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1.3. La place du consommateur dans le processus de production de l’expérience

1.3.2. Les formes de participation

L’individu est l'artisan de sa propre expérience. L'entreprise joue le rôle de « guide » pour accompagner le client vers une expérience satisfaisante et la liberté qui lui est laissée peut varier d’un contexte expérientiel à un autre.

Selon la Service-Dominant Logic (Vargo et Lusch, 2004), le consommateur participe à la création du cœur de l’offre et il est un coproducteur au même titre que les autres parties prenantes à l’entreprise. Il est à la fois acteur et producteur de sa propre expérience (Cova et Dalli, 2010). Carton (2004, p.10) considère la coproduction comme « la participation active encadrée du consommateur dans le processus de réalisation d’une offre ».

L’ouvrage « Consuming experience » de Carù et Cova (2007) présente une typologie d’expériences de consommation, marchandes ou non. Fruit de l’analyse d’une vingtaine d’années de recherche sur le sujet, cette typologie fait émerger trois types d’expériences selon le rôle joué par l’entreprise et le consommateur dans la production de l’expérience : [1]. les expériences « company-driven », orchestrées par l’entreprise ; [2]. les expériences « co- driven », co-produites par l’entreprise et le consommateur ; [3]. les expériences « consumer- driven », vécues dans des environnements non contrôlés par l’entreprise. L’idée d’un « prosumer », acteur et producteur de son expérience (Ritzer, 2010) est séduisante et vient refaçonner les rapports entre producteur et consommateur. Le consommateur n’est pas seulement à la recherche d’expériences prêtes à consommer, il souhaite également participer activement à leur création (Benavent et Evrard, 2002 ; Petr, 2002). Toutefois, les contours de la co-production restent encore mal définis dans le contexte du magasinage. Les expériences « consumer-driven » n’existent pas. Notre vision est plus restrictive que celle d’Antéblian et al. (2013) puisque nous ne considérons pas la revente sur eBay comme telle. Nous voyons cette expérience comme « co-driven » car toutes les étapes du processus d’achat et de revente sont balisées par la plateforme.

57 La participation du consommateur au processus de production d’un service correspond « au degré d’implication du client dans la production et la réalisation du service » (Dabholkar, 1990, p.484). En s’appuyant sur cette définition, Antéblian et al. (2013) proposent une nouvelle grille de lecture de la participation du consommateur à l’expérience de magasinage : [1]. la collaboration interprétative ; [2]. l'autoproduction dirigée ; et [3]. la coproduction créative.

[1]. La collaboration interprétative

Le chaland ne subit pas passivement les divers stimuli auxquels il est exposé. Il cherche à donner du sens à l’histoire racontée par l’enseigne à travers son point de vente. Cette forme de participation renvoie à ce que nous avons évoqué précédemment sur l’appropriation de l’espace. Il s’agit là d’une forme de participation mentale, voire corporelle via la stimulation des sens de l’individu. La collaboration interprétative cultive la signification que revêt l’expérience aux yeux du consommateur (Roederer, 2012a).

[2]. L'autoproduction dirigée

Ce niveau de participation est emprunté à Dujarier (2008) et fait référence à l’ensemble des actions entreprises par l’individu pour pouvoir réaliser ce pourquoi il s’est rendu dans le point de vente. Le consommateur est bel et bien acteur mais ses actions rentrent dans un cadre défini et entièrement maîtrisé par l’entreprise. « L’autoproduction dirigée nécessite en effet un apprentissage à la fois technique et social de l’outil, pour faire du consommateur un travailleur à la fois compétent, productif, tout en conférant à l’activité un sens souvent éloigné du travail, naturalisant, voire invisibilisant cette dimension » (Hocquelet, 2012, p.139). Les caisses en libre-service ou le self-scanning en sont deux exemples. La dimension technologique apparaît être une caractéristiques de cette forme de participation. Bien que très instrumentale (Antéblian et al., 2013), l’autoproduction dirigée peut parfois prendre une dimension ludique, comme l’utilisation du mur de capsules chez Nespresso qui est toujours un moment très apprécié, tout particulièrement des enfants. Qui plus est, lorsque le client remplace le personnel dans la réalisation de certaines tâches, l’entreprise peut réaliser des économies substantielles (Prahalad et Ramaswamy, 2004). D’un autre côté, si nous reprenons l’exemple de Nespresso, un client peut mal percevoir le fait de payer son café au même prix qu’il se serve seul en recourant à un automate de vente ou qu’il passe par un vendeur.

La notion d’autoproduction partagée nous semble en phase avec celle de « script » utilisée en marketing des services. L'entreprise propose un « script » au client qui lui permet d'adopter les

58 comportements appropriés pour obtenir le service voulu (Hoffman et Turley, 2002). En d'autres termes, ce script représente l'ensemble des actions que le consommateur doit entreprendre lorsqu'il vit son expérience. L'objectif pour l'entreprise est naturellement de développer les compétences du consommateur en lui fournissant les scripts nécessaires à la création de l'expérience (Wikström, 2008).

[3]. La coproduction créative

Ce dernier niveau de participation renvoie à toutes les expériences qui permettent au consommateur « de faire des choses intéressantes, non standardisées, qui ont du sens, et qui lui plaisent dans le cadre de l’expérience » (Antéblian et al., 2013, p.97). Ce niveau de participation fait appel aux compétences et à la créativité du consommateur et l’implique profondément dans les actions qu’il entreprend. Le consommateur ressent davantage d’excitation dans le point de vente lorsqu’il est impliqué (Wakefield et Baker, 1998), et cette implication peut être permise par la place qui lui est laissée par l’entreprise. Peuvent être considérés comme de la coproduction créative, aussi bien le détournement de l’espace commercial par le consommateur (Aubert-Gamet, 1996), que des expériences où il est réellement associé à l’entreprise dans la production. Les auteurs avancent les exemples des « design contests » de la marque Swarovski, les cours de cuisine organisés par Lafayette Maison et la participation de consommateurs à l’élaboration de l’offre de l’enseigne Oxybul. Ce dernier est une forme de coproduction poussée à l'extrême, le consommateur travaille au profit de l'entreprise (Dujarier, 2008). Le détournement de l’espace commercial est non maîtrisé et souhaité par l’entreprise puisqu’il peut lui être préjudiciable. Dans quelle mesure une entreprise doit-elle laisser des indices dans le contexte expérientiel favorisant son détournement, qui au passage, rappelons-le, est source de valeur pour le client ? L’autoproduction dirigée et la coproduction créatrice développées par Antéblian et al. (2013) suggèrent l’existence d’une sorte de continuum où l’entreprise choisit le niveau de participation qu’elle souhaite laisser à ses clients, la coproduction créative étant le niveau où l’autoproduction est la moins dirigée.

Le client est plus que jamais au centre de l'expérience de marque. Pour qu'une expérience soit créatrice de sens, il faut qu'elle corresponde à ses valeurs et ce qu'il désire (Diller et al., 2008 ; Pine et Gilmore, 1999). L’entreprise doit s’effacer au profit du client en lui offrant un espace de liberté (Carù et Cova, 2006a), ou tout du moins, lui donner l’impression d’un sentiment de liberté d’action. Le consommateur perçoit alors plus de contrôle sur l’expérience lorsqu’il participe activement, et ce contrôle perçu exerce une influence sur ses réponses émotionnelles

59 et relationnelles (Lunardo, 2007). Une expérience participative, du fait qu’elle implique le consommateur, est créatrice de souvenirs (Hollenbeck et al., 2008) et lui confère un degré d’unicité qui la préserve, en partie, de la banalisation (Roederer, 2012a).