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La redéfinition du statut de la femme et les relations familiales durant

2.5 L’évolution de la famille en Roumanie durant la

2.5.2 La redéfinition du statut de la femme et les relations familiales durant

Les femmes représentent 51,25 % de la population, selon le recensement de 2002 (Bulai et Stanciugelu, 2004 : 48). Après 1989, la condition de la femme reste marquée par des valeurs et des normes qui ont leur origine à l’époque communiste ou même avant. La « famille » et la « maternité » continuent d’être les obligations les plus importantes pour la majorité des femmes, même si le contexte culturel, économique et politique a changé. Malgré la rhétorique émancipatoire de l’époque communiste, les valeurs traditionnelles continuent de prédominer et configurent les attitudes dans l’espace conjugal par une normativité peu flexible surtout dans le milieu rural. Le mariage est encore fortement valorisé dans la conception générale, mais particulièrement pour les femmes, étant d’ailleurs la forme dominante de vie familiale. Bien que le mariage et la maternité soient valorisés, certaines études montrent que le taux de satisfaction maritale exprimé par les femmes reste à un niveau très réduit (Bulai et Stanciugelu, 2004 : 56).

L’inégal partage des tâches et la différentiation des rôles sociaux selon le genre se perpétuent au sein de la famille dans le contexte de la période de transition. Les inégalités dans la répartition des tâches dans le couple, persistent, les femmes demeurent surchargées par leurs tâches domestiques et professionnelles, leur situation s’aggravant dans le contexte économique bouleversé de la transition. La configuration du marché du travail a un caractère discriminatoire qui limite l’ascension professionnelle de la femme tout en favorisant les caractéristiques masculines dans l’obtention du succès, et parfois les femmes sont surqualifiées pour les postes qu’elles occupent. Pourtant, l’obtention du succès est assez souvent basée sur la « féminité ». Si les anciens clichés véhiculés par la propagande privilégiaient l’image de la femme ouvrière, en uniforme, qui travaillait sur les chantiers et dans des usines pour la prospérité de la patrie, après 1989 ce mythe a été remplacé par celui de la femme qui réussit dans la vie parce qu’elle a une apparence de vedette de cinéma ou de mannequin. En effet, cette nouvelle image, entretenue abondamment par les médias et selon laquelle la sexualité est une modalité de succès pour la femme, s’impose dans la conscience publique comme un nouveau standard de promotion pour les femmes (Bulai et Stanciugelu, 2004).

Quant à l’intégration dans le champ économique, les données statistiques montrent des différences substantielles entre les hommes et les femmes. Les femmes sont moins rémunérées que les hommes, elles occupent des emplois de niveau inférieur aux hommes, étant assez souvent les premières licenciées. Sur le marché du travail, plusieurs secteurs sont « féminisés », car ils sont occupés en majorité par les femmes, surtout des domaines comme l’assistance sociale, la santé, l’enseignement, la restauration, le commerce, l’agriculture. Pour faire face aux besoins, dans le contexte instable de la transition, la famille à double revenu est une nécessité. Les femmes restent surchargées, devant non seulement concilier leurs responsabilités familiales et domestiques avec les contraintes du marché, mais elles sont obligées assez souvent, vu leur salaire réduit, de prendre un ou même deux emplois supplémentaires pour compléter le budget familial.

Dans la sphère de décision politique, ainsi que dans la haute administration, et dans l’économie privée, les femmes sont peu représentées, malgré l’affirmation du principe de

l’égalité des chances entre hommes et femmes. La vie publique reste dominée par les hommes, les femmes étant associées plutôt à des activités exécutives, sans avoir des chances réelles de promotion dans le champ politique ou économique. Cette marginalisation des femmes dans la sphère publique est renforcée par la mentalité traditionnelle qui consolide la dichotomie selon le genre tout en mettant l’emphase sur l’image de l’homme qui est plus compétent dans la vie politique et sociale (Gal et Kligman, 2003). La présence de la femme est visible dans le champ de l’activité d’organisations non gouvernementales. Ainsi la plupart des actions caritatives ou communautaires, sont développées par des associations et fondations composées en grande majorité par des femmes. Bien qu’après 1989 les mouvements féministes influencés par le discours occidental essayent de promouvoir la conscience du genre, cette thématique présente peu d’intérêt dans le contexte culturel de la Roumanie où la société n’est pas encore habituée à la participation et à l’action civique (Grunberg, 2000).

