• Aucun résultat trouvé

1. Présentation des systèmes de mémoire

1.3. Dissociation sensorielle – court – long terme

Dans leur modèle de la mémoire, Atkinson et Shiffrin (1968, 1971) avancent l’idée d’une distinction mémoire sensorielle, mémoire à court terme et mémoire à long terme (Figure 2.1).

93 Ces dernières se distinguent par leur durée de rétention des informations et par les processus de traitement dont elles sont le siège.

Figure 2.1. – Représentation schématique du modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968)

1.3.1. La mémoire sensorielle

La mémoire sensorielle, ou registre sensoriel, stocke les « représentations structurales de la forme visuelle ou auditive d'objets ou de mots » (Plailly, 2005, p.64). Le traitement par la mémoire sensorielle des stimuli auxquels nos organes sensoriels sont exposés au quotidien tient compte de leurs propriétés physiques et proprioceptives. L’information sensorielle est gardée dans la mémoire sensorielle pendant une durée très brève, de l’ordre de 300 à 500 ms, puis elle transite par la mémoire à court terme avant de pouvoir passer en mémoire à long terme. En somme, lorsqu’elle est rappelée, l’information sensorielle apparaît sous forme visuelle ou verbale. Les attributs sensoriels sont souvent ambigus et difficiles à mémoriser (Hoch et Deighton, 1989).

En réalité, plusieurs types de mémoires sensorielles existent, chacune étant associée à un sens spécifique. Plus concrètement, la mémoire iconique stocke les informations sensorielles spécifiques à la vue (Sperling, 1960), la mémoire haptique au toucher, la mémoire échoïque à l’ouïe (Darwin, Turvey et Crowder, 1972), la mémoire gustative au goût et la mémoire olfactive à l’olfaction. Les quatre premières ont été au centre de plusieurs recherches. Parmi tous les

94 stimuli auxquels est exposé un individu, la plupart des informations mémorisées provient de ce qu'il a vu, et les autres formes de perception de l'environnement mémorisées sont elles-mêmes soumises à l'influence de la vue (Mattelart, 1994).

1.3.2. La mémoire à court terme

La mémoire à court terme s’intéresse à l’information qui reste dans la conscience entre sa présentation et sa récupération. Elle est caractérisée par une capacité limitée (7 ± 2 unités d’informations ou « chunks »), un traitement et un oubli très rapides (Filser, 1994), une forte sensibilité aux interférences (Baddeley et Hitch, 1974). Ainsi, face à une séquence d’éléments à restituer en rappel immédiat, l’individu ne peut rappeler, en moyenne, qu’un nombre moyen de sept éléments, et ceci, quelle que soit la nature de ces « chunks » (chiffres, mots, phrases…). Après quelques minutes, l'effacement de l’information est quasi-total, seule une partie des informations terminera en mémoire à long terme (Rossi, 2005, p.23).

1.3.3. La mémoire à long terme

Elle se caractérise par une grande capacité et par un oubli progressif, qui peut s'étendre sur des années. Du fait de la relative stabilité des données dans le temps, leur structuration en mémoire est importante pour en faciliter leur récupération. « Il faut souligner le fait que, pour tous, la mémoire à long terme est constituée de différents registres. C'est ainsi que la distinction entre mémoire verbale et mémoire imagée est communément admise. Cette dernière regroupe l'ensemble des images visuelles, auditives, olfactives, tactiles, gustatives ou kinesthésiques qui sont stockées à long terme » (Rossi, 2005, p.30-31). D’après Croisile (2009), elle serait constituée de quatre stocks : les mémoires perceptives des formes sensorielles, la mémoire procédurale, la mémoire sémantique des faits culturels, et la mémoire épisodique des souvenirs personnels. Dans la mesure où cette mémoire porte sur les souvenirs épisodiques qui peuvent être conservés de manière permanente, elle nous intéresse particulièrement pour répondre à notre question de recherche (Encadré 2.2.).

