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2.5 L’évolution de la famille en Roumanie durant la

2.5.1 Les changements sociodémographiques

La libéralisation de l’avortement, suite à l’abrogation du cadre législatif impopulaire du régime Ceausescu, a mené au début des années 1990 à l’augmentation explosive du nombre d’avortements (Blayo, 1991 : 529)64. Ainsi, durant les années 1990-1992, on enregistre 3

avortements pour un enfant né vivant (Brezeanu-Staiculescu, 2006 : 219), un des taux des plus élevés au monde. L’avortement était, au cours des années 1990, la méthode de planification familiale la plus répandue. Même si la commercialisation des contraceptifs était légalisée, l’utilisation en reste encore très limitée, en raison de leur prix élevé; à cela s’ajoutaient le manque d’éducation à la vie sexuelle et à la contraception (Baban, 2000)65.

64 Le nombre d’avortements déclarés était de 193 084 en 1989 pour augmenter en 1990 à 992 265.

65 Même si après 1989, le Ministère de la santé, en coopération avec des organisations non gouvernementales,

L’évolution des indicateurs démographiques indique aussi la diminution de la natalité, qui chute de 13,5 enfants nés vivants pour 1000 habitants en 1989 à 10,5 enfants nés vivants pour 1000 habitants en 2000 (Urse, 2001 : 26), la Roumanie se plaçant dans le groupe des pays avec un niveau de natalité très bas. L’indice de fécondité est également à la baisse, de 2,19 en 1989 à 1,40 en 1995, soit nettement sous le niveau de remplacement des générations (Mitrofan et Ciuperca, 1998 : 130-131). Au déclin accéléré de la natalité s’ajoute le vieillissement de la population, processus plus visible dans le cas de la population masculine et plus prononcé en milieu rural qu’en milieu urbain. Le tableau de l’inertie démographique inclut également un niveau bas de l’espérance de vie et la croissance du taux de mortalité. La population de la Roumanie se réduit au cours de la période de transition, de 23 207 000 habitants en 1990 à 22 435 000 habitants en 2000, cet aspect étant un des plus significatifs de l’évolution démographique du pays après la chute du communisme (Brezeanu-Staiculescu, 2006 : 215)66.

Des mutations importantes s’observent en ce qui concerne la structure de la famille durant la période entre 1992 et 2002. Selon les données du recensement de 2002, la forme familiale dominante reste le couple avec enfants, même si le nombre de ces couples a diminué par rapport à 1992. Le nombre des familles sans enfants augmente, cette catégorie représentant 30,9 % en 2002, alors que le nombre des familles monoparentales, qui représentent 12,9 %, est également à la hausse; ces deux catégories sont rapportées à l’ensemble des foyers composés d’un noyau familial. En croissance est aussi le nombre des célibataires, qui atteint 39,7 % de la population. La proportion de personnes divorcées est de 3,7 % de la population et 68 % de ces personnes ont entre 30 et 54 ans. Les veufs représentent 8,75 % du total de la population et 78,9 % des personnes de cette catégorie ont plus de 60 ans. Quant à la catégorie planification familiale, la connaissance dans ce domaine reste encore peu répandue. Le nombre de cliniques et de centres de planification familiale reste insuffisant, surtout dans le milieu rural.

66 La décroissance de la population est influencée par plusieurs facteurs parmi lesquels la migration externe joue

un rôle déterminant à partir de 1990; durant la période 1990 à 1999 le solde migratoire négatif (près de 135 000 personnes) a dépassé l’accroissement naturel positif de ces deux années (91 000 personnes). Après 1992, s’ajoute aussi le fait que l’accroissement naturel devient négatif, c’es-à-dire le nombre des décès dépasse celui des naissances. À partir de 1991, la décroissance de la natalité se conjugue avec la croissance de la mortalité liée au vieillissement de la population. Un autre facteur qui a conduit à la décroissance de la population est la baisse du nombre des naissances après 1989 (Brezeanu- Staiculescu, 2006 : 215).

des personnes mariées, 65 % d’entre eux ont entre 25 et 54 ans et 93,9 % du total des femmes mariées sont à leur premier mariage (Gherghel, 2005)67.

En ce qui concerne l’indicateur de divortialité, les chiffres montrent une certaine stabilité. Après un maximum en 1994 (1,74 pour 1000 habitants), le taux de divorces se situe à 1,5 pour 1000 habitants en 1995 et 1,6 divorces pour 1000 habitants en 199668 (Mitrofan et Ciuperca,

1998 : 140). Même si le mariage reste très valorisé par les Roumains, d’autres formes de conjugalité sont adoptés. Lors du recensement de 2002 sont prises en compte pour la première fois les couples qui vivent en union libre, cette pratique étant adoptée par 3,8 % de la population (Raportul Institutului National de Statistica, 2003). Il faut également ajouter une augmentation des naissances hors mariage, qui passent de 4 % en 1990 à 26,7 % naissances vivantes en 2001 (Cordon, 2006 : 16).

