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EXPLORATOIRE SUR LE CONTENU DU

S ECTION 2 – M ISE EN PERSPECTIVE DE LA LITTERATURE GRACE A UNE « LECTURE FLOTTANTE » DES MICRO RECITS

4. Analyse du fonctionnement et de la structure globale du souvenir de l’expérience

4.1. Au niveau de l’encodage de l’information

Les résultats présentés ci-après ne suivent aucune logique particulière et se distinguent par leur variété. Certains concernent l’ensemble des consommateurs, d’autres au contraire mettent en avant des différences interindividuelles.

4.1.1. Traitement en surface de l’expérience

Lorsqu’il vit une expérience, le consommateur n’est pas dans une démarche analytique. Il vit l’instant présent sans chercher à mémoriser tout ce à quoi il est exposé et tout ce qu’il fait. Ainsi, il vit des choses, il peut se sentir bien mais ne cherche pas pour autant à connaître les causes de cette sensation de bien-être qu’il ressent.

NM16-PER2-F : « Je me sens bien dans le magasin. Peut-être que le magasin a un côté calme peut-être, je ne sais pas. Oui, j’y vais, je me sens bien, pourquoi à vrai dire, je n’en sais rien. […]. Finalement, c’est peut-être le design qui fait que c’est possible. C’est une atmosphère apaisante, j’étais en train de chercher, c’était ça finalement ».

Des différences semblent apparaître entre les habitués et les chalands qui découvrent le point de vente.

NCE22-DEC3-H : « Le magasin de Nice, je le connais par cœur. […] Donc je rentre, je prends mes capsules, je paie et je m’en vais. Je ne fais plus attention. C’est comme quand vous êtes marié avec une femme depuis plus de quarante ans, vous ne voyez pas la même chose comme

190 au premier rendez-vous, voilà. Donc la robe, l’habillage, la qualité de la peau et tout ça, je ne fais pas attention. Et ben là c’est pareil ».

4.1.2. Mémorisation de l’expérience par le contexte vs. par l’objet

Benoît-Moreau (2006) considère deux mécanismes sous-jacents à la première rencontre mémorable avec une marque. Le caractère mémorable de ce premier contact peut provenir des caractéristiques de la marque ou du produit ou il peut naître d'éléments plus périphériques qui constituent le contexte de la rencontre (contexte physique, social, temporel, situation dans la vie de la personne…). Ces résultats nous semblent transposables à n'importe quelle expérience de magasinage. La forme de la mémorabilité de l'expérience se retrouve généralement dès les premières secondes du récit d'expérience. Nous étendons la définition de rencontre mémorable par l'objet proposée par Benoît-Moreau et considérons comme telle une expérience de magasinage pour laquelle le souvenir s'organise à partir de détails relatifs à l'assortiment, au prix, au magasin, etc.

[1]. Rencontre mémorable par l'objet : ORI8-ALZ3-F : « D’accord, alors on va reprendre du début. J’étais arrivée au centre commercial Italie 2 pour chercher une paire de baskets ». [2]. Rencontre mémorable par le contexte : COV6-FER3-H : « Alors vous voulez que je vous raconte ce dont je me souviens… Je sais que j’étais fatigué ce jour-là parce que ma femme venait d’accoucher ».

4.1.3. Capacités attentionnelles mobilisées durant l’expérience

La richesse du souvenir de l’expérience est tributaire : [1]. des ressources attentionnelles mobilisées au cours de l’expérience ; et [2]. de la sensibilité personnelle des répondants à chacun des stimuli auxquels ils sont exposés.

[1]. NCE21-FLO1-H : « La curiosité m’a attiré vers des senteurs que je n’avais pas vues avant, certainement, ça devait être ça. […] J’étais peut-être moins ouvert à ce qui se passait autour de moi. […]. La dernière fois, enfin les fois précédentes, il y a avait plus de monde donc euh… […] J’étais dans mes pensées, disons que j’étais encore dans mon travail, voilà ».

NM1-HER2-F : « Je fais complètement abstraction de ça [ndlr : la musique]. Ça ne me touche pas. C'est comme si je ne l'entendais pas ».

[2]. NJ25-DAU1-F : « En fait, si c'était mal éclairé, ou mal agencé, peut-être que je m'en rendrais compte, mais là, je trouve que c'est sympathique ».

191 Dans le prolongement de cette idée, nos résultats suggèrent des différences de mémorisation entre les répondants qui font appel à leur mémoire déclarative au cours de leur expérience (basée sur les représentations et les faits) et ceux qui mobilisent leur mémoire procédurale (basée sur les sens et les actions entreprises). Ainsi, il semblerait que le client se remémore davantage les produits et l’organisation du magasin lorsqu’il est allé de lui-même chercher et tester les produits par opposition à des situations où le personnel s’est chargé d’apporter le produit et de lui faire tester. L’apprentissage est meilleur lorsque le consommateur réalise les actions par lui- même (Lakshmanan et Krishnan, 2011). Le double codage, sémantique et procédural, est celui qui donne le niveau de mémorisation le plus élevé. A titre d’exemple, le client se souvient très souvent des produits qu’il a testés lorsque le personnel l’a accompagné avec un discours riche, pas forcément limité à des détails techniques.

