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EXPLORATOIRE SUR LE CONTENU DU

S ECTION 2 – M ISE EN PERSPECTIVE DE LA LITTERATURE GRACE A UNE « LECTURE FLOTTANTE » DES MICRO RECITS

3. Analyse dynamique du souvenir de l’expérience

3.1. Évolution globale du souvenir de l’expérience

La démémorisation de l’expérience ne constitue pas un processus linéaire. Entre l’expérience vécue et le souvenir immédiat que l’on en garde apparaissent des décalages. Il s’en suit une relative stabilité pendant les quinze premiers jours de l’expérience, avant que la démémorisation ne s’accélère par la suite.

3.1.1. Un traitement de l’expérience en surface pour un souvenir relativement pauvre

A première vue, entre l’expérience réellement vécue et le souvenir immédiat de l’expérience collecté en sortie de magasin, une déperdition d’informations notable est à constater. Le chaland traite de manière peu active et en surface toutes les informations qui l’entourent. Deux cas de figure semblent exister : [1]. soit il ne s’intéresse pas du tout au magasin, consciemment ou non (c’est-à-dire qu’il n’affecte pas d’importantes ressources attentionnelles

180 aux éléments du contexte expérientiel) et il accorde peu d’importance à certaines de ses actions ; [2]. soit quelque chose ou quelqu’un détourne plus ou moins consciemment son attention. [1]. DNO4-BIE1-F : « Il y a tellement de couleurs, de vêtements, de formes partout que… euh… certes j’ai peut-être voulu commencer à vouloir regarder autour de moi les murs, mais les murs, il y a plein de vêtements dessus, ce qui fait que mon œil est directement attiré par les vêtements ou les sacs ».

[2]. NJ11-MC1-H : « J'ai été subjugué par la vendeuse, alors je ne les ai pas vus ».

Il en résulte bien souvent que le chaland n’est pas en mesure de se prononcer sur la musique diffusée en magasin, les éléments de décoration, etc. puisque l’information n’a tout bonnement pas été encodée en mémoire. Toutefois, cela n’exclut pas que ces stimuli aient un impact sur les associations et la relation à l’enseigne (Möller et Herm, 2013).

3.1.2. Une relative stabilité des souvenirs entre t et t+1

Le souvenir, quinze jours après l’expérience, présente de nombreuses similitudes avec le récit collecté en sortie de magasin. La déperdition d’informations est plus faible. Les répondants semblent se souvenir assez bien de ce qu’ils ont vécu. En revanche, dès que des détails sont demandés, notamment sur l’environnement de l’expérience, des problèmes de restitution apparaissent49

.

DNO8-CHO1-F : « J’ai une idée de bois, mais je ne sais pas s’il y avait du parquet en bois ». Au moment du premier rappel, le répondant effectue un effort de réflexivité pour analyser son expérience.

CUB19-LER2-F : « Maintenant, avec le recul, c’est ça qui m’avait un peu embêté ».

3.1.3. Un souvenir qui s’appauvrit entre t+1 et t+2

De manière générale, le souvenir devient flou avec le temps, et ce, à tous les niveaux. Des éléments comme un achat peuvent venir immortaliser l'événement ce qui implique des différences de mémorisation entre les individus.

49 Ce résultat est à prendre avec prudence dans la mesure où certaines thématiques comme celle du sol n’ont pas

été abordées en sortie de magasin. Il est impertinent d’interroger le client sur son souvenir de tels détails quand celui-ci se trouve encore dans le magasin. Nous ne pouvons donc pas conclure si cette répondante a oublié l’information entre t et t+1 ou si cette information n’a jamais été encodée en mémoire.

181 CUB12-TOM3-F : « On se souvient, parce que l'on voit les photos qui permettent quelque part d'immortaliser le souvenir mais il y a des expressions, des choses qui s'en vont ».