95 Encadré 2.2. – La collecte du souvenir immédiatement après l’expérience, mémoire à court ou long terme ?

Lorsque le répondant est interrogé à sa sortie d’un magasin, il fait appel à sa mémoire à long terme et non à sa mémoire à court terme pour faire le récit de son expérience. En effet, la mémoire à court terme implique notamment le rappel d'un nombre limité d'informations, après un délai très court de l'ordre de quelques secondes, ce qui ne correspond pas au souvenir d’une visite de plusieurs minutes collecté en sortie de magasin. Il convient cependant de faire la distinction entre mémoire à long terme immédiate et mémoire à long terme différée29. Même si elles sont toutes les deux des mémoires à long terme, pour la première le test de mémoire intervient juste après l’encodage (quelques instants, voire quelques heures après l’expérience), tandis que pour la seconde il intervient après un délai plus important. Dans le cas d’une collecte du souvenir immédiatement après l’expérience, le répondant fait appel à sa mémoire à long terme immédiate.

1.3.4. La mémoire de travail

La mémoire de travail se définit comme un système de capacité limitée, destiné au stockage temporaire et au traitement des informations en vue de réaliser des actions ou des activités cognitives (Baddeley, 1986, 1992 ; Baddeley et Hitch, 1974). Elle joue le rôle d’interface entre les informations sensorielles et la mémoire à long terme et l’action (Baddeley, 2003). Elle sert également d’espace de travail entre ces données et les connaissances déjà existantes en mémoire à long terme. Certains chercheurs l’assimilent à la mémoire à court terme, d’autres la dissocient dans la mesure où elle n’est pas un outil au service de la mémorisation à court terme, mais un moyen permettant de réaliser une activité mentale qui nécessite la mémorisation avec un haut niveau attentionnel (Cowan, 2008).

Le modèle de mémoire de travail de Baddeley et Hitch (1974)

Si plusieurs modèles de la mémoire de travail existent (Cowan, 2008 ; Oberauer et al., 2000), le plus influent reste à ce jour celui de Baddeley et Hitch (1974), enrichi par la suite par Baddeley (2000). La mémoire de travail est constituée de quatre composantes : [1].

29 A ce sujet, deux littératures utilisant des conventions différentes existent. L’une oppose "immediate (long-term)

memory" à "delayed (long-term) memory" (Bucks, Olaithe et Eastwood, 2013 ; Calev, Venables et Monk, 1983),

l’autre "early long term memory" à "late long-term memory" (Ramage et al., 2013 ; Talmi, 2013 ; Talmi et al., 2013). La délimitation temporelle entre mémoire à long terme immédiate et différée varie d’une recherche à une autre.

96 l’administrateur central (système attentionnel amodal de contrôle qui intègre les informations de la boucle phonologique et du calepin visuo-spatial) ; [2]. une boucle phonologique (sous- système chargé du traitement des informations verbales) ; [3]. un calepin visuo-spatial (sous- système chargé du traitement des informations visuelles et spatiales) ; [4]. un tampon (ou buffer) épisodique (sous-système chargé de mettre en relation les informations provenant des deux autres sous-systèmes et de la mémoire à long terme) (Figure 2.2.).

Figure 2.2. – Représentation schématique de la mémoire de travail selon Baddeley (2000)

Le fonctionnement de la mémoire de travail visuo-spatiale n’est pas aussi intuitif que celui de la mémoire de travail verbale. Logie (1995) propose de distinguer dans la mémoire visuo- spatiale un « cache visuel » (composante liée à la rétention de patterns visuels, tels que les formes et les couleurs) et un « scribe interne » (composante dédiée à la rétention de séquences de mouvements). Les développements ultérieurs en neuropsychologie soutiennent l’existence de cette dissociation (Della Sala et al., 1999). Toutefois, comme le synthétise Betbeder (2009) dans son travail doctoral, des questions restent toujours en suspens sur la nature exacte des deux composantes de la mémoire de travail visuo-spatiale et les liens qu’elles entretiennent avec les autres sous-systèmes.