4.1.4. Caractère unique et extraordinaire de l’expérience, anecdote et souvenir

Roederer (2008, p.204) défend l’idée selon laquelle chaque expérience est spécifique et unique. La comparaison des différentes expériences vécues par un même chaland dans une même enseigne nous amène à prendre une autre direction. Les expériences proposées par une enseigne sont : [1]. relativement standardisées au fil du temps, voire dans l’ensemble de ses points de vente ; et [2]. parfois, pour certaines enseignes, les chalands ne perçoivent pas de différences, tout du moins à la lumière de leurs souvenirs déclarés a posteriori.

[1]. NCE12-TIR3-F : « C’est toujours pareil, tout se déroule toujours pareil. J’arrive toujours au même moment, je repars toujours au même moment. Je suis super bien accueillie ».

[2]. DOF8-FAV3-F : « Ce n’est pas pareil quand on va chez Camaïeu ou chez Promod ».

En cas d’expérience perçue comme unique, le souvenir de l’expérience ne se déprécie pas avec le temps et comprend de nombreux adjectifs. Nous insistons sur la notion de perception du fait du caractère personnel de l’expérience. Un client qui visite une boutique Ralph Lauren pour la première fois ou pour la dixième fois « en situation normale » ou lors d’un événement privé où seuls quelques privilégiés sont conviés ne vivra pas la même expérience.

RL11-LAA1-H : « C’est vraiment quelque chose que je ne vais pas revivre donc, on ne va pas boire le Louis XIII deux fois dans notre vie. […] ça va nous marquer. Ce n’est pas quelque chose que l’on va oublier. C’est quelque chose où… que je dirais que tu vas raconter à la

192 première personne que tu vas rencontrer. Tu vas dire en quoi c’était une expérience vraiment mémorable. […] Vraiment je suis super heureux, c’est quelque chose de magnifique ».

Si le contexte expérientiel est le même ou est perçu comme tel et que les expériences vécues sont jugées comme identiques, il arrive parfois qu’un élément vienne rendre l’expérience plus mémorable. Plusieurs éléments peuvent endosser ce rôle de marqueur mémoriel (Zauberman et al., 2009). Il peut s’agir de la découverte d’un produit, d’un contact avec un autre client ou un membre du personnel ou bien d’un phénomène extérieur au magasin et propre à l’individu. GRA28-IMB3-F : « J’ai trouvé quelque chose de spécifique et de particulier. […] Je n’ai pas acheté une brosse quelconque ou un objet je dirais commun. Moi j’ai trouvé quelque chose qui me rappelait quelque chose que j’avais vu et qui était particulier. Mes autres visites que j’ai faites depuis je ne m’en souviens pas aussi précisément ».

Malheureusement pour l’entreprise, dans la quasi-totalité des cas, elle ne contrôle pas en totalité ces variables qui rendent mémorables uniquement certaines visites.

4.1.5. État d’esprit au moment de l’expérience

Les capacités attentionnelles mobilisées au cours de l’expérience influencent ce que retient le chaland de sa visite. Elles sont fonction de l’état d’esprit dans lequel il se trouve au moment de sa visite.

NM8-AOU1-F : « Je n’ai pas regardé parce que j’ai pas mal marché, je suis un peu fatiguée ».

4.1.6. Temps passé dans le magasin et dans les rayons

Fort logiquement, plus le chaland reste dans le magasin, plus son expérience et son souvenir sont riches. Le souvenir du magasin n’est pas identique partout et il se souvient mieux de la partie du magasin qu’il a fréquentée le plus longtemps.

DNO29-BAU3-F : « Lorsqu’il [ndlr : le vendeur] était allé dans la réserve, je suis allée au fond du magasin et j’ai regardé ce qu’il y avait. Le fond, je n’ai pas un grand souvenir ».

4.1.7. Rôle des accompagnateurs

Etre accompagné d’un proche ou d’un ami semble jouer un rôle sur les capacités attentionnelles mobilisées lors de l’expérience de magasinage. L’accompagnateur peut ainsi sensibiliser l’autre

193 personne à des points auxquels elle n’aurait pas porté attention ou au contraire il peut avoir un rôle inverse et détourner son attention.

RL7-LAN3-H : « Je discutais avec des amis, donc là je n’ai pas prêté attention forcément à ce qu’il y avait autour ».

Le répondant qui endosse le rôle d’accompagnateur est davantage sensible à l’environnement l’entourant. Ainsi, un mari qui accompagne son épouse dans un magasin de cosmétiques est davantage en mesure de restituer des éléments relatifs à la décoration que sa femme qui est, quant à elle, davantage focalisée sur les produits de beauté.

4.1.8. Capacités mémorielles

Tous les individus ne sont pas égaux et ne présentent pas les mêmes capacités, ni de traitement de l’information, ni mémorielles. Certains sont physionomistes alors que d’autres ont, par exemple, des prédispositions à se souvenir des ambiances sonores ou des odeurs. Il en résulte des différences en termes de mémorisation et les individus ont tendance à se souvenir des éléments de leur expérience en lien avec leur(s) sens le(s) plus développé(s).

CUB12-TOM2-F : « En fait, moi je suis très attentive aux personnages que je rencontre. Donc voilà quoi, je me souviens quasiment de toutes les têtes à qui j’ai eu à faire ».