Parmi les facteurs qui ont influencé la dynamique des comportements familiaux, on compte le relâchement du cadre législatif qui libéralise les pratiques familiales précédemment interdites, tout en donnant la possibilité aux femmes de choisir si elles veulent ou non procréer; à cela il faut ajouter l’aspect psychologique, lié à l’incertitude quotidienne. Ces facteurs sont étroitement liés au contexte socio-économique, qui a en effet un rôle essentiel dans l’évolution des indicateurs démographiques. La détérioration des conditions de vie, la diminution des revenus, la croissance du coût des logements et des biens de base, l’inflation et le déclin du pouvoir d’achat, la perte d’emploi et le chômage, sont au moins quelques aspects qui ont augmenté l’instabilité économique et ont limité les possibilités pour plusieurs familles d’assurer un niveau de vie décent pour leurs membres (Adumitracesei et Niculescu, 2000). La précarisation matérielle s’ajoute au manque d’une protection sociale viable, doublée de l’insuffisance des services de soins et de garde pour les enfants. Les allocations pour les enfants ont atteint, en 1994, seulement 25 % du montant alloué en 1989 (Baban, 2000 : 234). L’aggravation des conditions de vie conduit à la dévalorisation du mariage et de la

67 Ces données ont été repris de : Gherghel, Ana, La monoparentalité en Roumanie. Marginalité sociale ou

modèle familial alternatif, Thèse de doctorat, Département de sociologie, Université Laval

http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/fichiers/22443/22443.html, site consulté le 05 novembre 2007. Comme pour la majorité des sources internet il n’est pas possible d’indiquer la page.

68 Comme nous l’avons déjà mentionné pour les autres indicateurs démographiques, il s’agit du « taux brute »

descendance. À partir de 1991, la nuptialité diminue progressivement : 7 mariages pour 1000 habitants en 1994-1995, 6,5 mariages pour 1000 habitants en 1998 et 6,1 mariages pour 1000 habitants en 2000, atteignant les valeurs les plus basses enregistrées au cours de la période d’après-guerre. On observe aussi l’augmentation de l’âge moyen au premier mariage de 22 ans en 1990 à 23,6 ans en 2000 pour les femmes, et de 25 ans en 1990 à 26,9 ans en 2000 pour les hommes (Brezeanu-Staiculescu, 2006 : 223-224).

La tendance à la baisse de la natalité est étroitement liée à la catégorie sociale et au rang de l’enfant. Ainsi, une diminution accentuée s’observe pour les naissances de rang moyen (3-5), tandis que les naissances de rang huit et plus sont à la hausse; un niveau relativement constant au cours des années 1990 se maintient pour les naissances de premier et deuxième rang. Ces comportements différents mettent en évidence des clivages entre les individus avec un niveau socioprofessionnel et d’éducation élevés, qui adoptent le modèle de la famille avec un ou deux enfants, et le groupe des individus avec un niveau économique et de scolarisation réduit, prédisposés à une natalité élevée, avec plus de cinq enfants69. Ces tendances du comportement

reproductif reflètent la polarisation de la société roumaine en deux catégories, qui se différencient non seulement en fonction de niveau de vie, ou culturel, mais qui ont des mentalités très différentes (Zamfir, 1999b : 159-179).

Par ailleurs, l’appauvrissement des familles nombreuses (avec plus de trois enfants), est de plus en plus prononcé. Plus de 30 % des ménages pauvres avec un ou deux enfants et plus de 50 % des ménages avec trois enfants ou plus vivent dans un état de pauvreté extrême. Ce risque augmente avec chaque enfant de plus dans la famille, ce qui conduit à 45 % des ménages pauvres avec quatre ou plus d’enfants70 (Tesliuc, Pop et Tesliuc, 2001 : 31). Dans

ces conditions d’incertitude et d’instabilité, le phénomène d’abandon des enfants prend de l’ampleur. Plusieurs familles laissent leurs enfants dans la rue ou dans les institutions de

69 Le groupe de familles avec une natalité élevée est associé aussi aux patterns traditionnels (les paysans des

régions isolées et pauvres) et aux croyances religieuses (certains cultes ayant une prépondérance vers la natalité élevée). Une catégorie à part, également caractérisée par une natalité élevée, sont les familles de Roms, groupe fortement exposé à la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion sociale.

70 Les chiffres mentionnés indiquent l’incidence de la pauvreté sur les familles en 1998. À cette époque, le

niveau de la pauvreté était le plus élevé pour les ménages avec trois enfants ou plus, ce qui représentait à peu près 5 % de la population roumaine.

l’État. Le phénomène des « enfants de la rue » a proliféré en Roumanie après 1990, avec des effets dramatiques pour l’état de santé et le développement des enfants.

Plusieurs d’entre eux sont laissés dans les rues des grandes villes du pays ou exploités comme sources de revenus, en les mettant à voler, mendier ou se prostituer. L’État a mis en place des foyers pour ces enfants, mais les conditions de vie dans ces institutions sont d’une piètre qualité et les places insuffisantes. Le contexte économique précaire et l’absence d’un cadre législatif cohérent pour la protection de la famille et des enfants accentue un autre phénomène, celui de l’adoption internationale, qui, interdite à l’époque Ceausescu, devient, dans les années 1990, un phénomène de marchandage, de trafic et de corruption (Kligman, 2000 : 248-255). Ces phénomènes sont en grande partie les résultats des politiques menées par le régime Ceausescu; ils montrent aussi le niveau précaire de l’éducation d’une partie de la population qui n’assume pas des responsabilités familiales.

2.5.2 La redéfinition du statut de la femme et les relations familiales durant la période

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