Si le répondant ne se souvient plus de l’objectif de sa visite, il éprouve la plus grande peine à se la remémorer. S’il est remémoré, le consommateur arrive plus facilement à « dérouler » son expérience. Avec le temps, de moins en moins de détails sont donnés et le discours adopte la forme de « l’expérience type » que le répondant est habitué à vivre dans le magasin.

Outre des éléments de l’expérience non remémorés, la difficulté à se souvenir sous l’effet du temps se retrouve dans les discours. La première question du guide d’entretien invite les répondants à prendre quelques instants pour se remémorer leur visite avant de la partager. Le temps nécessaire à cette remémoration est plus important, ce qui traduit un certain effort réalisé par le répondant pour faire remonter à la surface ce qu’il a mémorisé. Par ailleurs, les répondants recourent davantage à des onomatopées, telles que « euh » en t+2.

NJ21-TAN3-H : « C’est vrai que du coup, se remémorer sa visite, ça fait un peu plus loin. On oublie un petit peu avec le temps. Votre coup de téléphone la dernière fois était plus proche, du coup j’arrivais plus à me souvenir. Là aujourd’hui c’est vrai que je dois aller chercher au fond de moi-même. C’est vrai que le souvenir a tendance à un petit peu partir ».

Si les détails de l’expérience disparaissent, dans la quasi-totalité des souvenirs, l’impression générale, elle, n’évolue pas au fil du temps.

DOF22-TES2-F : « Je reste sur cette impression. […] ça n’a pas changé ce que je pensais ». COL11-LEG3-F : « Je ne me souviens plus mais en tous cas ce dont je me souviens c’est que ce n’était pas approprié à l’ambiance et que c’était désagréable à l’oreille. Alors je ne me souviens plus quelle musique c’était… […] Le temps est passé et a effacé les souvenirs ». Dans de rares occasions, l’impression générale évolue dans un sens favorable ou défavorable à l’organisation. Il semblerait que ces évolutions apparaissent lorsqu’elles portent sur un élément impliquant fortement le consommateur.

CUT4-RIM3-F : « Et maintenant que je m’en souviens, j’avais plus l’impression que les vendeurs acceptaient, après c’est aussi normal, s’adressaient plus volontiers, passaient plus de temps avec les personnes qui avaient un vrai budget comparé au mien ».

Les chalands peuvent se classer en deux groupes selon ce qu’ils pensent de leur degré de richesse et de précision de leur souvenir : [1]. une partie soutient l’idée que leur souvenir est

182 intact deux mois après leur visite ; [2]. l’autre partie est consciente de l’existence de distorsions. Pour ces derniers consommateurs, la vie a repris son cours et l’expérience de magasinage n’en constitue qu’un élément anecdotique.

[1]. CUL14-VIM3-H : « Alors c’est peut-être un peu plus succinct que les premières fois, ce qui ne me parait pas anormal d’ailleurs, mais c’est en substance ce dont je me souviens ».

[2]. COL1-WAL2-F : « Je dois vous dire que je me souviens quasi plus de rien. Euh… en fait les semaines ont été tellement denses que j’ai… j’ai que de vagues souvenirs de ma visite ».

Pour les consommateurs habitués à une enseigne, plus le temps passe et plus le souvenir de l’expérience se rapproche de l’« expérience type ».

NCE12-TIR2-F : « D’abord, je suis allée aux toilettes. D’habitude j’y vais après mais là j’avais envie d’aller faire pipi donc et après je suis allée prendre mon café. Je suis descendue en bas en fait. Voilà et puis après pour avoir le temps de bien profiter de mon moment ».

NCE12-TIR3-F : « Après je suis allée aux toilettes. Je vais toujours aux toilettes avant de repartir ».

De par leur caractère structurant du souvenir, les dimensions de la facette ‘nature’ du souvenir sont très affectées par le temps qui passe. Les souvenirs sont moins riches, cohérents, accessibles et reviviscents.