du fait de l'influence de diverses variables qui peuvent jouer le rôle de modérateur. L’utilisation du produit acheté ou la découverte d’un nouveau concurrent peuvent être intégrées à l’évaluation de la satisfaction, qui, par ricochet, peut affecter la fidélité du consommateur (Mittal et al., 1999). Les consommateurs actualisent en permanence leurs attentes et leurs perceptions ce qui a pour conséquence de mêler leurs croyances passées à de nouvelles informations (Boulding et al., 1993). Le pouvoir prédictif de la satisfaction s'atténue rapidement avec le temps (Mazursky et Geva, 1989), ce qui

70 amène certains chercheurs à parler d'effet de report « carryover effect » (Mittal et al., 1999) ou « d’érosion » (Collin-Lachaud, 2003). La notion de mode de satisfaction est parfois utilisée pour illustrer le caractère dynamique de la satisfaction qui amène l’individu à passer d'un mode de satisfaction à un autre (Fournier et Mick, 1999 ; Oliver, 1989 ; Vanhamme, 2001). Il peut être très content après avoir acheté un téléphone (satisfaction-comme-plaisir) et se trouver complètement désemparé quelques jours plus tard en ne sachant toujours pas l’utiliser (satisfaction comme impuissance).

En réponse aux critiques adressées à la satisfaction pour expliquer la fidélité, la valeur perçue a notamment été introduite.