Durant la période de transition, la situation de la femme et de la famille en général a été affectée par la croissance de la violence conjugale et de l’alcoolisme qui deviennent les causes principales du divorce et des séparations en Roumanie. Ces phénomènes ont eu également des effets négatifs sur le développement psychique et physique des enfants qui sont les plus exposés. Le cadre juridique et les services de protection pour les femmes et les enfants victimes de violence sont peu développés, les quelques institutions pour la protection des femmes victimes de la violence conjugale étant développées seulement dans les grandes villes du pays; dans le milieu rural, même si la violence est présente, il n’y a aucun moyen de protection pour les victimes. La situation économique instable oblige assez souvent les femmes tolérer une relation conflictuelle, tout en sachant qu’une éventuelle séparation pourrait avoir des conséquences négatives pour leur équilibre économique et celui de leurs enfants (Gherghel, 2005).

Conclusions

L’interprétation du matériel sur l’évolution historique nous permet de retenir quelques idées de la structuration et de la dynamique de la famille roumaine au fils du temps. Nous avons observé l’attachement fort de la famille traditionnelle à la propriété privée et les pratiques de solidarités qui ont configuré un modèle spécifique de famille. Nous avons cependant observé que, malgré son intervention, l’État-providence paternaliste est resté inefficace en ce qui concerne les pratiques de solidarité familiale, car non seulement il n’a pas réussi à transformer ces pratiques, mais durant les années de crise économique profonde de l’époque Ceausescu il a même contribué à les consolider. Dans ce nouveau contexte d’ouverture après 1989, la coercition est abolie et la relation entre l’espace public et l’espace privé se restructure. Toutefois, l’organisation familiale est amenée à encore jouer un rôle important, restant un refuge sécurisant, cette fois-ci contre les problèmes et les incertitudes de la transition.

Nos interrogations partent de la prémisse que, pendant la période après la chute du communisme, la famille prend de plus en plus d’importance et est un facteur essentiel d’intégration sociale et de micro redistribution des ressources. Durant la transition, les Roumains sont confrontés à des bouleversements socio-économiques radicaux et rapides, et doivent réorienter leurs itinéraires et restructurer leur mode de vie. Dans cette dynamique, la famille s’interpose entre l’environnement social et les trajectoires individuelles, étant un lieu d’élaboration de stratégies et de projets. Cependant, l’espace familial offre non seulement des opportunités et des ressources dans la construction des trajectoires, mais il peut tout aussi bien avoir des effets contraignants. Dans ce contexte, il faut se demander comment les acteurs sociaux opèrent les choix et quelles sont les stratégies et les projets qui orientent leur devenir social.

Notre questionnement est ancré aussi dans l’idée que dans la conjoncture socio-économique de la transition il y a une tendance forte à la solidarité familiale. Comme on l’a vu, les réseaux informels ont constitué un élément essentiel dans les stratégies de survie de la population sous le régime communiste. Dans le système socio-économique en crise d’avant 1989, le soutien

accordé par les membres de la parenté constituait la base du fonctionnement familial, assurant la survie économique et plus largement le fonctionnement social. Notre hypothèse est que la solidarité intergénérationnelle, consolidée au cours du régime communiste, se maintient pendant la période de transition, et se renforce et s’adapte aux nouvelles réalités économiques et sociales. De nombreux échanges intergénérationnels soutiennent cette solidarité. En fonction de la structuration de la solidarité, différentes stratégies d’ascension sociale et professionnelle, sont mises en place; c’est un autre élément à identifier dans les diverses situations familiales en Roumanie. Nous allons essayer de mettre en évidence la structuration, le rôle et le type d’entraide, ainsi que la direction et la signification des échanges qui ont lieu au sein de la parenté.

Ce point de vue analytique qui vise la structuration des stratégies familiales et des projets a la vertu de mettre en évidence dans sa formulation conceptuelle l’interrelation de l’unité « famille » avec le contexte social. Il est donc nécessaire de clarifier les diverses influences sur les alternatives d’action possibles des membres de la famille. Ce n’est donc pas la famille en tant que telle, avec ses pratiques spécifiques, ses liens typiques et son fonctionnement interne qui est pertinente dans notre analyse, mais plutôt la structuration du mode de vie qui définit la famille dans les conditions du développement social, économique et institutionnel spécifique de la Roumanie postcommuniste. Compte tenu de ces considérations, la reconstitution de la structuration des trajectoires familiales à partir des concepts de stratégie et de projet semble être adéquate pour notre analyse. Ces approches seront présentées dans la section suivante, après un examen d’autres approches théoriques développées en sociologie de la famille.

PARTIE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET

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