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La trajectoire familiale en Roumanie dans la perspective de la théorie

PARTIE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE

3.5 La structuration de la trajectoire familiale au cours de la

3.5.4 La trajectoire familiale en Roumanie dans la perspective de la théorie

Dans notre étude de la réalité postcommuniste, nous sommes partie de l’idée que l’expérience humaine a une signification importante dans la connaissance de la vie sociale. Dans cette optique la valeur sociologique des pratiques saisies à partir de contenu de récits de vie est beaucoup plus importante que les discours abstraits sur la réalité. Notre hypothèse de départ était que dans le contexte bien particulier de la Roumanie postcommuniste, par les ressources mobilisées et les stratégies construites, la famille reste une institution qui assure la survie et la protection avec en même temps un rôle important à favoriser l’intégration et l’adaptation des acteurs familiaux au contexte sociétal en transformation. Cependant, soumise aux fortes pressions de la transition la famille doit reconstruire son mode vie quotidien en réorientant les décisions dans plusieurs sphères de vie et en adoptant de nouvelles pratiques d’organisation quotidienne. La reconstitution de ces processus nous a conduits vers une étude des trajectoires de vie familiale qui présuppose l’observation de la vie quotidienne et de l’aménagement de l’existence des familles dans l’articulation entre acteurs, action et structures.

Suivant la théorie de la structuration, les trajectoires familiales se constituent à travers le rapport dynamique qui structure les pratiques familiales au cours du temps et de l’espace. Dans l’élaboration de leurs pratiques quotidiennes, les acteurs sociaux (ici les membres de la famille), font appel à un ensemble varié de règles sociales et de ressources qui selon Giddens se reproduisent de façon routinière. Cet ensemble structurel de règles et de ressources défini socialement, c’est-à-dire dans l’interaction entre les acteurs est indispensables à la constitution et à la reproduction du système familial. Comme le soulignent certains auteurs, il est important dans le cas des pratiques familiales de ne pas restreindre la définition des ressources exclusivement à celles « socio-économiques » comme par exemple le revenu, l’emploi ou la scolarité; il faut inclure, entre autres, les liens affectifs avec les amis, le conjoint et les enfants, les activités sociales et certaines habiletés personnelles (Kellerhals, Troutot et Lazega, 1984; Menahem, 1985; Lavoie, 1999). Quant aux « règles », celle-ci représentent des éléments normatifs qui établissent les droits, les prérogatives et les responsabilités des personnes, utilisées dans le courant de la vie quotidienne. Ces éléments

normatifs sont inscrits dans la reproduction des pratiques sociales et ne sont pas seulement contraignants de l’action des acteurs, mais permettent ou facilitent l’interaction.

Rapporté au contexte de la transition postcommuniste en Roumanie, nous avons vu que l’espace social n’offre pas un milieu intégrateur. La société est caractérisée durant cette période par une multitude de déséquilibres structurels, tant sur le plan économique que sur le plan social, qui exercent des pressions sur la famille. Vu que le présent est instable et l’avenir souvent caractérisé par l’incertitude, la famille, par ses actions, par ses mécanismes d’échanges, et par les ressources qu’elle mobilise, structure des pratiques quotidiennes afin de répondre à ces bouleversements. Ainsi, nous considérons que c’est cette nouvelle praxis sociale, dans le sens donné par Giddens, qui révèle la nouvelle structuration du social, ce qui signifie non seulement une autre rationalité dans l’espace familial, mais aussi une autre rationalité pour la société roumaine postcommuniste en général.

Une autre idée qu’on retient de la théorie de la structuration et qui nous aide dans l’analyse et la compréhension des trajectoires familiales, est celle selon laquelle les éléments structurels du milieu social ne contraignent pas entièrement les actions des acteurs, elles sont le medium et le résultat de l’action. Selon Giddens, les humains ne sont pas entièrement contraints par des structures externes, ni entièrement libres, les conditions sociales étant en même temps contraignantes et habilitantes et dans cette logique les acteurs sociaux réalisent leur vie dans un processus réflexif. Sur ce point, Giddens rejoint la vision exprimée aussi par les ethnométhodologues selon lesquels la réalité sociale est constamment crée par les acteurs, l’observation et l’analyse des processus mis en œuvre dans les actions permettant de comprendre les procédures par lesquelles les acteurs interprètent la réalité sociale (Coulon, 2007). Ce processus réflexif est justement la condition de la compréhension de l’ordre social.

L’évolution de la famille roumaine est éloquente en ce sens. À l’époque communiste, la famille a été non seulement soumise à de fortes contraintes économiques, elle a été également façonnée à l’intérieur d’un processus de socialisation agressif et rigide, selon un système de règles prescrites comme des normes comportementales et imposées par l’idéologie. Pourtant, par les stratégies mises en place, la famille a démontré sa capacité de résistance face à

l’intervention et au contrôle de l’espace privé. Au cours de la période postcommuniste, même si les contraintes politiques et sociales sont abolies, les actions des membres de la famille ne sont pas complètement libérées d’influences provenant du milieu social. L’instabilité sur le marché du travail, les conditions économiques précaires, la modification du cadre normatif de la société, le manque de valeurs clairement définies, l’influence des medias, sont des facteurs sociaux qui influencent l’évolution de la famille et les changements de ses pratiques.

Suite à cette prise de contact avec la théorie de la structuration de Giddens, nous pouvons formuler des questions de recherche plus spécifiques qui guident notre travail d’exploration et de développement conceptuel.

1. Quels sont les processus de changement particulièrement significatifs dans les trajectoires familiales ? Et comment ont-ils influencé la reconstruction du mode de vie durant la période postcommuniste?

2. Quelles ressources provenant de la famille et de l’extérieur sont-elles mobilisées par les acteurs familiaux dans la construction de leurs stratégies de vie quotidienne?

3. Quelles sont les ressources et les normes associées aux pratiques familiales qui ont orienté les projets familiaux?

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